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    Comment les investissements privés vont-ils faire évoluer la conquête de l’espace vers de nouveaux horizons ?

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    Par Andrew Pemberton

    La conquête de l’espace a repris de plus belle. Mais cette nouvelle frontière pour l’investissement privé dans l’espace va-t-elle générer les rendements espérés ?

    Malgré ses récents déboires, le milliardaire Elon Musk, fondateur de PayPal et de Tesla, est en passe de devenir le roi de l’espace. A mesure que la soif de connaissances sur la galaxie augmente, la liste des pionniers qui ambitionnent d’en explorer les opportunités s’allonge.

    Au coin de Crenshaw Boulevard et de Jack Northrop Avenue, à Hawthorne, en Californie, le premier étage d’une fusée se dresse à près de 50 mètres de haut au-dessus d’une piste d’atterrissage bétonnée.

    S’il est impossible de le manquer lorsqu’on se promène dans les alentours, on ne peut pas s’en approcher, et encore moins le toucher.

    Le module de lancement a réussi un atterrissage historique en décembre 2015 à Cap Canaveral en Floride, après l’envoi en orbite de 11 satellites de l’entreprise de communication Orbcomm. Depuis, SpaceX, de son vrai nom Space Exploration Technologies Corp, a fait atterrir cinq autres modules de lancement de fusée, un sur terre et quatre sur une barge en mer.

    Ces atterrissages réussis ont convaincu Elon Musk, directeur général de SpaceX, de l’avenir des modules de lancement réutilisables, lesquels permettent de réduire considérablement les coûts. Au-delà de ces considérations, le Liévathan est un symbole concret, bien que peu accessible, de cette nouvelle conquête de l’espace.

    On n’avait pas vu tel engouement pour la course aux étoiles depuis l’effervescence spatiale des années 90. En 2011, on comptait seulement 100 entreprises dans l’industrie aérospatiale. Aujourd’hui, elles sont près de 1000, dont 700 privées, selon le bien nommé Richard Rocket, cofondateur et PDG de New Space Global, la firme installée à Cap Canaveral, en Floride, qui étudie le marché global de l’aérospatiale pour les investisseurs.


    En 2011, on comptait seulement 100 entreprises dans l’industrie aérospatiale. Aujourd’hui, elles sont près de 1000, dont 700 privées, selon le bien nommé Richard Rocket

    ​Les investisseurs
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    Depuis 2000, les montants investis dans des start-ups du secteur s’élèvent à un peu moins de 13,3 milliards de dollars, avec un pic de 2,7 milliards de dollars en 2015. L’industrie de l’aérospatiale draine donc des capitaux considérables, même si la croissance est sensiblement plus faible que dans les industries technologiques traditionnelles.

    L'argent
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    Selon Jeff Foust, rédacteur en chef du magazine Space Review publié dans le district de Washington, deux arguments principaux motivent les grands intérêts financiers dans le tourisme et l’exploration spatiale : « Les avancées technologiques ont réduit les coûts », explique-t-il. « De ce fait, il est plus facile d’envoyer des petits satellites dans l’espace ; comme les fusées sont lancées à moindres frais, il est possible d’effectuer des lancements plus fréquemment. »

    SpaceX est souvent appelé l’EasyJet des lancements de fusée, à la fois fiable et abordable. L’implication enthousiaste de milliardaires donne également un coup de pouce à cette industrie.

    « L’intérêt manifesté par de riches investisseurs privés pour l’espace a engendré un brassage de fonds pour de nouveaux projets », explique Jeff Foust. « C’est une grande première. »

    Elon Musk, le milliardaire à la tête de PayPal, Tesla et maintenant SpaceX, est talonné par Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon et des fusées de la compagnie Blue Origin. Jusqu’ici, Jeff Bezos a refusé de révéler le montant des fonds investis dans Blue Origin. A peine a-t-il fait ce commentaire laconique, adressé aux journalistes avec malice : « Disons que cela représente beaucoup d’argent ».

    Paul Allen, fondateur de Microsoft, a lancé Stratolaunch, le plus grand avion du monde par son envergure, qui pourra larguer des fusées à 30 000 pieds, juste avant leur mise à feu dans l’espace. Ce dernier explique que cette technologie permettra d’envoyer des satellites dans l’espace de façon plus sûre. En janvier 2015, Google a investi de son côté un milliard de dollars dans SpaceX. Quant à Sir Richard Branson, de Virgin Galactic, voilà plus de dix ans qu’il tente de faire décoller le tourisme spatial. Il est l’un des rares milliardaires non issus du secteur des nouvelles technologies à investir dans le boom des fusées.

    Elon Musk lui-même a identifié la tendance. « Il fallait anticiper le phénomène pour pouvoir être là au bon moment et soutenir le développement de ce marché en injectant des capitaux, ce qui a été rendu possible grâce aux nouvelles technologies », a-t-il expliqué.


    Ces milliardaires sont-ils sérieux, où est-ce uniquement un hobby de luxe pour une poignée de gens aussi fortunés que désœuvrés ?

    « Je pense qu’ils sont très sérieux », pose Jeff Foust. « Pour la majorité de ces investisseurs, il s’agit d’un rêve d’enfance. Voilà 15 ans que Jeff Bezos investit dans Blue Origin, SpaceX existe depuis 14 ans, Virgin Galactic depuis dix ans. Tous ont rencontré des déboires. Virgin Galactic a perdu un pilote. Tous auraient pu baisser les bras à un moment donné. »

    En plus de leur persévérance, ils se sont fixé des buts à la hauteur de leurs ambitions. Les lanceurs réutilisables ne représentent que le début de l’aventure pour Elon Musk ; son objectif est d’envoyer des gens sur Mars.

    « Sommes-nous destinés à être une espèce multiplanète ? » questionne-t-il. « Si ce n’est pas le cas, le futur risque de ne pas être rose. Nous sommes condamnés à traîner sur Terre jusqu’à ce qu’une catastrophe nous anéantisse. »

    Sommes-nous destinés à être une espèce multiplanète ?

    Même si SpaceX doit encore parvenir à envoyer une personne en orbite basse, ce qui est prévu pour 2017, Elon Musk travaille dur pour concevoir un « Transporteur Colonial Martien » (on chuchote que le X dans SpaceX viendrait d’Exodus).

    Bien qu’ayant essuyé un revers avec l’explosion de l’une des fusées sur la piste de Cap Canaveral, Elon Musk n’a pas perdu son enthousiasme.

    Jeff Bezos est avant tout un idéaliste. Son vaisseau spatial New Shephard réutilisable a déjà été lancé vers la périphérie de l’espace. Selon les résultats des tests, des séjours pourraient être proposés pour des groupes de six touristes fortunés pour de courts voyages dès 2018.

    En fait, le tourisme spatial a déjà décollé. Le 28 avril 2001, Denis Tito est devenu le premier voyageur de l’espace payant lors de son séjour d’une semaine à l’International Space Station (ISS).

    En 2002, il a entraîné dans son sillage le millionnaire sud-africain de l’informatique Mark Shuttleworth, puis Gregory Olson en 2005, dont la compagnie est spécialisée en caméras haute sensibilité. Depuis lors, plus de huit vols civils dans l’espace ont été effectués à bord du vaisseau russe Soyuz. Chacun de ces voyages a été organisé par Tom Shelley, le président anglais de la compagnie Space Adventure basée à Washington.

    « Ce genre d’aventures gagne en popularité, » commente-t-il.


    ​Les astraunautes
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    Le trajet de cinq minutes à peine pour atteindre la limite de l’espace et revenir permet d’expérimenter la force gravitationnelle au décollage ainsi que l’état d’apesanteur en redescente. Bientôt, ce sera quelque chose d’ordinaire, annonce Tom Shelley. Lors de soirées mondaines, vous croiserez des gens qui l’ont fait », assure-t-il. Edward Wright de Citizens In Space, une autre société rivale, est encore plus optimiste.

    « D’ici dix ou vingt ans, le prix du ticket coûtera l’équivalent d’un vol Etats-Unis-Australie en première classe. »

    Pour Jeff Bezos, le tourisme spatial n’est qu’un début, un premier pas vers le développement d’une nouvelle technologie de pointe, exactement comme lors des premiers balbutiements de l’aviation ou des jeux vidéo. Son objectif final est de permettre aux citoyens de vivre et de travailler « hors de la planète ». Selon lui, une fois l’industrie lourde déplacée dans l’espace, la Terre deviendrait une grande banlieue, composée principalement d’universités et d’habitations. On comprend que Jeff Bezos ait du mal à contenir son enthousiasme après la récente découverte de Proxima B, une planète similaire à la Terre située à 4,22 années-lumière seulement, où la vie serait possible.

    Sur la planète Terre, l’industrie florissante des satellites représente actuellement une véritable opportunité d’investissement. Les fonds injectés par Google dans Space X, par exemple, sont destinés à aider le géant américain à installer des satellites Internet dans les coins reculés du monde.

    Les chiffres
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    Cependant, comme le New York Times le soulignait, « Google saute dans un train déjà en marche. » Virgin Group, tout comme Qualcomm, qui conçoit des semi-conducteurs de communication, a investi dans une constellation de 648 satellites de connexion Internet. Planet Labs, un fabricant de satellites de la taille d’une boîte à chaussures qui capturent des images de la Terre, a obtenu un financement de 85 millions d’euros.

    « Des bailleurs de capital-risque investissent dans ces compagnies de satellites », explique Jeff Foust.

    « Nombre de ces compagnies spatiales ne seront plus là dans dix ou vingt ans » estime Fred Wilson, d’Aerojet Rocketdyne, fabricant de systèmes de propulsion pour fusées.

    Jeff Foust confirme : « La différence est qu’aujourd’hui, tout est bien moins cher que dans les années 90 ; le modèle d’affaires des nouvelles compagnies spatiales est nettement moins exigeant que par le passé », conclut-il.

    Jeff Foust est convaincu que les compagnies prospères uniront leurs forces. « Difficile de dire qui tirera son épingle du jeu, c’est justement ce qui rend la compétition passionnante. » Il n’envisage cependant pas de collaboration entre Elon Musk et Jeff Besos : « C’est deux-là ne sont pas près de s’entendre. »

    La NASA tient un rôle de premier plan dans cette aventure. Depuis l’arrêt de Space Shuttle, en 2011, l’agence s’est consacrée à l’exploration en profondeur, envoyant des sondes sur Mars. Cependant, les finances de l’agence spatiale sont en berne. Aujourd’hui, les dotations de la NASA représentent moins de 5 % des dépenses fédérales. Comme on le dit sur le ton de la plaisanterie, « No bucks, no Buck Rogers. » (pas d’argent, pas de Buck Rogers).

    C’est ainsi que la NASA s’est mise à travailler avec des entrepreneurs privés comme SpaceX. En fait, la NASA représente le plus important marché de SpaceX, avec notamment un contrat de 2,3 millions d’euros pour envoyer des astronautes vers la station spatiale dès 2017. Des contrats ont également été négociés pour lancer des satellites commerciaux. La NASA soutient même le plus fou des projets : atterrir sur Mars.

    « En échange des données d’arrivée, de descente et d’atterrissage enregistrées par SpaceX », expliquait une porte-parole récemment, « la NASA offrira un support technique pour aider à faire atterrir sans équipage un vaisseau spatial Dragon 2 sur Mars. »

    Les rêves d’Elon Musk pourraient donc bien se réaliser très bientôt.

    2015 Une année dans l'espace
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