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Créer de la valeur et gérer les risques – les investissements durables à l’honneur du Transition Investment Summit
La transition vers une économie « net-zéro » respectueuse de la nature est le défi le plus pressant de notre époque. Lors de notre récent Transition Investment Summit organisé à Zurich, dans la foulée de celui de Londres, les participants se sont joints à des experts du climat et à des leaders de l’investissement durable pour explorer comment la finance peut accélérer cette transformation.
Jean-Pascal Porcherot, Associé-gérant de Lombard Odier et Coresponsable de Lombard Odier Investment Managers, a ouvert le sommet en soulignant à la fois la taille et la complexité du défi auquel le secteur financier est confronté : « Chez Lombard Odier, nous sommes convaincus que la transition environnementale créera […] la plus grande opportunité d’investissement depuis la révolution industrielle. »
Toutefois, il a également rappelé que « la transition est complexe. Elle ne se structure pas autour des piliers sectoriels habituels ». Pour les investisseurs, elle défie l’analyse traditionnelle et exige au contraire une “réflexion systémique” permettant d’anticiper les vastes changements qui s’enchaînent et qui toucheront simultanément de nombreux secteurs.
« C’est pourquoi, chez Lombard Odier, nous avons investi dans la mise en place d’une équipe de recherche de premier plan », a-t-il expliqué. « Dans cette optique, nous nous sommes associés à Systemiq, société experte dans les changements systémiques, et avons investi dans ses activités afin de travailler main dans la main avec ses équipes spécialisées en études de marché de pointe. Dans la même veine, nous avons établi des partenariats avec l’Université d’Oxford et avec E4S. Parallèlement, nous avons récemment lancé holistiQ, notre plateforme d’investissement durable unique en son genre, en collaboration avec Systemiq. Nous jouons donc un rôle majeur dans la finance durable. »
Le but du sommet, a-t-il conclu, est double : d’une part, explorer les raisons pour lesquelles nous invitons les investisseurs à partager cette conviction forte et, d’autre part, comment intégrer la durabilité aux portefeuilles afin d’en améliorer les performances sur le long terme.
LA valeur ou LES valeurs ?
Dr Zacharias Sautner, professeur de finance durable à l’Université de Zurich et Senior Chair du Swiss Finance Institute, a prononcé le discours d’ouverture du jour. Il a commencé par un retour aux sources, en posant la question suivante aux participants : « Qu’est-ce qui motive l’investissement durable ? Est-ce LA valeur ou LES valeurs ? »
Aux Etats-Unis, a averti M. Sautner, on constate une tendance croissante au rejet des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans l’investissement, précisant que certains Etats sont même allés jusqu’à interdire les fonds de pension ESG. « Cela découle d’un malentendu fondamental sur la nature intrinsèque de la finance durable, a-t-il dit. Il ne s’agit pas de valeurs, de morale ou de politique. Il ne s’agit pas de “laisser de l’argent sur la table”. Il s’agit de considérations relatives aux risques financiers. Il s’agit de “valeur” au singulier. »
Mais il y a selon lui un revers de la médaille : les investisseurs ont une approche erronnée des considérations ESG en choisissant de supprimer tout investissement dans des entreprises à forte intensité d’émissions. « Mais le désinvestissement mène-t-il à un monde meilleur ? Non, on ne fait que désinvestir au profit de quelqu’un qui ne se soucie pas de la situation. Cela ne contribue aucunement à l’édification d’un monde meilleur. » La clé du changement, affirme-t-il, est de s’engager en tant qu’investisseur : « Il faut conserver ses investissements afin de participer activement à la transformation des entreprises. »
« Nous ne maîtrisons ni la crise climatique ni la perte de biodiversité. Nous n’avons pas assez investi dans le soutien aux coalitions d’investisseurs. Comment vous engager ? Vous pouvez vous joindre à des coalitions d’investisseurs et inciter d’autres investisseurs à suivre votre exemple. Il faut vous engager et unir vos forces pour faire face à ces risques », a-t-il conclu.
Capitalisme : le problème et la solution
Selon M. Sautner, depuis l’Accord de Kunming-Montréal sur la biodiversité conclu en 2022, « les risques liés à la nature sont désormais présents sur les marchés financiers. Si vous vous souciez des risques, vous ne pouvez pas ignorer la biodiversité ». Il ajoute qu’il en va de même pour les risques liés au carbone. Les investissements dans les pays fortement émetteurs sont plus risqués en raison du durcissement des réglementations, qui exigent des réductions d’émissions dans le temps.
Bien que le capitalisme fasse partie du problème, en raison d’un modèle économique qui ne parvient pas à tarifier le coût environnemental des secteurs de l’industrie et des services, il fait également partie de la solution, a-t-il expliqué. L’analyse ESG peut elle aussi intégrer les risques liés au carbone et à la biodiversité dans les décisions d’investissement, ce qui incitera les entreprises à changer.
Revenant au thème de l’engagement des investisseurs, M. Sautner a souligné que leur capacité à encourager – voire forcer – le changement est l’un des plus grands avantages du capitalisme. Un fort engagement des investisseurs peut être synonyme de surperformance sur les marchés, a-t-il expliqué. « Si vous incitez les entreprises de votre portefeuille à s’engager en faveur du climat et de la biodiversité, le marché en tiendra compte. Les cours des actions pourraient augmenter et vous pourriez générer de l’alpha1. »
La simple prise en compte des critères ESG, a-t-il souligné, « n’est pas de l’investissement à impact ». Cela ne génère ni résultats tangibles ni valeur d’investissement. Au lieu de cela, a-t-il expliqué, son portefeuille idéal, tant pour les rendements que pour l’impact, « renferme 100 entreprises responsables de 70% des émissions mondiales2. C’est dans cette configuration qu’il faudrait alors engager le dialogue avec ces entreprises ».
Daniela Stoffel, Secrétaire d’État aux questions financières internationales du Département fédéral des finances en Suisse, a rappelé combien la réglementation est importante, en exigeant de la part des entreprises des déclarations qui aideront les investisseurs à jouer ce rôle actif. « [En Suisse], nous donnons la priorité à la transparence sur le climat et les autres aspects ESG. Les pressions s’amplifient pour que les entreprises déclarent [leurs risques liés au climat]. La durabilité ne fonctionnera pas sans réglementation et sans le rôle complémentaire que l’Etat doit jouer. »
La durabilité comme point de départ pour l’investissement
Thomas Höhne-Sparborth, Head of Sustainability Research chez Lombard Odier Investment Managers (LOIM), a présenté l’approche de Lombard Odier en matière d’allocation au sein des portefeuilles : « La durabilité est le point de départ du processus de génération d’idées ». Pour M. Höhne-Sparborth, comme pour M. Sautner, cela ne signifie pas que la performance des investissements sera moindre. « Nous recherchons les entreprises qui permettent de s’exposer aux “points chauds” de l’activité économique, là où de nouvelles opportunités de rendement excédentaire peuvent être identifiées », a-t-il dit.
Revenant sur les autres points soulevés par M. Sautner, M. Höhne-Sparborth poursuit : « Doit-on uniquement se préoccuper des notations ESG ? Doit-on seulement investir dans les entreprises qui savent mieux comment gérer leur activité ? Nous pensons que cela n’est pas la meilleure façon de générer des surperformances. Les critères ESG font partie de la solution, mais ne suffisent pas, a-t-il ajouté, en précisant : « Il faut absolument identifier les entreprises les mieux placées pour s’adapter aux grands changements systémiques qui traversent l’économie mondiale, ainsi qu’à la transformation des chaînes de valeur et des sources de rendement qui en découlera ».
Elise Beaufils, Deputy Head of Sustainability Research chez LOIM, est du même avis : « Pour construire une éolienne, il faut de l’aluminium et de l’acier. Et les technologies de l’information ne sont rien sans l’extraction du cuivre, par exemple. Les industries lourdes sont nécessaires à la transition. Un portefeuille à faible empreinte carbone se débarrasse de certains investissements, certes, mais passe en même temps à côté des opportunités offertes par ces industries. Nous devons aller au-delà des émissions de carbone actuelles et instaurer une approche prospective afin de construire des portefeuilles adaptés à la transition. »
Felix Philipp, Sustainability Analyst chez LOIM, s’est alors interrogé sur l’analyse ESG : si, à elle seule, elle ne suffit pas à l’investissement durable, faut-il « investir dans les tendances » ? Selon lui, adopter cette approche serait trop réducteur car « il serait impossible d’identifier les points de bascule ou les mutations qui se jouent sur les marchés ». Au lieu de cela, en écho à l’analyse initiale de M. Porcherot, il affirme que « nous devons, d’une part, comprendre la finalité et la dynamique de la transition et, d’autre part, apprendre à investir dans les changements systémiques qui en découleront ».
Pour M. Porcherot, cette perspective systémique souligne la nécessité d’investir sur le long terme. C’est le modèle de Lombard Odier, détenue en mains privées, ne donnant la priorité ni à la valeur actionnariale à court terme ni aux résultats trimestriels, ce qui essentiel pour nous permettre d’adopter une vision à long terme, a-t-il expliqué. « Et sur le long terme, nous pensons que l’investissement durable est essentiel pour préserver et faire fructifier le patrimoine pour les générations futures. »
1 Surperformance par rapport au marché
2 Just 100 companies responsible for 71% of global emissions, study says | Guardian sustainable business | The Guardian
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