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    Les métaux du futur : à quel point le nickel est-il essentiel ?

    Les métaux du futur : à quel point le nickel est-il essentiel ?

    Le « métal du diable » a été découvert en 1751 dans les mines de cobalt de Hälsingland en Suède. C’est en effet le surnom peu flatteur que lui ont attribué les mineurs qui l’ont découvert pour la première fois. Pour quelle raison ? L’impossibilité de le transformer en cuivre résultait selon eux d’un mauvais sort jeté par des démons.

    Pour autant, le nickel jouit aujourd’hui d’une bien meilleure réputation. Elément chimique de numéro atomique 28 dans le tableau périodique, ce métal blanchâtre brillant est depuis longtemps utilisé pour produire des alliages tels que l’acier inoxydable, qui représente environ 70% de la demande mondiale de nickel. Désormais, il préfigure également l’avènement d’une nouvelle ère d’innovation énergétique.

     

    Le rôle du nickel dans la transition énergétique

    Lombard Odier estime que l’électrification de notre économie augmentera de 20% aujourd’hui à 70% d’ici 2050 à mesure de la transition des combustibles fossiles vers des sources d’énergie renouvelables et plus propres. Le nickel pourrait jouer un rôle clé dans cette mutation. Sa capacité à résister à des températures élevées ainsi qu’à la corrosion le rend indispensable dans de nombreuses technologies bas carbone, des panneaux solaires et des éoliennes aux centrales nucléaires et aux systèmes de captage du carbone.

    Le rôle majeur du nickel devrait toutefois porter sur la production de batteries. Ce métal améliore en effet la performance de ces dernières en accroissant la densité énergétique, permettant ainsi des tensions plus élevées et de meilleures capacités de stockage sans nuire à la stabilité. D’où l’utilisation du nickel dans les batteries lithium-ion, y compris dans des formules nickel-manganèse-cobalt et nickel-cobalt-aluminium. Mais aussi et surtout, le nickel est globalement moins cher que d’autres métaux comme le lithium et le cobalt ; les batteries à forte teneur en nickel peuvent ainsi réduire le coût associé au stockage de la production excédentaire d’énergie renouvelable.

    La capacité du nickel à résister à des températures élevées et à la corrosion le rend indispensable dans de nombreuses technologies bas carbone

    Ces batteries contribuent à rendre les véhicules électriques de plus en plus abordables. Des mesures législatives accélèrent également l’essor des véhicules électriques et l’abandon des moteurs thermiques ; ces mesures se traduisent notamment par l’investissement considérable des États-Unis dans l’infrastructure destinée aux véhicules électriques, et l’objectif de l’UE et du Royaume-Uni d’atteindre 100% de véhicules zéro émission pour les voitures et les camionnettes neuves d’ici 2035. La production mondiale de véhicules électriques devrait passer de 2 millions en 2018 à 21 millions d’ici 2030.

    Ces tendances, aux côtés d’autres mesures visant à réduire les émissions de carbone, font que l’on s’attend depuis longtemps à un accroissement de la demande de nickel. Selon certaines prévisions, le secteur des batteries représentera 41% de la demande mondiale de nickel d’ici 2030, contre seulement 7% en 2021, ce qui souligne son rôle essentiel dans la construction d’un avenir plus durable.

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    Augmentation de la demande de nickel

    Les véhicules électriques et le stockage d’énergie représenteront la majeure partie de la hausse attendue de la demande de nickel dans les 20 ans à venir, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). La multiplication par 40 des volumes requis par ces secteurs d’ici 2040 dépasse largement le triplement de la demande attendue, liée à la production d’électricité bas carbone. Au total, ces applications pourraient représenter plus de la moitié de la demande globale de nickel en 2040 – c’est là une évolution majeure sachant qu’actuellement 65% de la production de nickel est consacrée à la fabrication d’acier inoxydable.

    Alors que la demande s’envole, une partie du nickel pourrait littéralement faire de même. Le faible poids et la haute densité énergétique des batteries lithium-ion à forte teneur en nickel sont particulièrement adaptés aux drones3. Les diverses applications de cette technologie de haut vol vont des services de livraison automatisés à l’agriculture et au maintien de l’ordre, et le marché des batteries destinées aux drones devrait plus que doubler de taille d’ici 2026.

    La part destinée à d’autres secteurs est elle aussi vouée à augmenter, mais dans une proportion beaucoup plus faible, de l’ordre de 15% selon l’AIE. Une autre frontière (loin d’être définitive) pour le nickel est l’espace. Le métal sert en effet de revêtement protecteur pour les satellites et des batteries au nickel procurent de l’énergie aux stations spatiales. Du nickel imprimé en 3D est entré dans la fabrication de pièces du rover Perseverance de la mission Mars 2020, y compris dans un dispositif expérimental qui produit de l’oxygène à partir de l’atmosphère de la planète en utilisant un procédé à haute température que d’autres métaux peineraient à contenir3. Ces applications dans le domaine de l’aérospatiale ont conféré au nickel une réputation de fiabilité dans des conditions extrêmes. Ce métal est ainsi devenu un élément indispensable à la fabrication d’alliages à haute performance, dont les principaux utilisateurs sont les secteurs de l’aéronautique, du transport et de la défense. Pour les industriels, le nickel offre des avantages par rapport à l’acier et d’autres alliages.

     

    Les réserves mondiales de nickel sont-elles suffisantes ?

    Sachant que les technologies bas carbone et d’autres applications émergentes vont induire une hausse de la demande de nickel, la question est de savoir si l’industrie minière sera en mesure d’y répondre – et si les réserves sont suffisantes pour satisfaire la demande à long terme. Les ressources terrestres de nickel au niveau mondial atteignent environ 350 millions de tonnes. Le métal est extrait dans plus de 25 pays, mais l’Indonésie, l’Australie, le Brésil, la Russie et la Nouvelle-Calédonie détiennent au total plus de 84% des réserves accessibles, estimées à 130 millions de tonnes. La production mondiale de nickel a atteint 3,6 millions de tonnes en 2023, dont environ la moitié résulte d’une augmentation massive de la production en Indonésie.

    A court terme, cet afflux relativement soudain de nickel indonésien a créé un problème non pas de pénurie mais d’excédent, entraînant une baisse des cours qui remet en question la viabilité de nombreuses mines de nickel. La Chine et l’Indonésie ont annoncé une réduction de leur production de nickel en 2024 pour tenter de stabiliser le marché, mais des baisses plus importantes pourraient s’imposer pour éliminer l’offre excédentaire et faire remonter les cours. En attendant, les gouvernements pourraient devoir prendre des mesures pour aider les producteurs de nickel à surmonter la baisse des cours et sécuriser les approvisionnements futurs – c’est ce qu’a récemment fait l’Australie en ajoutant le nickel à sa liste de « minéraux critiques », permettant ainsi aux producteurs de bénéficier de prêts de l’État à des taux avantageux et de subventions.

    Le nickel est extrait dans plus de 25 pays, mais l’Indonésie, l’Australie, le Brésil, la Russie et la Nouvelle-Calédonie détiennent au total plus de 84% des réserves accessibles estimées

    A terme toutefois, l’équilibre finira probablement par se rétablir et la demande pourrait à nouveau dépasser l’offre. Les facteurs géologiques et économiques actuellement à l’œuvre ont essentiellement pour effet d’accroître l’offre de nickel de faible pureté destiné à la production d’acier inoxydable ; les batteries requièrent du nickel de haute pureté, si bien que des investissements dans de nouvelles mines permettant d’extraire du nickel de cette qualité seront essentiels.

    Des innovations dans la composition chimique des batteries pourraient permettre d’alléger la pression sur les approvisionnements futurs en apportant des alternatives exemptes de nickel. Les batteries lithium-fer-phosphate (LiFePO4), qui sont déjà l’option préférée en Chine en raison de leur moindre coût et de leur meilleure sécurité, pourraient accroître leur part de marché si elles parviennent à être compétitives en termes d’intensité énergétique tout en évitant le problème lié au prix du lithium.

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    Extraction du nickel : enjeux environnementaux et ESG

    Malgré la contribution relativement faible (0,27%) de l’industrie du nickel aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, il est indispensable de décarboner le secteur pour produire des véhicules électriques sans empreinte carbone. Plus de 50% de la production de nickel utilise des centrales électriques au charbon alors que moins de 20% utilise des sources d’énergie renouvelable. C’est en partie la raison pour laquelle les véhicules électriques produisent initialement plus d’émissions que ceux à moteurs thermiques16.

    L’empreinte environnementale des mines de nickel est également importante, impactant les écosystèmes, les plans d’eau et la qualité de l’air. Les techniques telles que l’excavation à ciel ouvert et l’extraction souterraine perturbent les habitats, provoquent l’érosion des sols et déposent dans les réseaux fluviaux des sédiments nuisibles aux écosystèmes aquatiques. Le raffinage du nickel peut également rejeter des substances toxiques dans l’atmosphère, telles que le dioxyde de soufre, aggravant la pollution de l’air et provoquant des pluies acides. De plus, des résidus miniers toxiques s’échappent régulièrement de leurs bassins de stockage, polluant les sols et les réseaux fluviaux.

    Pour réduire ces impacts, l’industrie adopte des normes environnementales de plus en plus rigoureuses et investit dans des technologies permettant de réduire les émissions et les déchets. Les pratiques minières durables, dont la minimisation de l’empreinte écologique des sites miniers et la régénération des zones minières par le reboisement et la restauration de la biodiversité, gagnent également en importance. Pour commencer, un plus grand recours au recyclage réduira le besoin d’extraire du nickel. Une prime « verte » devrait également être accordée au nickel produit de façon durable, selon un panel de grandes sociétés minières, bien que le London Metal Exchange indique qu’une plus forte croissance du marché est nécessaire pour rendre cette approche viable.

     

    Recyclage du nickel : un potentiel inexploité

    Comme d’autres métaux, le nickel peut être recyclé indéfiniment sans perdre ses caractéristiques originales. Cela signifie que le nickel recyclé peut offrir les mêmes performances que celui fraîchement extrait, sans causer de dommages à l’environnement. Environ 40% du nickel utilisé chaque année provient de sources recyclées, y compris d’anciens produits de consommation. Mais si 68% du nickel contenu dans ces produits est recyclé, un cinquième environ est encore mis en décharge, ce qui souligne le besoin d’améliorer les pratiques de recyclage dans le cadre du passage plus général à une économie circulaire.

    Le nickel peut être recyclé indéfiniment sans perdre ses caractéristiques originales. Cela signifie que le nickel recyclé peut offrir les mêmes performances que celui fraîchement extrait, sans causer de dommages à l’environnement

    Le secteur en plein essor des véhicules électriques offre des opportunités de recyclage à long terme du nickel particulièrement prometteuses, sous la forme des batteries en fin de vie. Bien qu’il soit peu probable que les volumes soient suffisants pour affecter l’offre de manière sensible avant 2028 environ, les batteries en fin de vie devraient produire 254’000 tonnes de nickel recyclé d’ici 2030. Cette quantité couvrirait 7% de la demande globale annuelle.

    Des taux de recyclage plus élevés permettraient non seulement de réduire l’impact des mines de nickel sur leur environnement immédiat, mais ils contribueraient aussi à minimiser l’empreinte carbone de la production globale de ce métal. La production de nickel est généralement plus énergivore que son simple recyclage, si bien que le nickel recyclé offre une solution à faibles émissions à l’accroissement de la demande qui s’accompagne de surcroît d’un meilleur rapport coût/efficacité.

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    La transition vers un avenir meilleur nous impose au bout du compte de créer une économie circulaire, avec des modèles d’affaires qui favorisent la réduction, la réparabilité, le réemploi, la redistribution et le recyclage des produits. Une économie plus propre permettra non seulement d’atténuer les risques climatiques mais également de créer des opportunités d’investissement liées à la demande de produits et d’infrastructures bas carbone. De par son rôle essentiel dans la transition énergétique, le nickel peut y contribuer. Mais pour devenir durable tout en continuant à accroître sa production, l’industrie du nickel doit faire preuve d’innovation.

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