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    2022 sera-t-elle une année charnière pour la soutenabilité ?

    2022 sera-t-elle une année charnière pour la soutenabilité ?

    La nécessité de passer à un modèle économique soutenable est un défi de taille qui peut parfois sembler impossible à relever. Dans le flot de discours alarmants sur la crise climatique, les progrès accomplis peuvent facilement passer inaperçus, notamment les mesures concrètes prises par les décideurs, les sociétés de capitaux, les investisseurs et les consommateurs non seulement pour freiner le changement climatique et la dégradation de l’environnement, mais pour inverser la tendance. Nous vous proposons de découvrir des changements et des innovations qui pourraient faire de 2022 l’année charnière qui permettra d’atteindre le « net zero » et de parvenir à la reconstitution du capital naturel de la planète.

    Rénovation des bâtiments

    Les constructions neuves sont un exemple de la volonté des décideurs d’œuvrer en faveur de la soutenabilité aux côtés de l’industrie. De nombreux gouvernements adoptent des normes d’émissions de plus en plus rigoureuses pour la conception et le fonctionnement des bâtiments neufs. Opter pour la construction de bâtiments verts est un choix important, mais démolir les anciens bâtiments pour les remplacer par du neuf n’est pas une solution soutenable1. Les bâtiments existants, dont la majorité devraient rester occupés jusqu’en 2040, sont responsables de 28% des émissions mondiales de gaz à effet de serre ; il faudrait donc entamer de vastes chantiers de rénovation pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris2.

    Les constructions neuves sont un exemple de la volonté des décideurs d’œuvrer en faveur de la soutenabilité aux côtés de l’industrie

    Encouragé par la rénovation réussie de l’Empire State Building, qui a permis de réduire de 40% les émissions de carbone et de USD 4 millions la note d’électricité du gratte-ciel3, l’Etat de New-York a lancé l’initiative « Empire Building Challenge ». Un fonds de USD 50 millions permettra de financer l’installation pilote de solutions innovantes de rénovation des bâtiments dans toute la ville, comme des dalles de plancher qui génèrent de l’électricité lorsque l’on marche dessus et du verre électrochromatique à opacité variable qui reproduit la variation de la lumière naturelle.

    Ce type d’initiative se multiplie dans le monde. Le Plan fédéral de développement durable du président Biden fixe un objectif ambitieux de neutralité carbone des bâtiments fédéraux d’ici 2045 qui fera la part belle aux rénovations4. De son côté, la Vague de rénovations pour l'Europe de la Commission européenne prévoit de doubler la cadence actuelle de rénovation des bâtiments dans le cadre de son objectif de neutralité carbone d’ici 20505. Quant au Royaume-Uni, la Révolution industrielle verte du premier ministre Johnson6 prévoit de mettre le foyer, le lieu de travail, l’école et l’hôpital au cœur de la révolution verte, et de subventionner la décarbonisation des bâtiments publics et la rénovation de millions de logements pour améliorer l’efficience énergétique7.

    Lire aussi : En matière de soutenabilité, les politiques sont-elles efficaces 

    Ralentir la mode

    La mode rapide est souvent citée comme exemple pour résumer le modèle économique linéaire « prendre-fabriquer-jeter » (« take-make-waste ») de l’industrie. La demande étant encouragée par les prix bas et le changement rapide de tendance, le secteur de la mode est responsable de 10% des émissions mondiales de carbone et de 20% de la pollution industrielle de l’eau, et à l’origine de 92 millions de tonnes de déchets textiles par an. Chaque année, plus d’un demi-million de tonnes de microfibres de polyester (matière peu coûteuse) sont déversées dans l’océan, dont une partie est ingérée par la faune marine et finit par entrer dans notre chaîne alimentaire8.

    La mode rapide est souvent citée comme exemple pour résumer le modèle économique linéaire « prendre-fabriquer-jeter » de l’industrie… Toutefois, les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de ce secteur sur l’environnement, ce qui ouvre des portes aux marques soutenables

    Toutefois, les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de ce secteur sur l’environnement, ce qui ouvre des portes aux marques soutenables. Par exemple, la marque Patagonia, qui s’est fixé un objectif de zéro émission à l’échelle de l’entreprise d’ici 2025 et délaisse le modèle économique fondé sur la demande, a quadruplé ses revenus en dix ans. De plus en plus de marques nouvelles parviennent à se tailler une part du marché en rejetant ouvertement les cadences élevées, en réduisant les déchets au minimum car elles produisent uniquement sur commande, et en plaçant la soutenabilité et les achats d’intrants éthiques au cœur de leur offre.

    Il faut ajouter que les plateformes de revente bousculent le secteur. En 2019, le marché de la seconde main a affiché une croissance 21 fois plus importante que l’industrie du vêtement conventionnelle et devrait plus que tripler en valeur dans les dix ans aux Etats-Unis9. Ce mouvement est vital pour la transition vers une économie CLIC™ (« Circular, Lean, Inclusive and Clean », c’est-à-dire circulaire, efficiente, inclusive et propre). Le cabinet Mckinsey & Company estime que pour respecter l’objectif de température fixé par l’Accord de Paris, il faut que d’ici 2030, un vêtement sur cinq transite par un modèle d'affaires circulaire10

    Lire aussi : Les Chroniques CLIC™: Une nouvelle ère pour les biens de seconde main ? Le marché de l’occasion au service d’une économie circulaire


    Du plastique éphémère

    Le bioplastique fabriqué à partir de sources renouvelables de la biomasse, comme la canne à sucre ou les algues, promet depuis longtemps d’être une solution biodégradable soutenable capable de remplacer les polymères traditionnels issus de combustibles fossiles. Malgré de nombreuses recherches et initiatives privées, ces innovations ont trop souvent échoué à trouver leur public ou à transformer leur potentiel pour se substituer aux plastiques traditionnels. D’après Maria Negut de European Bioplastics (EUBP), association professionnelle européenne de l’industrie des bioplastiques, cet échec tient à l’absence de politiques de soutien : « L’innovation est un processus long et coûteux. Si une entreprise met au point un produit innovant, mais se heurte à des barrières pour entrer sur le marché européen, ça n’encourage pas l’innovation. Il faut adopter une politique de soutien qui favorise le développement d’une industrie forte des bioplastiques11. »

    Le bioplastique fabriqué à partir de sources renouvelables de la biomasse, comme la canne à sucre ou les algues, promet depuis longtemps d’être une solution biodégradable soutenable capable de remplacer les polymères traditionnels issus de combustibles fossiles

    La situation pourrait bien évoluer cette année. Dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur les bioplastiques au premier trimestre 2022 et prévoit adopter au deuxième trimestre le tout premier cadre d’une politique pour des plastiques « respectueux de l’environnement, biodégradables et compostables»12. EUBP espère que cette avancée libérera l’innovation et facilitera l’expansion rapide de l’industrie des bioplastiques.


    Une cartographie depuis l’espace

    Le Costa Rica est devenu le premier pays tropical à réparer les dégradations dues à des décennies de déforestation, en taxant les combustibles fossiles pour pouvoir investir dans la nature. Cette taxation spéciale a permis de réunir USD 500 millions, qui ont été reversés à des exploitants agricoles chargés de protéger et de reconstituer la forêt tropicale. Cette mesure a également permis de créer des emplois au bénéfice du secteur du tourisme. L’expérience du Costa Rica tient lieu d’exemple, même si cette solution n’est pas directement reproductible à d’autres contextes. Identifier à grande échelle l’impact d’une politique sur l’environnement est un défi que la technologie pourrait permettre de relever en mettant au point des solutions universelles.

    Les satellites cartographient et localisent la vitesse de la déforestation depuis des décennies. Ils relèvent l’ampleur, le rythme et le lieu des déboisements, et transmettent même des alertes en temps réel aux autorités

    Les satellites cartographient et localisent la vitesse de la déforestation depuis des décennies. Ils relèvent l’ampleur, le rythme et le lieu des déboisements, et transmettent même des alertes en temps réel aux autorités. Les satellites de dernière génération sont aujourd’hui capables de transmettre des images précises qui détectent les sources d’émissions de gaz à effet de serre, permettant d’évaluer et de localiser les émissions qui dégradent la planète. Cette année, la société canadienne GHGSat, qui s’est lancée sur ce marché en 2021, doit envoyer dans l’espace trois satellites à la pointe de la technologie. Chacun d’eux sera une mise à jour d’une version qui était pourtant déjà révolutionnaire un an plus tôt13. Les satellites de GHGSat sont capables de détecter des émissions de méthane cent fois plus faibles que ce que détectent les satellites actuels et de localiser l’emplacement exact des émissions. Grâce à cette technologie dernier cri, les entreprises recevront des données réelles sur lesquelles fonder des décisions concrètes, et les gouvernements seront mieux armés pour mesurer et adapter leurs politiques climatiques.

    il est important d’apprécier les progrès accomplis et de reconnaître qu’une opportunité existe, qu’il est possible d’investir dans notre avenir en investissant dans les organisations qui sont à la hauteur du défi de la soutenabilité

    Il n’est pas question de minimiser l’ampleur de la crise climatique : après un court répit en 2020, les émissions mondiales de carbone sont reparties à la hausse14, et nous avons franchi quatre des neuf limites planétaires permettant à l’humanité de vivre en sécurité. Néanmoins, il est important d’apprécier les progrès accomplis et de reconnaître qu’une opportunité existe, qu’il est possible d’investir dans notre avenir en investissant dans les organisations qui sont à la hauteur du défi de la soutenabilité.

    Autrefois réduite à un combat d’activistes face à une industrie récalcitrante, la question de la soutenabilité est aujourd’hui un combat universel. L’union fait la force : les entreprises et les Etats doivent s’unir pour créer des opportunités d’emploi, faire des économies d’énergie, augmenter les revenus et effectuer des investissements profitables pour le bien commun.



    1 https://realassetinsight.com/2021/07/12/riba-demolitions-should-be-stopped-to-lower-emissions/
    2 https://architecture2030.org/why-the-building-sector/#:~:text=THE%20BUILDING%20SECTOR%20Buildings%20generate%20nearly%2040%25%20of,carbon%29%20are%20responsible%20for%20an%20additional%2011%25%20annually.
    3 https://www.washingtonpost.com/graphics/2020/climate-solutions/empire-state-building-emissions/
    4 https://www.sustainability.gov/federalsustainabilityplan/buildings.html
    5 https://energy.ec.europa.eu/topics/energy-efficiency/energy-efficient-buildings/renovation-wave_en
    6 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/936567/10_POINT_PLAN_BOOKLET.pdf
    7 https://www.gov.uk/government/collections/public-sector-decarbonisation-scheme
    8 https://earth.org/data_visualization/the-9-biggest-fast-fashion-statistics/
    9 https://www.forbes.com/sites/gulnazkhusainova/2021/01/28/the-secondhand-market-is-growing-rapidly-can-challengers-like-vinokilo-thrive-and-scale/?sh=7aeb16d0ccb6
    10 https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/industries/retail/our insights/fashion on climate/fashion-on-climate-full-report.pdf
    11 https://packagingeurope.com/comment/how-is-the-european-bioplastics-industry-seeking-to-gain-more-regulatory-approval/8091.article
    12 https://ec.europa.eu/environment/topics/plastics/bio-based-biodegradable-and-compostable-plastics_en#:~:text=%20Bio-based%2C%20biodegradable%20and%20compostable%20plastics%20%201,the%20part%20of...%205%20Studies.%20%20More%20
    13 https://www.smithsonianmag.com/science-nature/a-new-generation-of-satellites-is-helping-authorities-track-methane-emissions-180979181/
    14 https://www.iea.org/reports/global-energy-review-2021/co2-emissions

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