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    La digitalisation est vitale pour une croissance soutenable

    La digitalisation est vitale pour une croissance soutenable
    Kristina Church - Head of CLIC™ (Sustainable) Solutions

    Kristina Church

    Head of CLIC™ (Sustainable) Solutions

    Alors que la pandémie de COVID-19 contraint une grande partie de la population mondiale à travailler à domicile, de nombreuses entreprises et organisations apprécient de pouvoir poursuivre leurs activités grâce aux nombreux outils digitaux disponibles pour collaborer et communiquer. Le passage au télétravail a fortement réduit le nombre de personnes qui se déplacent vers leur lieu travail, contribuant ainsi à un ciel visiblement plus propre dans de nombreuses régions du monde.

    En temps de crise, la technologie numérique est une véritable bouée de sauvetage. Beaucoup estiment qu’à plus long terme, la technologie est cruciale pour de nombreux enjeux liés à la soutenabilité, notamment la transition vers la neutralité carbone. S’ils étaient numérisés, bon nombre de processus opérationnels et organisationnels pourraient être moins énergivores. Les réseaux intelligents, par exemple, peuvent fournir de l’électricité plus efficacement, les constructions intelligentes peuvent moduler l’utilisation de l’énergie en fonction des besoins et, grâce la mobilité connectée, le déplacement des personnes et des biens peut gagner en efficacité, avec à la clé une empreinte carbone des transports plus basse.

    La technologie est cruciale pour de nombreux enjeux liés à la soutenabilité, notamment la transition vers la neutralité carbone.

    Mais la croissance numérique doit être gérée de manière soutenable. La consommation d’énergie de l’industrie digitale augmente de 4%1 par an, ce qui va à l’encontre de l’objectif de l’Accord de Paris de découpler la consommation d’énergie de la croissance du PIB. Son empreinte carbone numérique comprend les réseaux de télécommunications, les centres de données, les terminaux (fixes et portables) et les capteurs de l’Internet des objets. Or maintenir l’activité des machines et assurer la redondance pour garantir la haute disponibilité des données et des documents, et qu’il ne se perdent pas, a un coût carbone élevé : les appareils numériques et les infrastructures de back-end consomment une grande quantité d’électricité, même si la numérisation permet d’améliorer l’efficacité énergétique dans d’autres secteurs.

    De plus en plus de dispositifs s’appuient sur une infrastructure tentaculaire

    La croissance de la demande en technologies numériques devrait entraîner une consommation d’énergie encore plus importante. L’empreinte énergétique directe des technologies de l’information et de la communication comprend également l’énergie nécessaire à la production et à l’utilisation des équipements informatiques (qui augmente de 9%1 par an). En conséquence, la part du secteur des technologies de l’information et de la communication dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) est passée de 2,5% en 2013 (ce qui équivaut à peu près aux émissions actuelles du transport aérien) à 3,7% en 20191.

    La part du secteur des technologies de l’information et de la communication dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre est passée de 2,5% en 2013, ce qui équivaut à peu près aux émissions actuelles du transport aérien, à 3,7% en 2019.

    Une grande partie de la demande accrue concerne des équipements numériques à courte durée de vie, comme les téléphones et ordinateurs portables. Il est peu probable que cette tendance s’atténue vu que les pays en développement rattrapent leur retard technologique sur les marchés développés. Par exemple, en 2018, un Américain moyen possédait 10 appareils connectés numériquement et consommait 150 gigaoctets de données par mois, alors qu’un Indien moyen ne possédait qu’un seul appareil et ne consommait que deux gigaoctets par mois1. Il est nécessaire d’assurer une progression rationnelle de la numérisation pour limiter la consommation d’énergie, tout en permettant aux pays en développement de profiter des multiples avantages d’une utilisation accrue de la technologie.

    Par ailleurs, les utilisateurs de technologies numériques sous-estiment souvent l’empreinte carbone de leurs appareils et la consommation du cloud. Les appareils numériques comme les téléphones et les ordinateurs portables sont devenus si petits et légers que, même s’ils sont constamment mis à recharger, les gens ont souvent du mal à imaginer qu’ils consomment beaucoup d’électricité. En outre, la communication instantanée, la diffusion de vidéos et la sauvegarde de fichiers dans le cloud peuvent sembler magiques : l’infrastructure physique qui rend possible l’informatique dans le cloud est invisible pour les utilisateurs et la consommation d’énergie associée rarement prise en compte.

    Il est nécessaire d’assurer une progression rationnelle de la numérisation pour limiter la consommation d’énergie.

    Tout cela fait courir le risque que les lourds investissements consentis dans la technologie numérique entraînent à terme une hausse nette de l’empreinte environnementale du secteur, alors même que celui-ci propose de multiples solutions pour décarboniser d’autres secteurs. Par exemple, Microsoft prévoit que ses activités et celles de ses fournisseurs émettront 16 millions de tonnes de carbone en 2020, soit l’équivalent d’une année de consommation d’électricité par plus de deux millions de ménages américains moyens.

    Seules 100’000 tonnes seront des émissions de GES de rang 1, des émissions directes provenant de sources qui sont détenues ou contrôlées par Microsoft. Quatre millions de tonnes seront de rang 2 (émissions provenant de la production d’électricité achetée et consommée par l’entreprise) et les 12 millions de tonnes restantes entreront dans le rang 3 (émissions indirectes tout au long de la chaîne d’approvisionnement).

    La numérisation est vitale pour la croissance économique future et la transition vers un monde plus soutenable.

    Une prise de conscience et un engagement croissants

    Et pourtant, la numérisation est vitale pour la croissance économique future et la transition vers un monde plus soutenable. Des efforts ont été consentis pour réduire l’impact environnemental des technologies numériques afin que leur potentiel d’innovation au service d’une transition climatique ne soit pas terni par une consommation énergétique croissante. On a ainsi assisté à un changement de mentalités qui a poussé les consommateurs à remettre en question l’utilité économique et sociale de l’achat et de la consommation d’objets et de services numériques. Ce changement a été impulsé, en partie, par une prise de conscience croissante de l’impact environnemental de la production de matériel électronique et des défis que pose la gestion des déchets électroniques qui s’accumulent. La demande de bilans carbone pour les projets numériques a augmenté, afin de garantir que leurs impacts environnementaux et sociaux ne contrebalancent pas les contributions à la croissance économique.

    Mais surtout, les plus grands acteurs du secteur technologique ont le pouvoir financier de se concentrer sur les émissions et ont fait part de leur engagement à respecter l’Accord de Paris. Les géants Apple et Microsoft se sont tous deux engagés à viser un bilan carbone négatif dans les trois rangs. Microsoft s’est fixé l’objectif ambitieux d’afficher un bilan carbone négatif d’ici 2030 et de réduire de moitié ses émissions directes et de rang 3 d’ici 2030.

    Les géants Apple et Microsoft se sont tous deux engagés à viser un bilan carbone négatif dans les trois rangs. Microsoft s’est fixé l’objectif ambitieux d’afficher un bilan carbone négatif d’ici 2030.

    Microsoft s’est également engagée, d’ici 2050, à retirer de l’environnement tout le carbone qu’elle a émis directement ou par le biais de la consommation électrique depuis sa fondation en 1975. En outre, la compagnie a lancé un fonds d’innovation pour le climat d’un milliard de dollars qui servira à accélérer la mise au point de technologies de réduction, de captage et d’élimination du carbone à l’échelle mondiale. La société travaille aussi activement avec les fournisseurs pour garantir la réduction des émissions tout au long de sa chaîne d’approvisionnement.

    Chez Apple, 100% des activités sont alimentées à 100% par de l’énergie renouvelable. L’entreprise encourage également activement ses fournisseurs à investir dans les énergies propres, plus de 40 d’entre eux se sont engagés à le faire. Apple s’efforce également de réduire les déchets tout au long de sa chaîne d’approvisionnement, avec l’aide de « Daisy », son robot recycleur pour iPhone. Comme Microsoft, Apple divulgue entièrement ses émissions de rang 1, 2 et 3, et a découplé la croissance de ses revenus des émissions de carbone depuis 2015.

    Reste que de nombreuses petites entreprises technologiques ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour comprendre la totalité de « l’additionnalité » de leurs émissions. Ainsi, il se peut qu’une petite société fournissant des logiciels de réduction d’énergie aux industries lourdes ne communique pas sur ses émissions de carbone, car elle les considère comme négligeables, alors qu’en réalité l’empreinte négative des émissions évitées par les clients pourrait être importante.


    Une question d’équilibre

    Il faut donc trouver un équilibre entre la nécessité de réduire les émissions du secteur technologique et le rôle crucial des technologies numériques dans le développement économique et social, ainsi que pour maintenir le monde connecté en cas d’urgence. Alors que le secteur technologique réalise de rapides progrès en matière de réduction des émissions, l’impact environnemental net des technologies numériques est difficile à évaluer.

    Il faut donc trouver un équilibre entre la nécessité de réduire les émissions du secteur technologique et le rôle crucial des technologies numériques dans le développement économique et social.

    Les impacts environnementaux directs et indirects de l’utilisation croissante du numérique ne doivent pas être sous-estimés, de même que le risque que les investissements croissants dans les technologies numériques, s’ils ne sont pas axés sur la soutenabilité, n’augmentent l’empreinte carbone du secteur avec le temps.

    Chez Lombard Odier, nous suivons de très près l’avancée de la digitalisation. Pour nous, cette évolution est une tendance générale et irréversible, et un moteur clé de la Révolution de la Soutenabilité et de la croissance économique future. Mais il faut trouver le juste équilibre entre une croissance numérique découplée, une plus grande efficacité énergétique dans les industries dont les émissions sont difficiles à réduire, portée par la révolution numérique, et une focalisation sur le secteur technologique qui génère des émissions nettes négatives.

    1 https://am.lombardodier.com/fr/contents/news/investment-viewpoints/2020/march/the-future-is-fintech.html

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