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Quel impact le Covid-19 a-t-il sur le marché immobilier Suisse ? Notre experte discute tensions et nouvelles tendances du secteur
Alors que de plus en plus d’observateurs prédisent l’éclatement d’une bulle immobilière en Suisse et que la crise du Covid-19 a accentué certaines tendances structurelles du secteur, quelles sont les principales sources d’inquiétude, les opportunités et les évolutions qu’un investisseur privé doit appréhender dans cet environnement immobilier complexe et hétérogène ?
Découvrez l’analyse de la conjoncture de l’immobilier en Suisse avec notre experte Séverine Cauchie, Analyste senior et gérante de portefeuille, Architecture Ouverte.
Alors que nous pouvons tirer les premiers enseignements de cette période particulière, quels ont été les effets marquants de cette crise sur le marché de l’immobilier ?
Pour le marché immobilier direct (illiquide) comme dans tous les autres pays qui ont vécu des restrictions, les investissements ont baissé en Suisse entre avril et mai 20201. Néanmoins, dès que les restrictions ont été levées, la situation s’est normalisée.
Pour l’investissement coté (liquide), on a vu un pic de volatilité dans les cours des fonds immobiliers suisses en 2020 à cause du Covid-19. Entre le 24 février et le 16 mars, les cours ont chuté suite aux réactions des investisseurs face à l’arrivée du Covid-19. Puis, le secteur a rebondi de plus de 15%2 avec l’allégement des mesures.
L’année 2020 a été excellente pour cette classe d’actifs avec une performance annuelle de plus de 10% qui fait suite à une hausse de plus de 20% en 2019. Cela fait maintenant deux années consécutives que l’on voit un enchaînement des performances positives très élevées ce qui est une première pour l’immobilier coté en Suisse.
Quels types d’immobilier ont le mieux ou moins bien performé ?
Le marché immobilier résidentiel a été résilient car les ménages se sont vu aider par la Confédération lorsque les personnes salariées ont perdu une partie de leur revenu. Il n’y a donc pas eu de défaut de payement. Le grand gagnant de ce marché en 2020 fut le segment des appartements en propriété par étage (PPE)3 dont le prix a augmenté de 4%4. En effet, de nombreux ménages ont souffert d’avoir vécu le semi-confinement dans des espaces trop exigus et sont désireux de déménager, idéalement dans des villas. Ce segment connaissant une pénurie, la demande s’est reportée sur les biens disponibles et plus abordables, à savoir les appartements en PPE.
Un autre marché qui a profité de la crise est celui de la logistique. En plein essor déjà avant la crise avec le développement de la consommation des milléniaux et des générations suivantes vers un commerce digital, le secteur a vu la demande pour les espaces de stockage et de logistique augmenter.
En revanche, dans le secteur de l’hôtellerie, de nombreux établissements ont dû fermer leurs portes ou ont subi une baisse drastique de leur taux d’occupation. En particulier les hôtels dépendant d’une clientèle internationale. Les seuls épargnés ont été les hôtels de montagne où leur taux d’occupation a été plus élevé.
Certains segments du marché ont-ils vu des déséquilibres structurels augmenter ou se corriger ?
La localisation, la localisation, la localisation. C’est clairement l’élément central lors du choix d’investissement immobilier. La macro localisation, c’est-à-dire où se situe le bien (village, ville) et la micro localisation, c’est-à-dire, la situation du bien dans la localité. Est-il proche de transports en commun, des grands axes de communication ?
Le marché résidentiel était en excès d’offre avant la pandémie en raison des investissements institutionnels importants concentrés dans les zones périphériques. Dans ces régions, les loyers de l’offre baissaient tandis que les loyers demeuraient en hausse dans les centres urbains.
Une des répercussions de la crise du Covid-19 est la démocratisation du télétravail ce qui engendre un changement des habitudes, besoins et envies des ménages. La distance entre son lieu de travail et son domicile n’est plus un facteur aussi important dans le choix d’un appartement. Les ménages souhaitent améliorer leur condition de vie et ont ainsi tendance à quitter les centres urbains pour aller en périphérie. La demande va ainsi peut-être faiblir dans les marchés centraux.
A l’inverse, les déséquilibres actuels au sein du marché des surfaces commerciales vont perdurer.
Pouvons-nous parler de bulle spéculative dans certaines zones géographiques ?
Il y a eu une augmentation des prix de l’immobilier résidentiel depuis le début des années 2000. Cette tendance a conduit UBS à produire un indice sur la bulle immobilière. On voit que le marché suisse a été en zone de risque pendant longtemps mais a basculé en zone de bulle au 3e trimestre 2020.
Pourquoi ? Car le volume hypothécaire, les prix élevés de l’immobilier et la baisse des revenus des ménages ont conduit à une augmentation de certains indicateurs qui ont déplacé cet indice en zone de bulle.
Nous pensons qu’avec la reprise économique et l’augmentation de revenus qui s’en suivra, nous allons revenir vers une zone de risque comme nous avons connu depuis de nombreuses années. De plus, nous pensons que la hausse des taux d’intérêt va provoquer une baisse des prix.
Certaines régions sont à risque pour 2021, à l’instar de l’Arc lémanique, du Tessin, de la Suisse centrale et de la région bâloise.
L’Europe est une zone très intéressante. Elle a une belle mosaïque de marchés avec des dynamiques propres qui permettent de diversifier les revenus et donc de pouvoir générer des revenus stables dans le temps.
Quel marché présente les risques les plus prononcés et les opportunités les meilleures ?
Les surfaces commerciales sont à éviter. En Suisse, il y a un excès d’offre. Nous avons un des taux les plus élevés du monde de surfaces commerciales par habitant, à savoir 1.6 m2 contre 1.1m2 en France.
En revanche, le marché des bureaux est intéressant. Bien qu’il ait connu un excès d’offre en 2017-2018, nous avons vu un point d’inflexion en 2019. De plus, malgré la crise, les locataires continuent de payer les loyers. Nous pensons que les entreprises vont garder leurs locaux car ils en ont besoin. Nous n’attendons donc pas de changement drastique dans les habitudes. De plus, comme les baux durent entre 5 et 10 ans, la question du renouvellement ne se posera pas tout de suite. D’ici là, la reprise économique sera bien amorcée favorisant l’émergence de nouvelles demandes.
Quel sera le défi majeur que va rencontrer l’industrie immobilière dans les années à venir ?
La révolution verte. Le parlement a voté en 2020 la nouvelle loi sur le C02 qui vise la neutralité carbone de la Suisse d’ici 2050. Il s’agit donc de baisser également les émissions du marché immobilier.
Aujourd’hui, les énergies renouvelables, l’efficience des bâtiments, l’utilisation de matériaux recyclés permettent de réduire ces émissions. Il s’agira également de changer les chauffages au mazout et de mieux isoler les bâtiments. Ces changements sont soutenus par des mesures fiscales mais la majorité des frais restent à la charge des propriétaires.
1 Source: Wüest & Partner
2 Les sources de toutes les performances dans cette question : Lombard Odier, Factset, SXI Real Estate® Funds Broad
3 La propriété par étages est une copropriété ce qui signifie que plusieurs personnes sont propriétaires d’une certaine partie d’une habitation.
4 Source: IAZI-CIFI
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