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« Si Trump l’emporte, la Fed pourrait ne pas être en mesure d’abaisser les taux jusqu’au niveau final de 3,5% » – un entretien avec Nannette Hechler-Fayd'herbe
« Si Trump l’emporte, la Fed pourrait ne pas être en mesure d’abaisser les taux jusqu’au niveau final de 3,5% » – un entretien avec Nannette Hechler-Fayd'herbe
Article publié dans elEconomista le 7 octobre 2024.
Après 24 ans chez Credit Suisse, où elle a fini par occuper les fonctions de Directrice des investissements pour la région EMEA, Nannette Hechler-Fayd’herbe a rejoint Lombard Odier en janvier, où elle occupe les mêmes fonctions et où elle dirige également la stratégie d’investissement, de durabilité et d’analyse pour le Groupe. La directrice des investissements nous présente la vision qu’elle a aujourd’hui des marchés et de la situation macroéconomique en général. Elle propose quelques conclusions éclairantes – la nouvelle réalité à laquelle les banques centrales font face, le grand problème de l’Europe ou les conséquences pour la Fed en cas de victoire de Trump aux élections – ainsi que son point de vue sur les actifs dont les niveaux sont attractifs en ce moment. Elle soutient enfin l’attrait que les investissements obligataires présentent aujourd’hui face à la bourse.
Aujourd’hui, les décisions politiques comptent plus que les seules politiques monétaires
Le cycle de baisse des taux a commencé. Allons-nous assister à nouveau à une hausse de tous les actifs dans le sillage des mesures de relance, ou les choses seront-elles différentes cette fois-ci ?
Le monde a beaucoup changé après la pandémie. Aujourd’hui, les décisions politiques comptent plus que les seules politiques monétaires. On peut dire qu’avant le Covid, les banques centrales jouaient un rôle clé dans la définition de la politique économique. En effet, après la crise de la dette en Europe et dans la zone euro, les budgets étaient sous contraintes. Les raisons qui limitaient la taille de cette partie de la politique monétaire ne manquaient pas, ce qui laissait le champ libre aux banques centrales. Je crois que la politique fait, dans l’ensemble, un retour en force. Prenez par exemple les élections aux États-Unis : tout a un impact sur la hausse des prix et sur les perspectives de l’inflation.
Un nouveau pic d’inflation pourrait-il se produire ?
Si l’on se fie aux perspectives de l’inflation à long terme aux États-Unis, par exemple, le point mort à 10 ans est récemment revenu à 2,2%. Il est essentiel qu’il retrouve le seuil des 2%. Les banques centrales n’ont pas ménagé leurs efforts pour atteindre ce niveau et, aujourd’hui, la politique a des effets sur les perspectives d’inflation. Trump propose d’augmenter les droits de douane dans leur ensemble, ce qui pourrait avoir des conséquences, même temporaires, sur le niveau des prix et de l’inflation.
Et concernant le marché du travail aux États-Unis face à la question migratoire, une baisse du nombre de demandeurs d’emploi pourrait générer des tensions sur ce marché, ce qui risquerait d’entraîner des pressions salariales. Ce phénomène peut avoir des répercussions sur la hausse des prix dans les services, jusqu’à ce qu’une politique migratoire facilitant l’immigration légale soit à nouveau appliquée.
Ce que je veux dire, c’est que la politique aura un rôle à jouer. Nous pourrions traverser une période de transition pendant laquelle l’inflation repartira à la hausse et les banques centrales devront réagir et appuyer sur le frein. Nos attentes, par exemple, n’écartent pas la possibilité que la Fed, en cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche, ne puisse pas abaisser les taux jusqu’au niveau final de 3,5%, comme ses prévisions l’annoncent. D’un autre côté, une victoire de Kamala Harris ne bouleverserait pas autant la politique menée actuellement en matière de commerce ou de marché du travail. La Fed pourrait ainsi mener à bien son plan et poursuivre les baisses de taux d’intérêt dans les prochains mois.
Je crois encore qu’il y a de bonnes raisons d’investir en obligations. Les niveaux des taux dans la zone euro, les rendements des obligations, etc. permettent encore d’obtenir des rémunérations réelles. Les rendements réels restent positifs et quiconque recherche un élément de diversification pour son portefeuille se doit de faire une place aux obligations. Dans la dette libellée en euro, les titres d’entreprise de qualité investment-grade offrent de bonnes opportunités.
Sur les marchés boursiers, au niveau mondial, le rendement des bénéfices des actions génère, dans l’ensemble, des performances comparables aux obligations d’entreprise de qualité investment-grade
Sur les marchés boursiers, au niveau mondial, le rendement des bénéfices des actions génère, dans l’ensemble, des performances comparables aux obligations d’entreprise de qualité investment-grade. Comme les performances sont au même niveau, nous maintenons un positionnement neutre vis-à-vis des actions. Une surpondération serait logique sur certains marchés où nous percevons de la valeur mais, en général, ce n’est pas le cas à l’heure actuelle.
Quelles seront, selon vous, les retombées sur l’économie mondiale de la crise en Chine ?
Il est intéressant de constater que la Chine a un effet désinflationniste sur le reste du monde. C’est quelque chose qui s’était produit avec le processus de mondialisation entre les années 2000 et 2016. L’effet désinflationniste était alors très marqué. La majeure partie des banques centrales avaient dû combattre la déflation pendant cette période. Dans le monde multipolaire actuel, où la mondialisation a laissé place à la construction de nouvelles relations internationales et de chaînes d’approvisionnement différentes, cet effet désinflationniste est limité.
Les autorités chinoises viennent de lancer un train de mesures de relance coordonnées visant à soutenir la croissance économique et les marchés financiers. Avec ce nouveau coup de pouce en Chine, les autorités ont retrouvé une certaine marge de manœuvre et les marchés ont fortement réagi. Cela dit, ces nouvelles mesures ne répondent pas aux difficultés à long terme du pays. Nous restons donc prudents. Bien sûr, si d’autres producteurs devaient remplacer la Chine, cela générerait des coûts supplémentaires, ce qui pourrait accélérer la hausse des prix. Néanmoins, pour le moment, la Chine, compte tenu de la gestion actuelle de son développement, restera un facteur de désinflation. De plus, ce seront les politiques internationales qui détermineront l’ampleur de cet effet désinflationniste.
Les mesures qui figurent dans le rapport Draghi sont-elles les mieux adaptées pour améliorer la productivité dans la zone euro ?
Le plan proposé par M. Draghi met fortement l’accent sur l’investissement. L’une des raisons expliquant pourquoi les États-Unis ont distancé l’Europe est que le pays a davantage investi. Nous devons nous demander qui finance des investissements de cette ampleur.
Je crois que le problème de l’Europe est qu’elle s’autorégule trop. La réglementation est un des éléments qui distinguent l’Europe. Plus elle est dure, même si c’est avec les meilleures intentions (climat, stabilité financière...), plus le risque d’aller trop loin est grand. Il n’est donc pas étonnant de ne pas voir beaucoup d’investissement. Il faut trouver un juste équilibre à la réglementation.
Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA (ci-après « Lombard Odier »).
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