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Élections européennes : épreuve de vérité ou signal d’alarme ?
Lombard Odier Private Bank
Tous les cinq ans, l’Union européenne (UE) prend le pouls de sa conjoncture politique à l’occasion des élections au Parlement européen. Le scrutin qui se déroulera du 23 au 26 mai sur l’ensemble du continent fait l’objet d’une attention toute particulière. Une minorité croissante des 370 millions d’électeurs de l’UE pourrait choisir de voter en faveur de partis qui souhaitent mettre fin à l’union politique et économique qui se construit en Europe depuis 62 ans.
Comme ailleurs dans le monde, la polarisation politique s’intensifie en Europe. Bien que le soutien à l’Union européenne, le plus grand bloc commercial du monde, ait atteint son plus haut niveau depuis 1983 selon l’Eurobaromètre, le futur de la zone a rarement paru aussi incertain. En effet, une majorité de citoyens de l’UE pensent aujourd’hui qu’il est « probable » ou « très probable » que l’Union se dissolve d’ici deux décennies.
Le populisme est présent dans toute l’Europe. L’Allemagne, la France, l’Italie, la Pologne (et le Royaume-Uni, en proie au Brexit) pourraient faire entrer davantage de députés anti-européens au Parlement de l’UE, une évolution nourrie par un ensemble de peurs relatives à l’immigration, à l’austérité, à la stagnation des salaires et à la précarité de l’emploi. Mais cette extrémité du spectre politique est elle-même divisée entre ceux qui sont directement opposés à l’existence ou à l’élargissement de l’UE, et ceux qui souhaitent qu’elle renforce son protectionnisme sous une forme ou une autre.
Conscience pro-européenne
L’arrivée généralisée du populisme de droite et de ce que le Premier ministre hongrois Viktor Orbán appelle la «démocratie illibérale » commence à réveiller une conscience politique pro-européenne face aux enjeux actuels.
Les projections pour le vote de ce mois-ci annoncent un Parlement européen composé de huit groupes distincts, que l’on peut regrouper en trois ensembles : un premier, composé des députés socialistes et écologistes, un deuxième, constitué par le Parti populaire européen (une alliance élargie de conservateurs sociaux qui pourrait voir sa domination de vingt ans au Parlement européen s’achever), et un dernier, formé par les partis anti-européens.
Selon l’Eurobaromètre, la montée du sentiment populiste inquiète les trois cinquièmes de l’électorat européen. Malgré une baisse de soutien pour les partis traditionnels, la perspective des élections n’a pas favorisé la coordination entre les partis populistes. Non sans ironie, alors même que les nationalistes cherchent à établir des connexions à l’international, ils peinent à former un front uni et rassemblent des composantes aussi bien de gauche que de droite, sans réelle volonté de concertation, ni d’accord.
Bien que le sujet du populisme continue de susciter le débat, l’Union européenne a relevé d’autres défis de taille ces dernières années et l’issue des élections ne devrait donc pas bouleverser le statu quo actuel. Ainsi, la nouvelle assemblée devrait être un peu plus à droite, et légèrement moins pro-européenne que la composition actuelle du Parlement européen.
Coalition gouvernementale espagnole et dette italienne
Les élections d’avril en Espagne ont été suivies de près. Si l’arrivée de l’extrême droite au Congrès espagnol a retenu l’attention, le Parti socialiste a finalement obtenu une plus grande part des votes. Le Premier ministre socialiste par intérim, Pedro Sánchez, qui ne dispose toujours pas d’une majorité absolue, a entamé de longues négociations avec le parti de gauche Unidas Podemos. Toutefois, même si elles aboutissaient, les alliés demeureraient potentiellement dépendants des séparatistes catalans pour pouvoir former une coalition.
De son côté, le vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini, a affirmé la semaine dernière que son gouvernement était prêt à rompre son engagement de limiter le déficit du pays à 3 % du PIB et à augmenter le ratio dette / PIB à 140 % (contre 132 % actuellement). Témoignant de la discorde qui règne au sein de la coalition gouvernementale italienne, les déclarations de M. Salvini ont provoqué la semaine dernière un fort creusement du spread entre les rendements des emprunts d’État italiens à 10 ans et leurs équivalents allemands, au plus haut depuis trois mois.
Le Brexit s’invite dans le scrutin européen
Le Parlement européen compte 751 sièges, dont 46 reviennent au Royaume-Uni. Jusqu’à la sortie de l’UE, les députés britanniques siègeront donc à Bruxelles et à Strasbourg et percevront un salaire européen. De son côté, le Parti du Brexit, fondé cette année et résolu à soutenir un départ sans accord / dur de l’UE, pourrait engranger 32 % du vote britannique, selon les récents sondages. Une fois le Royaume-Uni effectivement parti, ses sièges seront attribués à certains pays aujourd’hui sous-représentés, notamment la France, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas.
Le problème de fond reste néanmoins non résolu : le parlement britannique n’est toujours pas parvenu à se mettre d’accord sur la forme que prendront les relations du pays avec l’UE une fois qu’il l’aura quittée. Les partis affichant une position claire pour ou contre l’UE vont certainement bénéficier de cette situation, au détriment du gouvernement britannique et du Parti travailliste, et à l’avantage de l’option extrême d’une sortie à tout prix. S’il a provoqué un immense désordre, le Brexit aura néanmoins permis au reste de l’UE de comprendre les difficultés que l’on rencontre si l’on veut en sortir.
Comme l’a souligné la chancelière allemande Angela Merkel dans un entretien accordé à la Süddeutsche Zeitung la semaine dernière, si le Royaume-Uni souhaite quitter l’UE, « il faut qu’il y ait une majorité parlementaire à Londres en faveur d’une proposition concrète, et pas simplement contre ». Des propos que le nouveau Parlement européen, potentiellement encore plus divisé, devrait retenir pour les cinq ans à venir.
Constructifs et moins critiques
Le populisme, sous ses différentes formes, n’a fait que renforcer la nécessité de réformer l’UE. Le porte-parole autoproclamé des réformateurs est sans aucun doute le président français Emmanuel Macron, dont les difficultés internes avec le mouvement des « Gilets jaunes » ont rendu moins audibles les appels à un « nouvel accord » européen qui permettrait de relever les défis socio-économiques auxquels le continent est confronté.
Pour sa part, l’Allemagne est entrée dans une phase transitoire alors que sa chancelière Angela Merkel est en train de passer le relais à Annegret Kramp-Karrenbauer. Cette transition pourrait d’ailleurs s’accélérer puisqu’cette dernière aurait demandé à Angela Merkel de se retirer avant la fin de son mandat en septembre 2021.
« Nous sommes confrontés à des courants [...] qui veulent détruire l’Europe de nos valeurs, et nous devons y faire face avec détermination », a déclaré Angela Merkel à la presse le 18 mai, après la révélation d’enregistrements qui semblaient montrer le leader du Parti de la liberté d’Autriche (droite) et vice-Chancelier autrichien, Heinz-Christian Strache, en train de promettre des contrats publics à une fausse émissaire russe en échange d’un soutien financier.
Le projet politique européen ne peut survivre et se développer à long terme que si les dirigeants actuels de l’UE sont en mesure d’exprimer une vision commune et cohérente des enjeux de l’Europe, qui vont de la sécurité au changement climatique, en passant par la migration et la prospérité économique. En effet, toute vision qui ne serait pas à la hauteur de celle qui a fondé les institutions européennes il y a plus de soixante ans pourrait se voir sanctionnée par les électeurs européens.
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