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IA, big data : les technologies peuvent-elles verdir l’agriculture ?
Article publié dans Le déCLIC® responsable en partenariat avec le Figaro le 28 septembre 2023
Accroître les rendements agricoles tout en limitant leur impact sur l’environnement est tout l’enjeu d’un secteur qui est l’un des plus impliqués dans sa propre dégradation. Tour d’horizon des solutions technologiques mises en place en France, pays européen en pointe dans le domaine.
L’agriculture est peut-être en train de vivre sa troisième révolution. Après la découverte de l’assolement au xviie siècle et l’arrivée de la mécanisation et de la chimie au xxe siècle, la déferlante numérique sonne l’heure d’une nouvelle transformation. Intelligence artificielle, big data, services connectés…, l’ère de l’agriculture de précision, ou smart farming, est née. « Nous vivons une période de rupture », confirme Véronique Bellon-Maurel, spécialiste des nouvelles technologies à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et coautrice d’un livre blanc pour une agriculture numérique responsable. « Depuis les années 2010, le numérique est de plus en plus présent dans les exploitations. Les capteurs ont décuplé les capacités d’observation au service d’une meilleure connaissance des agroécosystèmes », ajoute celle qui a fondé en 2016 l’Institut convergences en agriculture numérique, #DigitAg, qui regroupe 16 partenaires publics et privés, 30 unités de recherche et plus de 570 experts.
Cette agriculture de précision ne viserait pas uniquement l’amélioration des rendements, si l’on en croit ses défenseurs. « Elle est source de gain de productivité ; le numérique et ses outils peuvent également réduire l’impact des systèmes agricoles sur l’environnement », assure Véronique Bellon-Maurel. En effet, le traitement des données par des robots ou des systèmes automatisés permet de recommander des actions très ciblées pour apporter la bonne dose d’eau, d’engrais ou encore de produit phytosanitaire au bon endroit, au bon moment. « Outre la mise en place d’une agriculture dite “de précision”, les outils numériques favorisent aussi la détection précoce d’un dysfonctionnement ou d’une maladie dans les cultures, ce qui a donc pour effet de limiter les traitements », ajoute Véronique Bellon-Maurel.
Réduire de 90 % l’utilisation des insecticides
En France, l’AgriTech, qui réunit le numérique et l’agriculture, est un secteur en pleine ébullition dans lequel se créent et se développent de nombreuses jeunes pousses prêtes à relever les défis environnementaux. Parmi les multiples solutions innovantes, on peut citer celle de l’entreprise bordelaise Chouette, qui a développé un logiciel de détection des premiers symptômes du mildiou – une maladie due à un champignon pathogène – sur les feuilles de vigne en suivant le même principe que celui de la reconnaissance faciale. Le drone qui embarque la caméra élabore une carte localisant précisément les plants infectés. Grâce à ce système, on peut intervenir tôt et éviter la propagation de la maladie, mais aussi agir très localement et diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques.
« L’utilisation de la data est centrale et permet de réduire significativement celle d’intrants », confirme Félix Bonduelle, directeur général de Javelot, start-up qu’il a cofondée en 2018. L’entreprise a développé une plateforme globale de centralisation des données de stockage des céréales afin de gérer au mieux le recours aux produits phytosanitaires et la consommation énergétique. « L’un des grands risques liés au stockage des céréales est le développement des insectes, explique-t-il. Nos sondes thermométriques, mais aussi les ventilateurs ou les pièges à insectes sont connectés à notre plateforme logicielle, qui centralise les données.
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On peut piloter à distance le fonctionnement de la ventilation, qui doit être optimisée pour maîtriser la température et éviter la prolifération des nuisibles. » L’entrepreneur est formel : les coopératives et les négociants ayant adopté cette solution ont réduit de 90 % l’usage des insecticides de stockage et diminué de 30 % leur consommation énergétique.
Des robots pour limiter le recours aux herbicides
Même constat chez Sencrop, une entreprise qui conçoit et fabrique depuis 2016 des stations météo connectées à installer dans les champs. Mesurant une trentaine de centimètres, elles relèvent et analysent la température de l’air et son humidité (l’hygrométrie), la pluviométrie et la vitesse du vent. Équipées de capteurs connectés à des réseaux bas débit, elles transmettent ces données toutes les quinze minutes à l’agriculteur par l’intermédiaire d’une application. « Il peut ainsi adapter en temps réel l’irrigation ou l’utilisation d’intrant », souligne Martin Ducroquet, cofondateur de l’entreprise lilloise qui a installé plus de 33 000 capteurs en Europe (dont 20 000 en France). Et les résultats sont là : « Plus de la moitié des producteurs de pommes de terre qui se servent de notre application affirment avoir réduit l’utilisation de traitements d’au moins 30 % », révèle-t-il en se basant sur les résultats d’un sondage réalisé auprès de 1 000 agriculteurs utilisant la solution Sencrop.
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Mais la technologie sert aussi parfois à renouer avec des pratiques partiellement abandonnées. La société française Naïo Technologies commercialise depuis 2013 des robots pour biner, semer en autonomie, mais également désherber. À l’heure de la transition agro-écologique, le désherbage mécanique est devenu incontournable pour optimiser la lutte contre les mauvaises herbes, notamment dans les exploitations biologiques, où l’usage de produits phytosanitaires est proscrit. Aujourd’hui, plus de 300 de ces robots sont en fonctionnement dans le monde, essentiellement en maraîchage et en viticulture. « L’utilisation des robots aide à réduire l’érosion, l’empreinte carbone liée aux activités agricoles et le recours aux herbicides », peut-on lire dans un communiqué de presse de décembre 2022 publié à l’occasion de la dernière levée de fonds de EUR 32 millions par l’entreprise toulousaine, leader mondial sur son marché.
La chasse aux pesticides chimiques
L’utilisation des outils numériques est susceptible de croître encore dans le contexte de chasse aux pesticides chimiques, la France ayant de son côté adopté en 2015 le plan Écophyto II, qui prévoit une baisse de 50 % des produits phytosanitaires dans les champs sur dix ans.
Conscients de ces évolutions réglementaires, les investisseurs n’hésitent pas à miser de plus en plus sur de jeunes pousses de l’AgTech. Ainsi, selon le fonds AgFunder, les investissements dans les start-up de l’AgTech et de la FoodTech (nouvelles technologies appliquées à l’alimentation) ont atteint USD 51,7 milliards en 2021. Ces deux secteurs, regroupés sous l’appellation « AgriFoodTech », comptaient des milliers de start-up dans le monde , dont environ 400 en France il y a deux ans d’après l’INRAE.
Des verrous cognitifs
Pourtant, si tous les voyants sont au vert pour un développement rapide des outils numériques dans les champs et les fermes, des blocages demeurent. « Nous faisons face à une sous-utilisation des systèmes numériques », regrette Véronique Bellon-Maurel. Elle explique ce phénomène par le fait que les agriculteurs « ne connaissent pas les coûts et les bénéfices de la numérisation », car il existe peu d’études et qu’elles restent confidentielles.
Pour pallier ce manque, l’INRAE met au point de nouveaux protocoles d’évaluation. « L’objectif est de mesurer de manière objective les gains économiques, les bénéfices pour l’environnement, mais aussi les bénéfices immatériels – comme le gain de temps et la moindre pénibilité du travail », détaille-t-elle.
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Autre frein, qui n’est pas propre au monde agricole, les verrous cognitifs du type « je ne suis pas capable de », « ce n’est pas fait pour moi »… Là, le maître mot est la formation. Des initiatives existent, à l’instar du mobilab AgroTIC, qui propose des animations autour des technologies numériques directement sur le terrain. Soutenu par OccitANum (un laboratoire d’innovation sur l’agriculture et l’alimentation basé dans la région Occitanie), le dispositif propose des démonstrations, consacrées spécifiquement aux capteurs et aux objets connectés, afin de « sensibiliser les professionnels de la filière aux possibilités du numérique en leur présentant le fonctionnement de solutions simples et innovantes à bas coût ».
Si l’adoption de nouveaux procédés technologiques n’est pas encore généralisée, la France fait plutôt figure de bonne élève. L’Hexagone est le premier pays de l’Union européenne en matière de levées de fonds pour ce domaine et le cinquième au niveau mondial1. À titre d’exemples, Javelot, précédemment citée, a bouclé un tour de table de EUR 10 millions pour se développer à l’international et proposer des services inédits dans le champ de la logistique, et Sencrop a levé USD 18 millions pour asseoir sa position de leader en Europe. Avec French AgriTech, lancée il y a tout juste deux ans, l’État français prévoit de consacrer EUR 200 millions d’investissement sur cinq ans à des projets innovants.
1 www.gouvernement.fr/actualite/la-french-agritech-au-service-de-l-innovation-agricole
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