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Les Chroniques CLIC® : Rencontre avec Ÿnsect, la start-up française qui élève des insectes pour nourrir la planète
Interview avec Jean-Gabriel Levon, cofondateur et Directeur Impact d’Ÿnsect
Qu’est ce qu’ Ÿnsect ?
Ÿnsect a pour ambition de contribuer à nourrir la planète tout en respectant l’environnement et le capital naturel. Notre objectif est de remettre l’insecte à sa place, à la base de la chaîne alimentaire. Notre concept n’est pas nouveau : les insectes sont naturellement présents dans l’alimentation des poissons, oiseaux et animaux sauvages et sont par ailleurs élevés depuis des millénaires.
C’est pourquoi nous avons créé un système breveté de culture de scarabées Molitor afin de produire et distribuer une gamme premium de protéines et d’engrais. Ces ingrédients naturels et durables apparaissent comme des solutions alternatives aux fertilisants chimiques ainsi qu’aux protéines animales utilisées en pisciculture, en alimentation des animaux d’élevage et de compagnie.
De quel postulat êtes-vous partis pour créer l’entreprise ?
Le constat est simple : L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) considère que la consommation de protéines animales augmentera de 52% entre 2007 et 2030. L’accroissement démographique et l’amélioration du niveau de vie ont fortement impacté la demande alimentaire mondiale entrainant des besoins en protéines considérables, que ce soit pour la consommation humaine mais également pour l’alimentation animale (poissons, volailles, bétail).
Soucieux de ces problématiques, nous avions créé Worganic, une association travaillant à reconnecter les urbains à la terre, à une alimentation plus durable et locale. Puis, en vue de l’urgence de repenser à la fois notre alimentation mais également la façon dont nous nourrissons les animaux et les plantes, nous nous sommes intéressés à l’insecte comme aliments d’abord puis comme ingrédient.
A quels défis avez-vous faits face?
Créer une entreprise n’est pas facile, créer une entreprise d’insectes (de coléoptères pour être précis) l’est encore moins ! En effet, aujourd’hui tout le monde a entendu parler des insectes comme aliments- ingrédients, mais il y a 10 ans c’était vraiment très nouveau notamment en Europe. Il nous a donc fallu convaincre tout le monde à la force de nos résultats, en répétant et en transmettant nos convictions. Les 5 premières années ont été dédiées à la Recherche & Développement.
Il nous a fallu choisir un insecte parmi 1 million, étudier toutes les taches manuelles (nourrissage, tri, etc) afin de les automatiser un maximum pour gagner en efficacité, étudier la nutrition de l’insecte et tester nos produits auprès de nos futurs clients (producteurs de petfood et d’aliments d’aquaculture). Aujourd’hui, une bonne partie de ces problématiques est dernière nous. Et nous allons aller encore plus loin avec la ferme verticale que nous construisons à Amiens (France) ! D’ailleurs, nos clients nous suivent puisque nous avons déjà plus de 105 millions de commandes pour les années à venir.
Qui sont alors vos clients ?
Nous produisons des ingrédients : protéines, huiles, engrais. Nous sommes donc dans un marché BtoB. Nos clients sont donc des producteurs d’aliments de petfood, d’aquaculture ou d’engrais comme COMPO France, Skretting, Torres, Virbac, ANgibaud.
En quoi une agritech comme la vôtre apporte-elle une solution contre la détérioration des sols, le réchauffement climatique et la préservation de notre capital naturel ?
Nous sommes ancrés dans l’économie circulaire : nous récupérons des coproduits agricoles pour nourrir nos insectes, nous transformons les insectes en protéines et en huiles en complément et ou substitution de la farine de poisson pêchés à l’autre bout du monde, nous récupérons les déjections pour en faire un engrais organique aux qualités au moins égales et souvent supérieures à un engrais chimique ! Bref chez nous rien ne se perd dans le scarabée. D’autre part, notre modèle est local, nous achetons notre matière première à des agriculteurs et des coopératives locaux en accompagnant leur transition en agro-écologique.
C’est notamment dans ce cadre qu’Ÿnsect a développé son modèle agricole de fermes verticales qui permet de produire plus de protéines tout en utilisant moins d’espace et moins de ressources.
Concrètement, quelle est votre innovation ? Quelles sont les technologies que vous employez et que cherchez-vous à atteindre ?
Les élevages d’insectes existent depuis toujours : les vers à soie par exemple. Mais ceux-ci reposaient sur des opérations manuelles qui rendaient difficile la production compatible avec les besoins en volumes, compétitivité et qualité des filières alimentaires européennes. L’Intelligence Artificielle et les données nous permettent de suivre nos insectes afin de nous adapter à chaque instant à leurs besoins. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous avons construit un modèle 4.0 respectueux de nos environnements et multipliable à l’envie afin de produire localement et dans le monde entier.
Vous avez réussi une montée de fonds spectaculaire en 2020. Comment expliquez-vous cela et quelles sont vos ambitions de développement ?
Cette levée est le résultat d’année de travail pour prouver la viabilité de notre projet et gagner la confiance de nos écosystèmes. 372 millions USD levés c’est bien mais 105 millions USD de contrats signés démontrent l’excellence des produits et la réalité du marché. Notre ambition pour demain : l’international bien sûr ! Nous souhaitons produire localement pour répondre aux besoins locaux. Ainsi, en parallèle de nos développements en France, nous prévoyons d’accélérer notre expansion. Nous annoncerons, courant 2021, l’implantation de la ou des prochaines fermes verticales, notamment en Amérique du Nord, où nous commençons à commercialiser dès le premier trimestre 2021 dans le marché du petfood américain.
Vous avez annoncé il y a quelques jours qu’après l’alimentation des animaux domestiques, des poissons d’élevage et des plantes, Ÿnsect se lançait dans l’alimentation humaine. Pouvez-vous nous expliquer cette nouvelle ?
Ce mercredi 13 janvier 2021, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu un avis positif sur l’utilisation du ver de farine à destination de l’alimentation humaine. L’Agence met en évidence que celui-ci est sûr d’un point de vue sanitaire. Le ver de farine, autrement appelé le scarabée Molitor, l’insecte que nous cultivons, devient donc le premier insecte à recevoir un avis positif pour la consommation humaine. C'est une victoire et une étape clé pour la croissance de l’industrie des insectes ! Nous réfléchissions depuis un moment à l’alimentation humaine. En effet, les études réalisées dans le cadre de nos relations avec nos clients petfood ont démontré des propriétés intéressantes pour l’humain et ce toujours sur nos deux axes stratégiques : la performance et la santé.
Avez-vous vu une évolution de l'intérêt des investisseurs au fil du temps ?
Nous avons assisté à un vrai changement des thèses d’investissement à partir de 2015 avec la remise du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de cette année-là amplifiée par la COP 21. Nos investisseurs sont conscients de la responsabilité qui leur incombe de penser le moyen et long terme & nous en sommes fiers.
Vous avez une politique sociale et environnemental engagée, racontez-nous ce que vous avez mis en place
Dès 2017 nous avons créé une Direction Impact dont le directeur, moi-même, siège au board de l’entreprise. Ce département transverse a pour objectif de qualifier, mesurer et calculer les conséquences des activités de l’entreprise sur le monde qui l’entoure, et de permettre aux équipes de respecter nos « engagements budgétaires impact » (GIEC 2°C1 & IPBES2) puis d’en vérifier l’atteinte. C’est ce fameux « plus avec moins » qui influence toutes les actions et engagements de l’entreprise au quotidien.
C’est dans ce cadre que nous menons des analyses du cycle de vie (ACV), outil le plus abouti en matière d’évaluation globale et multicritère des impacts environnementaux, avec le cabinet Quantis. Cette étude met notamment en évidence que nous sommes carbone négatif : nous séquestrons et évitons plus de CO2 que nous en émettons.
Forts des premiers résultats, nous avons lancé en 2019, notre programme « rewilding the world » en partenariat avec des associations et des initiatives citoyennes comme l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) ou le WWF. Nous avons voulu compenser directement notre impact en rendant à la vie sauvage au moins autant de surfaces horizontales que celles économisées grâce à nos fermes. A date, ce sont ce sont plus de 370 hectares de terre qui ont été protégés (directement et indirectement) et rendus à la nature
Que faites-vous au quotidien pour réduire votre impact ? Mangez-vous des insectes ?
Je conduis une voiture électrique, j’ai arrêté définitivement de prendre l’avion depuis 2016 personnellement et professionnellement, je suis devenu flexitarien et je suis très actif au développement d’Ÿnsect ! J’ai eu des Tenebrio molitor à mon mariage!
1 Le rapport spécial sur les conséquences d'un réchauffement planétaire de 1,5 °C est un rapport spécial publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
2 Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques : https://www.ipbes.net/
Source statistique : Food Waste in America in 2021: Statistics & Facts | RTS
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