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Actifs liquides : les investisseurs et le défi urgent de la soutenabilité de l’eau
Ouvrir le robinet pour faire couler l’eau : quoi de plus normal de nos jours ? Pourtant, à bien y réfléchir, ce geste simple cache une multitude d’enjeux. Dans des conditions absolument optimales, une personne ne peut survivre plus d’une semaine sans eau. Depuis que notre espèce existe, l’accès à l’eau définit l’organisation des sociétés et rythme le quotidien des individus. Autant dire que l’eau du robinet est une innovation qui a tout changé pour la majorité d’entre nous. Et ce changement est relativement récent dans l’histoire de l’humanité.
La Journée mondiale de l’eau, qui a lieu chaque année le 22 mars, célèbre cette remarquable innovation. Mais alors que nous entamons la troisième décennie de ce siècle, cette date nous rappelle aussi l’urgence d’agir dès maintenant si nous voulons préserver nos actifs liquides.
Raréfaction de l’eau
En raison du changement climatique, les pénuries d’eau chroniques (creusement des écarts entre l’offre et la demande à long terme) et les graves pénuries d’eau (sécheresses épisodiques) vont devenir beaucoup plus fréquentes. Et la croissance de notre population ne fera qu’aggraver le problème. D’ici 2050, la demande mondiale en eau devrait augmenter de 20 à 30%, et environ 57% de la population mondiale vivra dans un endroit subissant des pénuries d’eau sur une durée minimum d’un mois par an.
Les effets se font déjà ressentir. Ainsi, en 2017-2018, une sécheresse extrême, conjuguée à une maîtrise insuffisante de l’expansion démographique de la ville, a provoqué une grave pénurie d’eau au Cap, en Afrique du Sud. Par ailleurs, la menace de désertification qui plane sur les pays d’Europe du Sud tels que le Portugal, l’Italie, la Grèce, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie et, en particulier, l’Espagne, fait l’objet d’une attention grandissante.
Outre leurs effets directs sur la vie quotidienne de millions de personnes, les pénuries d’eau ont également des effets indirects sur la société. En 2017, l’ONU a ainsi déclaré que l’eau était une source majeure de conflits dans 45 pays, les frictions entre les zones en aval et en amont étant susceptibles de s’intensifier dans les années à venir.
Les économies et les entreprises subissent aussi le contrecoup des pénuries d’eau. La Banque mondiale a ainsi révélé que le PIB de pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et centrale et d’Asie de l’Est pourraient perdre jusqu’à 6% d’ici 2050 en raison des effets négatifs de la raréfaction de l’eau dans des domaines tels que l’agriculture, la santé et les revenus. Rien qu’en 2018, les pertes liées à l’eau dans les entreprises ayant participé à une étude sur le sujet ont totalisé USD 36 milliards.
Les Nations Unies ont déjà intégré la lutte contre la raréfaction de l’eau dans leur sixième Objectif de développement durable : Eau propre et assainissement. Et les gouvernements joueront certainement un rôle important dans les années à venir. L’Etat de Californie a d’ores et déjà introduit des objectifs visant à réduire la consommation individuelle d’eau intérieure à 50 gallons par personne et par jour d’ici 2030. Quant au gouvernement britannique, il a organisé en 2019 une consultation sur la réduction de la consommation personnelle d’eau, en vue de fixer ses propres objectifs.
En plus de la contribution essentielle que pourront apporter les gouvernements et les décideurs politiques, que pouvons-nous faire d’autre pour résoudre le problème de la raréfaction de l’eau ? C’est là que les investisseurs entrent dans l’équation.
Actifs liquides
A l’instar de tout problème, la raréfaction de l’eau nécessite de trouver et d’exploiter de nouveaux savoirs. En l’occurrence, savoir comment récupérer plus d’eau et en utiliser moins grâce à de nouvelles technologies mises à la disposition des bonnes personnes en nombre suffisant. Or créer et déployer de telles connaissances nécessite des investissements.
Malte, un pays dépourvu de rivières et de lacs permanents, est un exemple typique de conditions défavorables favorisant l’innovation. En 2018, Water Services Corporation, la société responsable du cycle de l’eau potable et des eaux usées de l’archipel, a lancé son projet « Towards a Net Zero-Impact Utility » (Vers un service public à zéro impact net). Cette démarche globale vise à révolutionner la production et la distribution d’eau dans le pays. Elle s’appuie sur une nouvelle usine appliquant le procédé d’osmose inverse et la modernisation de ses usines de dessalement pour en augmenter la capacité et l’efficacité énergétique. Le projet a été qualifié de « blueprint for water sustainability » (modèle en matière de gestion durable des eaux) par l’Union européenne et a remporté le prix de la meilleure gouvernance des eaux lors des Water Innovation Awards de 2019.
Du côté des start-up, LifeStraw propose une gamme de produits qui rendent potable l’eau la plus sale qui soit, où « l’ultrafiltration » joue un rôle central. Grâce à leurs pores bien plus petits que ceux du microfiltre le plus courant, les ultrafiltres peuvent éliminer presque 100% des virus, bactéries, parasites et microplastiques.
La société allemande aqualonis a mis au point un dispositif qui permet à des populations isolées sujettes à des pénuries d’eau de puiser de l’eau... dans les airs. Les panneaux à mailles fines CloudFisher™ permettent de récolter de minuscules gouttelettes de brouillard qui se condensent et fusionnent jusqu’à ce que les particules soient assez lourdes pour tomber dans un réservoir, créant ainsi un approvisionnement continu en eau potable. Cette technologie a été déployée dans plusieurs projets, dont le plus important approvisionne 17 villages marocains en eau. Des personnalités comme Jeff Bezos et Bill Gates ont investi dans une version plus high-tech de cette technologie, qui pourrait être mise en œuvre dans des zones peu exposées au brouillard : un nouveau type de panneau solaire qui peut récolter jusqu’à cinq litres de vapeur d’eau par jour à partir de l’humidité présente dans l’air.
L’innovation paraît également essentielle pour le processus de dessalement, actuellement si coûteux et énergivore qu’il est considéré comme une solution de dernier recours. En 2019, un article de The Guardian a mis en lumière plusieurs projets en cours dans ce domaine, notamment un prototype recourant à des capteurs solaires pour faire bouillir de l’eau et la condenser en séparant le sel et la saleté qu’elle contenait auparavant.
De nouvelles technologies qui réduisent la consommation d’eau pourraient avoir un impact encore plus important sur la raréfaction de l’eau. Ainsi, la start-up Orbital Systems a utilisé une technologie développée à l’origine par la NASA pour créer un nouveau type de douche. La douche Oas recycle et filtre une quantité fixe d’eau, si bien que la consommation d’eau est réduite jusqu’à 90% par rapport aux douches classiques.
L’agriculture est de toute évidence le secteur le plus critique pour investir dans les technologies de réduction de la consommation. Environ 70% de l’eau douce prélevée sur la planète est destinée à l’agriculture. Une proportion qui est appelée à croître de près de 20% d’ici 2050 à défaut d’améliorations de l’efficacité. Les techniques d’agriculture de précision constituent une piste prometteuse. Les capteurs, les données et l’IA sont mis au service des agriculteurs pour les aider à maximiser leurs rendements en utilisant le moins de ressources possible, notamment les pesticides, les engrais et, surtout, l’eau. Les nouvelles technologies d’irrigation économes en eau auraient également un impact significatif sur la consommation d’eau dans l’agriculture, en particulier lorsqu’elles sont appliquées au riz, qui nécessite plus d’eau que toute autre culture. Une étude récente a montré que 94% des rizières chinoises sont adaptées à une irrigation économe en eau, ce qui pourrait permettre d’économiser jusqu’à 26% d’eau.
La viande cultivée ou « in vitro » est une autre technologie émergente prometteuse. Ce procédé permet de produire de la viande sans faire abattre l’animal, à partir de cellules prélevées en milieu naturel. Selon une étude, la viande cultivée nécessitera 82 à 96% d’eau en moins que le produit animal équivalent, en fonction du produit carné, sans compter qu’elle est beaucoup plus propre et moins gourmande en terre et en énergie que l’élevage destiné à l’alimentation.
En plus d’investir dans des entreprises qui s’efforcent d’accroître la récupération de l’eau et d’en réduire la consommation, Lombard Odier est à même de mesurer l’empreinte hydrique des investissements existants. Si un client souhaite réduire l’empreinte hydrique de son portefeuille, nous pouvons explorer des pistes d’investissement plus soutenables.
Les investisseurs peuvent contribuer à apporter des solutions aux problèmes. Et sachant que le changement climatique est l’une des principales causes de la raréfaction de l’eau qui nous attend dans les années à venir – et, sans doute, l’un des défis les plus importants auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui –, la nécessité d’investir pour freiner la hausse des températures mondiales par l’innovation se fait de plus en plus pressante. Pour autant, la raréfaction croissante de l’eau semble inéluctable, du moins dans une certaine mesure. Se concentrer uniquement sur sa cause première serait donc une erreur. Le moment est venu de commencer à chercher de nouvelles solutions. C’est pourquoi nos scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs appellent de leurs vœux les investissements.
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