français

    Private banking : quatre économistes partagent leurs prévisions pour 2025

    Article publié dans Le Temps le 5 janvier 2025

    Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche induira une refonte des relations économiques et politiques entre les grands blocs de la planète, estiment quatre économistes qui évoquent pour «Le Temps» leurs prévisions 2025.

    Avec «Trump 2.1» bientôt aux commandes et son penchant pour les «deals», l’année 2025 sera prévisible et imprévisible mais pourrait profiter d’un scénario «boucles d’or», c’est-à-dire avec des niveaux de croissance et d’inflation raisonnables. Les quatre spécialistes des investissements que nous avons interrogés, comme chaque début d’année, se veulent optimistes, malgré les inconnues et les risques de guerre commerciale, voire de guerre tout court. Pour deux raisons essentiellement: ils parient que toutes les promesses électorales du prochain président américain ne seront pas appliquées et que différents systèmes cohabiteront au niveau des relations internationales.

    En Suisse, il sera impossible d’échapper au franc fort – «la cure de fitness pour les entreprises suisses» – mais les taux d’intérêt négatifs ne devraient pas faire leur retour. Au contraire des tweets de Donald Trump en pleine nuit?

    Le Temps: Quel mot caractérisera l’année 2025 selon vous, et pourquoi?

    Kim Muller, responsable des investissements de Probus Group: Trump 2.1. Le marché s’est immédiatement positionné pour Trump 2.0, dont il est question partout dans les médias, comme s’il allait immédiatement mettre en place ses slogans de campagne. Mais en 2025, on verra les différences entre les slogans de campagne et la réalité.

    A titre d’exemple, le marché est effrayé par les 60% de droits de douane annoncés sur la Chine et les 20% sur l’Europe. Dans la réalité, il y aura bien sûr des droits de douane, mais il ne faut pas oublier la technique de Trump déjà vue sous sa version 1.0 et 1.1: on promet le pire et on négocie, pour arriver à un compromis. Le marché semble avoir oublié ce décalage et il pourrait provoquer des surprises pour les investisseurs qui se sont positionnés dès la réélection de Donald Trump. De même, les promesses d’économiser 2000 milliards de dollars sur le fonctionnement du gouvernement ou d’expulser tous les immigrants illégaux seront loin d’être réalisées. Le déficit budgétaire restera très important et le marché du travail ne pourra se passer en totalité d’une telle main-d’œuvre.

    Nannette Hechler-Fayd’herbe, responsable de la stratégie d’investissement, durabilité et recherche, CIO EMEA, chez Lombard Odier: L’année des deals. Des négociations seront menées à tous les niveaux: politique étrangère, politique économique, politique commerciale. Donc de nouvelles opportunités vont se présenter, sachant que quand on a un «deal», il y a toujours du bon et du mauvais.

    Esty Dwek, responsable du conseil en investissement chez HSBC PB: (Im)prévisible. Beaucoup de questions demeurent, autour de Trump et de la politique que son administration mettra finalement en place. Mais on se trouve aussi dans une continuité: la croissance est relativement forte aux Etats-Unis, des baisses de taux vont arriver de plus ou moins toutes les principales banques centrales et la Chine va probablement apporter davantage de soutien à son économie. Reste néanmoins un petit point d’interrogation: aura-t-on des annonces surprenantes? Et des tweets au milieu de la nuit?

    Lire aussi : Préparer les portefeuilles pour la prochaine décennie

    Daniel Varela, responsable des investissements de la banque Piguet Galland: J’avais pensé à America First, mais le thème ayant déjà été cité, j’en ai un deuxième: boucle d’or. C’est-à-dire une situation assez favorable dans laquelle la croissance et l’inflation sont solides mais pas exagérées («Goldilocks», en jargon financier). Nous sommes au début d’un cycle. Malgré la forte remontée des taux, le précédent ne s’est pas terminé par une récession ni une crise financière. Nous nous trouvons au début de quelque chose de nouveau, avec des baisses de taux, une inflation qui continue de se modérer, et une croissance qui devrait commencer à rebondir. Cette configuration est généralement favorable pour les marchés financiers.

    Nous nous trouvons au début de quelque chose de nouveau, avec des baisses de taux, une inflation qui continue de se modérer, et une croissance qui devrait commencer à rebondir

    Qui partage ou ne partage pas cet optimisme? On voit beaucoup de mauvaises nouvelles ou de sujets d’inquiétude dans les médias.

    N. H.-F.: En tout cas j’y souscris. Il y aura des disparités régionales, l’Europe aura beaucoup plus de difficultés en tant que région que les Etats-Unis, où la politique est relativement claire et stimulante. Mais de façon générale, s’il n’y a pas de récession, si les banques centrales sont quand même dans une phase de baisse des taux en général et que la désinflation continue, c’est un cadre qui porte à l’optimisme pour 2025. Ceci dit, je ne pense pas que 2025 sera aussi exubérante en termes de performance que 2024 sur toute une série d’actifs, comme les actions ou l’or.

    E. D.: Je souscris complètement à cette vue optimiste. On reste surpondéré sur les marchés actions et sur le marché américain en particulier, par rapport à l’Europe par exemple, où on a quand même des poches de faiblesse. On observe une volonté de Pékin d’étendre son stimulus, mais est-ce que le marché continuera à être un peu déçu parce qu’on n’a pas le «big bang» qu’il souhaiterait? Oui, mais quand on regarde tout ce que le gouvernement chinois est déjà en train de faire, 2025 devrait être meilleure que 2024. Cela devrait apporter un peu de soutien à l’Europe aussi, même si à court terme il faudra probablement un certain temps à la Chine pour redémarrer ses moteurs de croissance.

    K. M.: Je partage cet optimisme, surtout pour la première moitié de l’année, tout en étant conscient que l’inflation a été un peu passée au second plan. La politique qu’on attend de l’administration américaine contient peu d’éléments désinflationnistes. Couper les taxes permet de relancer la machine économique, mais limiter l’immigration risque de créer des tensions sur le marché du travail, donc des hausses de salaires. Les droits de douane auront un effet inflationniste, puisque le consommateur américain paiera des produits plus chers. Pour l’instant, l’énergie est le seul élément qui pourrait être désinflationniste. Mais je doute que les Etats-Unis parviendront à produire les 3 millions de barils de pétrole supplémentaires par jour qu’ils visent car, avec des prix plus bas, les nouveaux forages ne seront plus rentables, vu que les producteurs, qui sont des sociétés privées, se financent à des taux relativement élevés. Donc au second semestre, on pourrait être surpris par l’inflation et peut-être aussi par la Fed, qui pourrait ne pas être aussi accommodante que prévu.

    Lire aussi : Dix convictions d’investissement pour 2025

    N. H.-F.: Mais l’effet inflationniste des droits de douane pourra être limité par les mouvements des changes. Je m’attends à ce que toute une série de monnaies se déprécient, particulièrement dans les pays qui ont le plus d’exportations vers les Etats-Unis. L’euro s’est déjà déprécié et la Chine n’a pas encore senti le besoin d’utiliser l’arme des taux de change. Donald Trump a été élu aussi pour répondre aux problèmes de pouvoir d’achat de la population américaine. Puisqu’il veut baisser les impôts sur les entreprises, il a besoin de nouveaux revenus fiscaux et il a décidé de les prendre sur les autres pays. Mais ces derniers vont réagir en affaiblissant leur monnaie. Donc le consommateur américain ne va peut-être pas ressentir aussi directement une augmentation des prix.

    L’effet inflationniste des droits de douane pourra être limité par les mouvements des changes. Je m’attends à ce que toute une série de monnaies se déprécient

    D. V.: Beaucoup de mesures figurant dans le programme électoral de Donald Trump ne seront pas réalisées. Il y aura des tensions avec les entreprises américaines s’il veut mettre en place tout ce système de tarifs douaniers. Il y aura probablement des négociations, qui aboutiront à des tarifs nettement plus bas. Concernant l’immigration, il ne va pas fermer les frontières ni raccompagner des ouvriers à la frontière, car l’économie américaine a besoin de ces gens-là.

    Elle se trouve dans une phase où, notamment avec les politiques de Donald Trump, l’objectif est de garder une avance sur la Chine et aussi sur l’Europe bien sûr. Le besoin de main-d’œuvre est fort dans un contexte où la population américaine vieillit. Si Trump allait au bout de sa politique, cela tomberait extrêmement mal de raccompagner des ouvriers à la frontière alors que l’économie américaine aurait cruellement besoin de bras. Entre 20 et 30% des mesures annoncées seront mises en place à mon avis.

    N. H.-F.: Je crois que l’administration américaine va tendre vers une politique d’immigration légale qui s’adapte aux besoins de l’économie. Le gouvernement pourrait pouvoir traiter les demandes d’immigration par les voies usuelles. Mais cela prendra un petit peu de temps et créera donc une période de friction sur le marché du travail. On pourrait aussi avoir une augmentation des bas revenus, à cause des renvois à la frontière.

    Plus généralement, l’économie américaine a-t-elle vraiment besoin de taux plus bas, de soutien supplémentaire alors que la croissance tient, que l’inflation n’est pas si loin des 2% visés par la Fed et que les actifs financiers sont proches des niveaux record?

    E. D.: La Fed veut quand même revenir à un niveau de taux d’intérêt neutre. L’économie américaine a mieux résisté que prévu aux taux élevés. On se posait la question d’un atterrissage en douceur ou en urgence, mais on n’a pas eu d’atterrissage du tout. La croissance, qui devrait ralentir vers les 2%, n’est pas excessive, donc la Fed ne veut pas des taux restrictifs. Les marchés aiment les baisses de taux, c’est-à-dire la trajectoire, plus que le niveau. Chez HSBC, nous anticipons cinq baisses de taux sur les six à huit prochains mois. Il est possible que le marché en attende plus ou moins, mais nous ne sommes pas dans un scénario où la Fed va soudain parler de devoir remonter les taux mi-2025.

    K. M.: La seconde moitié de l’année pourrait être justement un petit peu plus compliquée, non pas parce que la Fed pivoterait et remonterait ses taux, mais parce qu’elle sera peut-être forcée de lancer le message qu’il est urgent d’attendre. Le marché américain en particulier est comme un enfant gâté, qui pourrait être déçu s’il ne reçoit pas ses cadeaux, c’est-à-dire des baisses de taux supplémentaires, après le premier semestre.

    D. V.: On peut très bien avoir une Fed qui temporisera durant le premier semestre, face notamment aux politiques et aux mesures procycliques qui seront instaurées par Donald Trump, notamment les baisses d’impôts et quelques droits de douane qui peuvent alimenter un petit peu l’inflation temporairement. Trouver le taux neutre ne sera pas facile.

    Pourquoi?

    Habituellement, le taux neutre, si on a 2% d’inflation, c’est 2% plus quelque chose. Sauf qu’aujourd’hui, le taux de chômage est quasiment au plus bas historique aux Etats-Unis. La Fed ne voudra donc pas trop baisser ses taux, sinon un taux de chômage trop bas créerait de nouvelles pressions salariales. Tout risque de se jouer durant le premier semestre, Jerome Powell voudra montrer que la Fed a déjà fait une partie du chemin, ce qui risque de contrarier Donald Trump, qui souhaite une Fed aussi accommodante que possible.

    Le président ne peut pas congédier le patron de la Fed, n’est-ce pas?

    Théoriquement, il peut, mais il n’a pas vraiment d’intérêt à le faire car le mandat de Jerome Powell s’achève en 2026, donc autant le laisser finir.

    N. H.-F.: Donald Trump a déclaré publiquement qu’il n’a pas l’intention de faire de changement à la Fed avant la fin du mandat de Powell.

    E. D.: Et Powell a aussi dit qu’il ne partirait pas avant la fin de son mandat.

    Sur les marchés actions, vous attendez-vous à ce que les valeurs technologiques continuent à imprimer la tendance en 2025, même si les attentes de croissance peuvent sembler délirantes?

    K. M.: Vu la taille des géants de la tech, ces sociétés continueront à peser de tout leur poids sur les indices. Mais leur croissance et leur progression en bourse vont certainement ralentir, car il est plus difficile de maintenir des taux de croissance faramineux quand on atteint une taille gigantesque. Mais cela ne signifie pas qu’on soit négatif sur ce secteur.

    N. H.-F.: Après deux années pendant lesquelles les marchés ont été largement tirés par les valeurs technologiques, on s’attend à ce que davantage de secteurs soient en croissance, avec peut-être un rattrapage des secteurs cycliques, comme les matières premières, les activités liées à la réindustrialisation, ou celles qui bénéficient de dépenses d’infrastructures accrues. La hausse des marchés serait peut-être moins forte, mais avec une base plus large.

    Après deux années pendant lesquelles les marchés ont été largement tirés par les valeurs technologiques, on s’attend à ce que davantage de secteurs soient en croissance

    E. D.: Je pense qu’on va aussi voir un peu de rotation au sein des secteurs, avec des réactions face aux annonces de l’administration américaine et à ce qui se passera au niveau international, à la géopolitique. On se dirige vers un marché de «stock picking» [sélection de titres individuels, ndlr]: il ne suffira pas d’investir dans les principaux indices, mais aussi d’aller chercher des opportunités au sein de certains secteurs.

    D. V.: Je suis assez d’accord sur le fait que la tendance devrait s’élargir, mais il y a aussi l’aspect déréglementation, qui devrait bénéficier à plusieurs secteurs d’activité, dont le secteur financier. Par ailleurs, la technologie, notamment à travers l’intelligence artificielle, participe effectivement à un prolongement de cette croissance effrénée. Mais on ignore à quel point Donald Trump voudra une certaine revanche vis-à-vis de ces grandes sociétés technologiques qui l’ont censuré. Cela pourrait peser sur l’ensemble du secteur.

    Pour en revenir aux mots qui pourraient caractériser 2025, vous n’avez pas prononcé celui de «guerres», qu’elles soient militaires ou commerciales. Ce ne sont pas des risques à prendre en considération selon vous?

    D. V.: Un cessez-le-feu ou une paix en Ukraine, même dans des termes qui ne seraient pas extrêmement favorables pour Kiev, enlèverait une épée de Damoclès au-dessus de l’Europe. Ce serait extrêmement positif pour la confiance des entreprises et des consommateurs sur le Vieux-Continent.

    K. M.: On est arrivés à un moment de lassitude concernant la guerre en Ukraine, sur le terrain comme au niveau des donateurs. Une pause ou une paix, même si ce n’est qu’une étape, diminuera un peu la prime de risque que les marchés mettent sur les sociétés européennes.

    N. H.-F.: Dans ce moment de tension grave, qui n’est pas limité à l’Ukraine, la nouvelle orientation de l’administration Trump va amener à repenser les relations internationales. De la même manière que le commerce international s’est beaucoup ajusté à la multipolarité, en mettant la priorité sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement, plutôt que sur le prix le plus bas à la suite de la pandémie, les relations internationales vont devoir s’accommoder de la cohabitation de systèmes différents, de priorités différentes, d’approches politiques différentes. Ce sera un grand apprentissage pour les années à venir.

    E. D.: Dans les conversations avec les clients, on ressent un certain optimisme que la poigne d’un président comme Trump va avoir plus d’impact, va forcer les gens à dialoguer davantage, à évoluer dans la bonne direction par rapport à certains conflits. On constate aussi que la géopolitique est devenue un plus grand sujet de questions, parfois devant tout ce qui touche aux fondamentaux économiques.

    D. V.: Dans ce climat politique tendu, il faut surveiller le prix du pétrole, qui est la courroie de transmission entre une crise politique et une crise économique. Si la situation se détériore à un point tel que le baril s’envole largement au-dessus de 100 dollars, les gens commenceront à avoir des inquiétudes au niveau économique et arrêteront de consommer. Cependant, pour le moment et malgré toutes ces crises géopolitiques, le prix du pétrole n’a pas été aussi bas depuis plusieurs années.

    Dans ce climat politique tendu, il faut surveiller le prix du pétrole, qui est la courroie de transmission entre une crise politique et une crise économique

    Et sur la guerre commerciale? Va-t-elle passer d’un risque à une réalité? Et si c’est le cas, avec quelles conséquences à votre avis?

    K. M.: Mais nous sommes déjà en guerre commerciale et l’élection de Donald Trump ne fait que raviver le sujet. Des barrières douanières sont actuellement en place: sur les voitures chinoises en Europe ou en Amérique du Nord, ou sur le cognac en Chine. La mondialisation a peut-être été poussée trop loin, avec des produits ou des composants qui parcouraient des milliers de kilomètres pour économiser quelques centimes. Encore une fois, après les craintes nées des déclarations de campagne de Donald Trump, les taxes douanières seront peut-être «raisonnables». Mais nous serons en tout cas très loin du régime de commerce libre qui prévalait avant sa première présidence. La guerre commerciale n’a peut-être pas atteint de niveau dramatique, mais encore une fois, on est déjà dedans.

    Si ce protectionnisme s’intensifie, à quel point l’économie mondiale risque-t-elle d’être freinée?

    D. V.: Pour moi, c’est le principal risque qui pèse sur l’économie mondiale et les marchés financiers. On part tous de l’idée que Donald Trump va annoncer des droits de douane élevés dans le but de négocier et qu’on partira en moyenne de 60% pour arriver finalement à 10 ou 20%. Mais si Trump 2.0 se révèle très différent de Trump 1.0 et qu’il maintient ce qu’il a annoncé, sans vouloir négocier, ce serait la porte ouverte au protectionnisme car même ses alliés, comme l’Europe, viendront en représailles avec des tarifs douaniers sur les produits américains. Dans l’histoire économique, ce genre d’escalade a généralement conduit à la catastrophe économique. C’est un risque, mais avec une faible probabilité qu’il se réalise.

    N. H.-F.: Je n’ai pas l’impression qu’on aura une telle escalade menant à une vraie guerre commerciale. Les représentants des pays les plus exposés comme le Mexique et le Canada se sont empressés de venir parler avec Donald Trump. Je ne pense pas que les droits de douane très élevés mentionnés durant la campagne électorale américaine seront mis en place, ce qui élimine le risque d’escalade. En revanche, les investissements directs vers les Etats-Unis vont probablement augmenter. La volonté de réindustrialiser le pays engendrera davantage de flux de capitaux vers les Etats-Unis.

    E. D.: On a vu par le passé avec l’exemple du traité de libre-échange nord-américain, le NAFTA. Donald Trump a dans un premier temps menacé d’en sortir ou de le modifier profondément, avant de négocier et finalement maintenir beaucoup de choses. On voit aussi qu’il suscite des velléités de dialogue et de négociation. On ignore ce qui sera finalement annoncé, mais cela encourage à l’optimisme. C’est d’ailleurs peut-être un autre mot pour 2025.

    Rapprochons-nous de la Suisse si vous voulez bien, en nous penchant sur la situation de l’Europe, notre premier partenaire commercial. A quoi vous attendez-vous pour l’Europe cette année et avec quelles conséquences? Est-ce que l’un ou l’une d’entre vous est optimiste concernant la zone euro?

    K. M.: En absolu, non; en relatif, un peu, car les attentes sont très basses et les marchés très négatifs vis-à-vis de l’Europe. Une dégradation de la situation n’est pas exclue en France et en Allemagne. A l’inverse, de nombreuses sociétés européennes ont des unités de production aux Etats-Unis et pourraient bénéficier de la bonne santé de l’économie américaine sans subir les éventuels droits de douane. La Chine pourrait aussi apporter un peu de traction si elle se redresse, ce qui pourrait être important pour l’Allemagne en particulier.

    E. D.: Parmi les grandes régions, l’Europe est celle qui fait face au plus de défis au niveau de la croissance économique, comparée aux Etats-Unis ou à la Chine. L’Inde bénéficie d’un mouvement structurel et cyclique assez fort, le Royaume-Uni s’en sort finalement relativement bien aussi. Mais malgré des attentes relativement basses, on arrive à trouver certaines opportunités notamment dans l’obligataire (crédit), car la Banque centrale européenne (BCE) va continuer à baisser ses taux et soutenir l’économie.

    N. H.-F.: Des valorisations attractives n’augurent pas toujours de performances positives. L’Europe a besoin de catalyseur mais il est très difficile d’en trouver lorsque les gouvernements sont faibles, comme c’est le cas en France, en Allemagne et dans certains pays de la périphérie européenne. Ils ne sont pas en position de prendre des mesures fortes, par exemple en matière de dérégulation, qui seraient pourtant très bienvenues pour le secteur financier européen.

    D. V.: La France va probablement rester dans une instabilité politique durable, mais le sursaut peut venir de l’Allemagne. Il est probable que la droite y revienne au pouvoir après les élections anticipées prévues pour février. Que le prochain gouvernement soit de droite ou de gauche, un consensus est en train de monter pour assouplir le frein à la dette, qui figure dans la Constitution depuis une quinzaine d’années. Cela pourrait donner une bouffée d’oxygène et des moyens à l’Allemagne de faire de la relance, avec un impact positif sur la zone euro. D’ailleurs, vu les difficultés de cette zone, je ne comprends pas que la BCE n’ait pas baissé davantage ses taux d’intérêt. Probablement qu’un Mario Draghi les aurait déjà beaucoup plus baissés.

    Vu les difficultés de cette zone, je ne comprends pas que la BCE n’ait pas baissé davantage ses taux d’intérêt

    Quelles perspectives de croissance voyez-vous pour l’économie suisse en 2025? Et le franc fort est-il une fatalité?

    E. D.: Il est difficile d’échapper au franc fort dans le contexte actuel, vu les flux vers les actifs refuges que l’on observe et vu la situation géopolitique et les questions commerciales. Mais on voit aussi que la Banque nationale (BNS) mentionne le franc fort dans sa communication et son impact sur les prévisions d’inflation, qui ont baissé encore un peu pour les prochaines années. Mais cela ne signifie pas que la BNS va massivement intervenir pour affaiblir le franc. Il est très probable qu’il reste fort. Par ailleurs, l’économie suisse reste résistante.

    N. H.-F.: Le franc fort, c’est la cure de fitness pour les entreprises suisses, puisqu’elles sont très tournées vers l’exportation.

    K. M.: Depuis le temps, ce sont de grandes athlètes (rires)!

    N. H.-F.: Oui, elles sont très en forme, donc sont capables de s’ajuster. Ce qui est déterminant, c’est la vitesse de renforcement du franc. La BNS calibre cette vitesse et on ne peut pas exclure que si elle le juge nécessaire, elle recommence à intervenir sur le marché des changes. Mais de façon générale, le franc fort a été l’un des facteurs qui ont gardé l’économie suisse sur le chemin de la productivité, de l’innovation parce qu’il n’y avait pas d’autre choix.

    Enfin, les situations sont différentes selon les monnaies. Face à l’euro, le franc va continuer à s’apprécier, tout simplement parce que la Suisse s’en sort bien mieux que l’Europe. Mais le dollar bénéficie d’un énorme différentiel de taux d’intérêt en sa faveur et les perspectives économiques américaines sont meilleures qu’elles ne le sont pour la Suisse. Le cycle économique devrait également soutenir le dollar par rapport au franc suisse.

    Face à l’euro, le franc va continuer à s’apprécier, tout simplement parce que la Suisse s’en sort bien mieux que l’Europe

    Pensez-vous que l’on va revenir aux taux négatifs en Suisse?

    K. M.: Je ne pense pas, ce serait vraiment l’ultime solution. En outre, la première expérience n’a pas été un succès éclatant. Elle a été mal perçue par la population qui, notamment, voyait ses avoirs de prévoyance payer des intérêts négatifs. Globalement, les taux négatifs n’ont pas été d’une grande efficacité et je pense qu’il est très peu probable qu’on les retrouve en Suisse. Mais si la BNS est contrainte par les circonstances, elle pourrait ramener ses taux à 0 ou à 0,25%. Ce n’est pas forcément le scénario pour 2025, mais on ne peut pas l’exclure vu la dynamique de l’inflation en Suisse et vu le niveau du franc suisse. Et si à un moment donné la BCE se montre un peu plus proactive et agressive dans sa politique monétaire, la BNS devra la suivre pour éviter que le franc suisse ne monte au ciel.

    D. V.: Je ne crois pas non plus au retour des taux négatifs, car la BNS va garder cet outil pour des situations d’urgence, par exemple en cas de déflation généralisée, pas uniquement en Suisse. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui: la Suisse n’a pas connu de récession ces dernières années et devrait connaître une croissance proche de 1% l’an prochain. Donc on va probablement s’arrêter sur des taux positifs, sans doute de 0,25%. En revanche, la BNS ouvre effectivement la porte à des interventions sur le marché des changes. Elle s’autorise à ce que le franc suisse soit fort, mais pas qu’il s’apprécie trop rapidement. Mais aujourd’hui on peut aussi questionner le fait que le franc soit trop fort.

    Vraiment? Les entreprises exportatrices seront curieuses d’en savoir plus…

    Selon le modèle des parités de pouvoir d’achat, c’est-à-dire le pouvoir d’achat qui est généré par une monnaie par rapport à une autre, la valeur théorique de l’euro contre le franc suisse se situe aux alentours de 0,94-0,95. Donc à son niveau actuel, le franc n’est pas si fort que ça. Durant les dernières années, compte tenu d’une inflation plus faible en Suisse que chez nos voisins européens, notre franc a gagné en pouvoir d’achat. Cela justifie que cette valeur d’équilibre ou cette valeur théorique n’est pas si loin de la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui. La BNS entrouvre sa boîte à outils, mais je suis convaincu qu’elle n’estime pas que le franc suisse soit trop fort à ces niveaux.

    Information Importante

    Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA (ci-après « Lombard Odier »).
    Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait interdite, et ne s’adresse pas aux personnes ou entités auxquelles il serait illégal d’adresser un tel document de marketing.

    En savoir plus.

    nous contacter.

    Veuillez selectionner une valeur.

    Veuillez saisir votre prénom.

    Veuillez saisir votre nom de famille.

    Veuillez saisir une adresse e-mail valide.

    Veuillez saisir un numéro de téléphone valide.

    Veuillez selectionner une valeur.

    Veuillez selectionner une valeur.

    Veuillez composer votre message.


    Un problème est survenu, votre message n'a pas été envoyé.
    Lombard Odier Fleuron
    parlons-nous.
    partager.
    newsletter.