perspectives d’investissement
Le pétrole de retour sur le devant de la scène : nous confirmons notre objectif de USD 75 le baril (12 mois, Brent)
Le pétrole a fait les frais d’une combinaison parfaite de facteurs défavorables...
Tout d'abord des incertitudes concernant la demande suite aux ventes massives liées au regain d’aversion au risque en octobre, puis l’annonce inattendue de dérogations pour huit pays important du pétrole iranien. Parallèlement, la composante offre de l’équation s’était déjà détériorée, avec un bond étonnant de l’offre américaine en provenance du Golfe du Mexique. Enfin, des facteurs techniques ont joué un rôle important également, car il semble que la chute a été amplifiée lorsque le cours spot a atteint les prix d’exercice d’options utilisées par les producteurs américains pour couvrir leurs ventes (USD 55 et 60 le baril étant les niveaux les plus utilisés pour le WTI).
... mais les cours devraient désormais trouver des supports automatiques
Avec des cours actuellement en dessous des estimations du prix d’équilibre budgétaire1 pour la plupart des membres de l’OPEP, la prochaine réunion de l’organisation et de la Russie prévue le 6 décembre devrait déboucher sur des réductions de la production. De plus, nous pensons que l’environnement actuel (baisse du prix du pétrole/creusement des spreads de crédit) influencera le processus de budgétisation de l’exploration et de la production américaine, qui a généralement lieu entre décembre et février.
Maintien de notre scénario de base – Brent à USD 75 le baril à un horizon de 12 mois, WTI à USD 65 le baril – mais avec une volatilité accrue
A moyen terme, peu de changements fondamentaux sont susceptibles de compromettre notre scénario de base. En effet, notre évaluation de l’équilibre entre l’offre et la demande intègre déjà une hypothèse plus prudente que celle du consensus concernant le niveau de la demande alors que la production iranienne devrait baisser davantage. En conséquence, nous maintenons notre objectif à 12 mois.
Cependant, comme l’administration américaine a de plus en plus tendance à intervenir sur le marché du pétrole, il convient de se préparer à une volatilité plus importante à l’avenir. Pour toutes ces raisons, nous pensons que le Brent se négociera dans une fourchette comprise entre USD 65 et 85 le baril.
Cependant, comme l’administration américaine a de plus en plus tendance à intervenir sur le marché du pétrole, il convient de se préparer à une volatilité plus importante à l’avenir.
Au cours des six dernières semaines, le cours du pétrole est d’abord apparu comme un risque pour le cycle macroéconomique, notamment lorsqu’il a atteint un plus haut en quatre ans à USD 86 le baril le 3 octobre, pour devenir ensuite un facteur qui cristallise les craintes concernant la croissance lorsqu’il a amorcé un cycle baissier (graphique 1).
Scénario de base : des ajustements qui ne modifient pas le contexte fondamental
Dans un contexte marqué par l’intensification des différends commerciaux et des craintes concernant le paysage macroéconomique (comme le montre la nouvelle accentuation de la corrélation entre les classes d’actifs au mois d’octobre), le marché a commencé à prendre en compte une nette baisse de la demande de pétrole pour 2019. Nous maintenons notre projection de 1,2 mb/j (graphique 2) inchangée compte tenu de nos perspectives pour la croissance mondiale, même si elle était inférieure de 200’000 b/j aux prévisions des principales agences. La première baisse des prévisions de demande est intervenue le 13 novembre, avec la publication du rapport mensuel de l’OPEP sur le pétrole : en 2019, la croissance de la demande de pétrole devrait être de 1,29 mb/j en glissement annuel, soit environ 70’000 b/j de moins que la projection du mois précédent. Il est intéressant de noter que, le jour suivant, l’AIE a confirmé ses attentes de demande solide, passant d’une hausse de 1,3 mb/j cette année à une hausse de 1,4 mb/j en 2019. Néanmoins, il convient également de souligner que sans la baisse récente des cours du pétrole, la prévision aurait certainement été revue à la baisse, compte tenu des commentaires du dernier rapport sur le marché du pétrole sur les consommateurs en difficulté dans les pays en développement qui sont déjà confrontés à des turbulences au niveau national suite à la forte dépréciation de leurs devises pendant l’été. Même aux Etats-Unis, les prix de l’essence au détail ont encore augmenté de 2 cents le gallon de septembre à octobre, marquant le sixième mois consécutif où ils évoluent dans une fourchette comprise entre USD 2,85 à 2,90/gallon. A terme, une hausse continue des prix de l’essence aura certainement un impact sur la consommation.
A terme, une hausse continue des prix de l’essence aura certainement un impact sur la consommation.
Quant à la composante offre de l’équation, les sanctions américaines sur les exportations iraniennes sont entrées en vigueur le 5 novembre et ont suscité de vives réactions. Tout d’abord considérées comme un risque haussier pour les cours du pétrole, l’introduction de ces sanctions a finalement déclenché une nouvelle vague de ventes massives lorsque des dérogations ont été accordées à huit pays. Selon notre interprétation, ces derniers ont obtenu la possibilité d’importer jusqu’à 1,2-1,3 mb/j de pétrole iranien. Les dérogations resteront en vigueur jusqu’au mois de mai 2019, ce qui suggère que, toutes choses étant égales par ailleurs, la production iranienne de mai 2019 pourrait être d’environ 2,5 à 2,6 mb/j, bien que l’on ne puisse pas exclure que les règles ne soient quelque peu contournées. La dernière production enregistrée en octobre 2018 était de 3,5 mb/j. Il convient de signaler que plusieurs inconnues demeurent à ce stade :
- Les dérogations seront-elles renouvelées en mai 2019 ?
- Pendant combien de temps la Chine acceptera-t-elle le régime de dérogation alors que la guerre commerciale contre elle se poursuit ?
- Quel sera le degré effectif de « tricherie » ?
Nous avons essayé de présenter un scénario pour la production de pétrole iranienne jusqu’en novembre 2019, en gardant à l’esprit que le conseiller à la sécurité nationale américain John Bolton était déterminé à « mettre une pression très forte sur les Iraniens ». Il est probable que la production à fin 2019 se situe entre 2,2 mb/j (30% de réduction des dérogations à partir de mai 2019, pleine conformité) et 2,8 mb/j (pas de changement dans les dérogations et un peu de « tricherie »). Cela reste une réduction significative par rapport à la production d’environ 3,8 mb/j du premier semestre 2018 (graphique 3).
Notre scénario de base prévoit une production de pétrole américaine de 10,7 mb/j en 2018 en moyenne et 11,9 mb/j en 2019. Les statistiques récentes suggèrent un potentiel haussier pour nos estimations (graphique 4) :
- Nous supposons actuellement que la production permienne augmentera de 0,5 mb/j entre décembre 2018 et décembre 2019, car les engorgements du réseau d’oléoducs au premier semestre 2019 devraient forcer les producteurs à ralentir le rythme de complétion. Le dernier rapport de productivité du forage EIA souligne que la production permienne devrait croître progressivement au quatrième trimestre 2018 à environ 55’000 b/j par mois. En extrapolant ce rythme de croissance, nous nous rapprochons d’une croissance de 0,7 mb/j entre décembre 2018 et décembre 2019.
- Nous pensons que la production américaine du Golfe du Mexique devrait augmenter plus modestement de 30’000 b/j selon l’estimation pour 2018 et de 100’000 b/j supplémentaires en 2019. Les données de juillet et août 2018 indiquent de nouveaux records à environ 1,9 mb/j. Bien que ces chiffres soient supérieurs à nos hypothèses, il ne faut pas oublier que la production offshore reste plus volatile en raison d’arrêts réguliers liés à la maintenance et aux ouragans. Davantage de données sont donc nécessaires pour confirmer la durabilité de cette progression.
Néanmoins, les investisseurs ne devraient pas sous-estimer l’impact de la récente correction sur l’industrie américaine de l’exploration et de la production. Les producteurs obtiennent des prix inférieurs au WTI à la tête des puits, avec une certaine disparité : USD 45/b pour les producteurs dans le bassin de Bakken contre USD 50/b dans le bassin permien, et moins de USD 20/b pour leurs voisins du Nord (Canada). Ces niveaux détériorent la courbe des coûts (nous tablons sur un coût marginal plus élevé pour le secteur du schiste américain à USD 55-60/b suite à la hausse des coûts).
Néanmoins, les investisseurs ne devraient pas sous-estimer l’impact de la récente correction sur l’industrie américaine de l’exploration et de la production.
Les sociétés étant maintenant déterminées à dépenser dans les limites de la trésorerie disponible (selon le mantra de la discipline dans l’utilisation du capital), ces flux de trésorerie plus faibles pèseront sur leur capacité à réinvestir dans la roche. La budgétisation de l’exploration et de la production est généralement effectuée entre décembre et février. Elle reste naturellement très influencée par l’environnement des prix du pétrole. De plus, l’impact de la hausse des coûts de financement sur le secteur ne doit pas être minimisé. Les tensions sont déjà visibles dans le segment du haut rendement du secteur de l’énergie, où les écarts de rendement ont bondi de 100 pb tandis que les cours du pétrole chutaient de plus de 25% (graphique 5). Ainsi, plus les prix restent bas, plus la probabilité que les dépenses d’investissement soient faibles en 2019 sera élevée, avec pour conséquence une production revue à la baisse pour le deuxième semestre 2019.
Dans l’ensemble, les statistiques récentes suggèrent que l’équilibre entre l’offre et la demande pourrait être plus souple au premier semestre 2019 que ce qui était prévu initialement. Toutefois, avec des cours spot maintenant inférieurs au prix d’équilibre budgétaire d’Arabie Saoudite (graphique 6), nous nous attendons à ce que l’OPEP réagisse si nécessaire pour gérer la baisse – la prochaine réunion de l’OPEP se tiendra le 6 décembre. En fait, l’entreprise de coopération entre l’OPEP et la Russie a déjà fait preuve de sa volonté d’agir comme une banque centrale pour le marché du pétrole, à savoir augmenter ou réduire sa production pour équilibrer le marché physique et garantir un environnement favorisant l’investissement international dans de nouvelles capacités de production au Proche-Orient. La production d’octobre de l’OPEP de 33,3 mb/j est nettement supérieure à nos estimations de la demande de pétrole adressée à l’OPEP d’environ 31,5 mb/j au premier semestre. La grande inconnue à ce stade demeure le rythme auquel les exportations iraniennes diminueront avec les sanctions américaines. Cependant, comme indiqué précédemment, le scénario d’une dégringolade des exportations qui a entraîné le positionnement spéculatif à des niveaux record dernièrement ne représente plus l’hypothèse de base.
La grande inconnue à ce stade demeure le rythme auquel les exportations iraniennes diminueront avec les sanctions américaines.
A moyen terme, peu de changements fondamentaux sont susceptibles de compromettre notre scénario de référence. Notre estimation de l’équilibre entre l’offre et la demande intègre déjà une hypothèse plus prudente que celle du consensus concernant le niveau de la demande, alors que la production iranienne est appelée à baisser davantage. Notre analyse fondamentale montre que cette correction est excessive et la prochaine réunion de l’OPEP+R prévue le 6 décembre devrait déboucher sur des baisses de production d’au moins 1 mb/j pour réduire la surabondance de l’offre. Une baisse des cours du pétrole ne sera possible que si la demande ralentit nettement. Par ailleurs, nous ne sommes pas sur le point de revivre l’effondrement des prix des matières premières de 2014-2015. Contrairement à 2014, le pétrole de schiste américain est la seule source de croissance de l’offre à court terme, et le taux de croissance actuel devrait commencer à diminuer en 2020/2021. Cela devrait donner davantage de marge de manœuvre à l’OPEP+R pour augmenter la production et répondre à la hausse de la demande dans un environnement où la croissance du pétrole de schiste a atteint un stade plus mature.
Notre analyse fondamentale montre que cette correction est excessive et la prochaine réunion de l’OPEP+R prévue le 6 décembre devrait déboucher sur des baisses de production d’au moins 1 mb/j pour réduire la surabondance de l’offre. Une baisse des cours du pétrole ne sera possible que si la demande ralentit nettement.
Cependant, comme la politique, et en particulier l’administration américaine, s’invite de plus en plus souvent sur le marché – exacerbant les tensions géopolitiques au Proche-Orient ou demandant à l’OPEP d’agir lorsque la hausse des prix de l’essence devient trop impopulaire – il serait judicieux de se préparer à davantage de volatilité à l’avenir (graphique 7). Pour les raisons expliquées ci-dessus, nous pensons que le Brent oscillera probablement dans une fourchette plus large comprise entre USD 65 et 85 le baril dans les mois à venir.
1 Le prix du pétrole qui permet l’équilibre budgétaire des pays en question.
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