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Le jacquier – une alternative végane
Le jacquier est un fruit aux vertus extraordinaires. Couvert d’épines, il n’est ni plus ni moins que le plus gros fruit arboricole du monde et peut peser jusqu’à 50 kg. Mais on le reconnaît surtout à sa forte odeur, qui fait penser à celle de l’oignon pourri. Il n’y a encore que quelques années, on le trouvait surtout en bordure des routes indiennes, tel une mauvaise herbe géante, et était pratiquement inconnu en dehors de l’Asie du Sud-Est.
L’intérieur du fruit est composé d’une gomme épaisse et collante qui tache l’ustensile utilisé pour accéder aux bulbes charnus à l’intérieur. Cette caractéristique et sa taille rendent sa récolte difficile. « Le jacquier n’est pas adapté au traitement automatisé ou mécanique en raison de sa taille, si bien que le nettoyage, l’emballage et le tri doivent être effectués à la main », explique Agrifutures Australia, un groupe de recherche agricole.
Malgré ces désagréments, le jacquier a le vent en poupe. La demande s’est envolée, les consommateurs étant séduits par sa texture ressemblant à celle du porc effiloché. Les producteurs de jacquiers profitent aussi de la montée en puissance du mode de vie végane en Occident.
Des mets sans viande
De plus en plus de personnes décident de ne plus consommer de viande, que ce soit pour des raisons de santé, ou par souci du bien-être animal ou de l’impact environnemental de la production de viande. Selon la société d’études de marché Statista, la viande « est l’une des catégories d’agriculture les plus gourmandes en ressources. En effet, elle consomme d’énormes quantités de terre, d’eau et d’aliments pour animaux, et elle contribue à environ 14,5% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine ».
Par conséquent, les attitudes des consommateurs changent. Le nombre de végétariens, véganes et flexitariens a augmenté. Qui plus est, de plus en plus de personnes choisissent de se passer de viande certains jours. La valeur du marché des protéines végétales, qui comprend les lentilles, les noix et le quinoa, devrait passer de 10,5 milliards de dollars en 2017 à 16,3 milliards en 2025, selon les prévisions de Statista.
Contexte favorable
Autant dire que le contexte est propice à l’explosion des ventes de jacquiers, même si elles partent d’un faible niveau. L’Inde devrait exporter 800 tonnes de jacquiers cette année pour satisfaire la demande des consommateurs européens, britanniques et américains, alors que ce fruit ne s’exportait quasiment pas il y a cinq ans. La Colombie, la Malaisie, l’Ouganda, la Jamaïque, la Thaïlande, le Sri Lanka, le Bangladesh et le Kenya sont d’autres grands exportateurs.
Il n’empêche que cette proportion reste infime par rapport à la consommation locale : de 2015 à 2017, la production moyenne de jacquiers s’est élevée à environ 1,8 million de tonnes en Inde, à un million de tonnes au Bangladesh et à environ 700’000 tonnes en Indonésie. « Dans tous les pays, la production de jacquiers a connu un essor rapide en réponse à l’augmentation de la demande intérieure », selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
A l’heure où les restaurants tendance et les consommateurs consciencieux des pays industrialisés découvrent le jacquier, ce fruit pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la chaîne alimentaire mondiale que celui d’une alternative exotique plébiscitée par les hipsters.
Sa polyvalence pourrait être une véritable aubaine dans un monde où tant de personnes n’ont toujours pas assez à manger – environ 124 millions d’individus souffraient de la famine en 2018 selon l’indice de la faim dans le monde.
Un seul jacquier peut nourrir toute une famille pendant plusieurs jours, du fait de sa taille, mais aussi de sa polyvalence : il peut être accommodé dans des plats sucrés et salés, des sandwiches façon porc effiloché, de la glace et des biscuits, ou du gâteau au jacquier mûr. Ce fruit qui pousse sur des arbres atteignant 20 mètres de haut et capables d’en produire des centaines par an à maturité est un aliment de base en Asie du Sud-Est. « On peut le manger comme fruit quand il est mûr. Il peut aussi être servi sous forme de curry, de jus, de crème et de gâteaux », selon le World Atlas.
La chair du jacquier est une bonne source de protéines végétales et ses graines comestibles ont un goût sucré et lacté. Ses graines peuvent être transformées en farine et le fruit non mûr est utilisé dans les cuisines indienne, sri-lankaise, cambodgienne et thaïlandaise. Son goût neutre et sa texture fibreuse en font un substitut idéal à la viande, qui absorbe les saveurs apportées pendant la cuisson.
Il est aussi facile à cultiver, nécessite relativement peu d’eau et est assez robuste, résistant aux ravageurs et aux maladies, comme l’explique Shree Padre dans un entretien au site Internet agricole Down To Earth. Ce producteur indien de jacquiers, qui est aussi l’éditeur d’un magazine agricole, est très actif dans sa promotion.
Des études montrent que le rendement des principales cultures, à l’instar du blé, du riz et du maïs, pâtira du changement climatique. Le jacquier est un aliment qui pourrait donc gagner en visibilité à l’avenir. Et plutôt que de faire de l’ombre aux autres cultures, il peut les encourager. L’arbre du jacquier est souvent planté avec d’autres cultures fruitières, sa taille et sa résistance au vent protégeant les fruits exotiques tropicaux plus vulnérables.
Les défis
Alors que plusieurs pays asiatiques, dont le Vietnam, la Thaïlande, le Bangladesh et l’Indonésie, cultivent systématiquement le jacquier, l’Inde gaspille actuellement quelque 60% à 70% de sa récolte et devrait profiter de ce nouvel intérêt suscité par le jacquier si elle réussit à créer une chaîne de valeur adéquate.
Mais rien n’est simple en matière agricole. Tout d’abord, tout effort concerté pour commercialiser la production se heurterait au délai d’environ trois ans entre la plantation et la première récolte, et risque d’être pris de cours par l’arrivée d’une autre étoile montante de la scène végane. Toujours est-il que la popularité de cette plante en Asie et la nécessité de nourrir une population croissante semblent sécuriser ses perspectives de croissance.
Le fruit est relativement facile à cultiver, mais quand il arrive à maturité, il est difficile à récolter, à couper et à peler, en raison de sa taille et de sa chair gluante. Il doit être cueilli, nettoyé et emballé à la main. Qui plus est, sa taille et son poids rendent le transport coûteux et complexe. D’autant plus que le fruit se gâte s’il n’est pas transformé rapidement. Pour minimiser le gaspillage et créer une chaîne de valeur viable, explique Shree Padre, il doit être transformé correctement. « Trois principes clés s’appliquent : prêt à cuisiner, prêt à manger, valeur ajoutée. C’est dire si le potentiel est énorme. »
De belles perspectives
Le jacquier a fait son entrée en Occident avec l’essor de la demande d’alternatives savoureuses à la viande. Ce potentiel nouveau rival de l’avocat ou du quinoa est aussi un ingrédient essentiel de l’alimentation de plusieurs pays asiatiques. C’est même le fruit national au Bangladesh.
On peut en dériver plusieurs produits à valeur ajoutée pour « améliorer le rendement des cultures de jacquier », selon Agrifutures. Actuellement, les jacquiers invendus sont détruits au lieu d’être transformés, mais ils peuvent être mis en conserve, séchés ou réfrigérés, avec à la clé un rendement accru et plus de choix pour les consommateurs. La société indienne Artocarpus, opérant sous le nom de Hebon, propose ainsi une gamme de produits dérivés, notamment des nouilles, des pâtes, du café, de la farine ou de la pulpe.
Et si le secteur décolle vraiment, les agriculteurs pourraient en profiter. Quand le quinoa est devenu à la mode en Occident, il a donné un coup de pouce aux agriculteurs péruviens des Andes, où « la hausse des prix a contribué à augmenter les dépenses des ménages de 46% entre 2004 et 2013 », selon The Economist.
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