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Qui agit en faveur des acteurs de l’avenir durable ?
Un avenir durable ne se construit pas du jour au lendemain. Ce projet occupera notre espèce au moins pour les cent prochaines années. Si nous spéculons sur l’orientation que prendra la seconde moitié de ce siècle, nous nous trouvons déjà en terrain plus connu pour les prochaines décennies. Afin de concevoir la construction du projet de développement durable – et la manière dont les investisseurs contribueraient à ce qu’il aille dans la bonne direction – nous devons en savoir plus sur les acteurs actuels qui consacreront le plus de temps à sa réussite. Qui sont-ils ? Sur quoi travaillent-ils ? Comment les investisseurs peuvent-ils les soutenir ?
Nos espoirs en faveur d’un avenir durable reposent sur la génération des Millenials : la plus jeune génération actuellement sur le marché du travail. Elle héritera également des postes à haut pouvoir dans la société. Ces aspects-là sont indiscutables. Pourtant, une interrogation demeure : nos espoirs seront-ils récompensés ?
Pris dans leur ensemble, les Millennials sont parfois perçus comme s’octroyant tous les droits, guidés par l'idéologie et pas assez par les faits. En parallèle, les Millenials de la Silicon Valley ont fait l’objet de controverses en raison des excès manifestes de leurs entreprises à l’expansion fulgurante ; beaucoup de personnes ont fini par se demander si l’explosion, depuis le début du siècle, du nombre de directeurs généraux ne semblant pas avoir l’âge de boire de l’alcool et encore moins de diriger une entreprise, n’était pas indue et prématurée.
S'il s'agit là d'un reflet fidèle de la génération Y, cela ne présage rien de bon pour le projet de développement durable qu’entretient l'humanité. En effet, pour réussir, notre approche doit certes revêtir un caractère d’urgence mais aussi se fixer des objectifs précis. Elle doit être performante, mais réaliste. Ardente, mais rationnelle.
Alors, quelle est la vérité sur les Millennials ?
Nos espoirs en faveur d’un avenir durable reposent sur la génération des Millenials : la plus jeune génération actuellement sur le marché du travail.
Aller à la rencontre des Millennials
Si l’on en croit les chiffres, notre projet de développement durable semble se trouver entre de bonnes mains.
L’étude Brookings Millennial Report1 a révélé que 91% des Millennials seraient plus confiants, 89% plus fidèles et, dans la même proportion, plus susceptibles d'acheter auprès d’entreprises contribuant à la résolution de problèmes sociaux spécifiques. En outre, près des trois quarts d’entre eux seraient plus enclins à payer pour des produits et des services durables, contre seulement la moitié des baby-boomers.
Leurs comportements envers l'argent sont également très sains. Un sondage2 montre que 87,5% des Millenials ne considèrent pas l’argent comme une mesure de succès. Ceci étant, ce ne sont pas des fantaisistes. Ils savent que, pour être prospère, une entreprise doit être financièrement performante. Mais pour eux, il n’y a pas que le résultat net qui compte. Selon l'enquête Deloitte Millenial Survey 20183 83% de la génération Y croient en un équilibre plus holistique des mesures de la performance, notamment ce qui a trait à l’impact positif sur la société et l’environnement, l’innovation la création d'emplois et le développement professionnel, l'amélioration des conditions de vie, la diversité et l'inclusion.
Cependant, les entreprises sélectionnent un type particulier de personne et ces chiffres reflètent uniquement un sous-ensemble de Millenials qui intéressent particulièrement les investisseurs-entrepreneurs. Cela dit, grâce à la démocratisation digitale de l’entrepreneuriat, les Millenials choisiront probablement, contrairement à la génération précédente, les entreprises comme moyen d’aborder la question de la durabilité. En effet, 25% des entrepreneurs dans la vingtaine citent l’impact positif sur leurs communautés comme raison de se lance en affaires, contre seulement 13% des entrepreneurs dans la cinquantaine4.
64 %[des Millenials] préfèreraient gagner 40 000 $ par an dans un emploi qu'ils aiment plutôt que 100 000 $ par an dans un emploi qu'ils détestent.
À entreprises durables, solutions durables
Comparativement aux États et aux grandes entreprises, les startups ont la capacité de frapper de manière relativement chirurgicale sur des sous-problèmes de développement durable qui, pris dans leur ensemble, ont un impact significatif. Il est donc fondamental pour les investisseurs d’utiliser une partie de leur capital pour financer les startups de type innovant et durable créées par les Millennials à travers le monde.
Prenons l'exemple de l'agence de vente et de marketing LVK, basée à Londres. Bien qu'il existe aujourd’hui de nombreuses marques de produits alimentaires et boissons durables, ces dernières ne peuvent pas se satisfaire de leur petite taille si elles veulent réellement faire bouger les choses. C’est là que LVK entre en jeu. Fondée par les Millennials Simon Lock et Sunna van Kampen, sa mission consiste à développer des marques « conscientes », utilisant des ingrédients et des emballages sains et durables, renforçant ainsi leur impact positif grâce à des ventes plus importantes et à une compétition réussie avec des marques réputées.
Certains entrepreneurs de la génération Y apportent quant à eux une dose d'innovation à des solutions déjà existantes. Arun George propose une nouvelle approche démocratique de l'énergie éolienne au travers de sa jeune entreprise indienne Avant Garde Innovations. Cette dernière produit l'AVATAR, une petite éolienne qui ne coûte pas plus cher qu'un smartphone et qui offre aux Indiens la possibilité de se déconnecter du réseau électrique grâce à un accès direct à une énergie renouvelable.
D'autres, comme l'entrepreneur philippin Jackie Yap, sont si innovants qu'ils s'attaquent à deux problèmes à la fois. La première cible de Jackie : l’invasion de la jacinthe d’eau qui mine son pays. Cette plante envahissante croît en moyenne de 7,28 tonnes par hectare et par jour. Son autre objectif : le problème du bois de chauffage et du charbon de bois utilisés par 65 millions de Philippins pour cuisiner et entraînant une déforestation non soutenable. La startup de Jackie, HiGi Energy, vise à faire d’une pierre deux coups, en éliminant durablement ces deux tragédies environnementales grâce à la transformation de la jacinthe d’eau en charbon de bois : sont ainsi réduites concomitamment l’infestation et la déforestation.
Disposer d’une vue complète
Nous traitons ici d’individus et non de générations entières. Rappelons-nous toutefois que les valeurs des Millenials représentent plus qu’un changement limité. Au contraire, elles témoignent d’une tendance émergente. Dans les années à venir celle-ci multipliera le nombre d'opportunités d'investissement durable créées par des entrepreneurs de toutes les générations.
Les investisseurs doivent également connaître les faits, tout simplement. Car les Millenials pourraient appliquer des comportements à valeurs durables à des connaissances erronées, générant ainsi une insoutenabilité. Selon un sondage5, 40% de la génération Y déclarent que l’achat de produits bio fait partie de leurs efforts pour « vivre vert », contre 32% de la génération X et 28% de la génération du baby-boom. Mais si de nombreux produits bio sont effectivement durables, l’hypothèse selon laquelle ils le sont par définition est une erreur. Par exemple, certains pesticides bio peuvent se révéler pires pour l'environnement que les pesticides conventionnels6. Certains produits bio, comme le lait, les céréales et le porc, produisent plus de gaz à effet de serre par rapport à leurs équivalents non biologiques7. Et les cultures biologiques nécessitent beaucoup plus de terres pour parvenir à un rendement équivalent à celui des cultures non biologiques8.
Et les cultures biologiques nécessitent beaucoup plus de terres pour parvenir à un rendement équivalent à celui des cultures non biologiques.
Ce phénomène peut se manifester dans les deux sens. Prenons par exemple les OGM : malgré un consensus scientifique quasi unanime sur leur sécurité et leur rôle vital pour la disparition de la famine dans le monde, les valeurs des Millenials, combinées à une mauvaise compréhension des enjeux, engendrent des attitudes négatives à leur égard9. On peut également citer le nucléaire, une source d’énergie plus sûre et plus durable que les énergies fossiles, mais aussi plus modulable que les énergies renouvelables10. À tous points de vue, ce devrait être une énergie chérie par la génération Y. Pourtant, en grande partie en raison des accidents survenus à Tchernobyl et à Fukushima, sans même parler de Hiroshima et de Nagasaki, l’aspect le plus nuisible du nucléaire est devenu sa marque de fabrique. Non sans une ironie tragique et sans surprise, les mythes liés au nucléaire précipitent avec les valeurs durables des jeunes générations. 41% des moins de 55 ans, selon un sondage, appelaient à une réduction de la part du nucléaire dans la production énergétique, contre 34% des 55 ans et plus11.
D’après le même sondage, les personnes plus instruites sont plus susceptibles d’affirmer que le nucléaire est une énergie sûre et que les pays devraient construire de nouvelles centrales. Cela prouve le rôle crucial de l’éducation dans l’alignement des connaissances de la génération Y avec ses valeurs.
(…)les investisseurs responsables ont le pouvoir d'exiger non seulement une durabilité apparente, mais également une durabilité démontrable.
En parallèle, les investisseurs responsables ont le pouvoir d'exiger non seulement une durabilité apparente, mais également une durabilité démontrable. Pour ce faire, ils doivent inciter les entrepreneurs à créer des produits et des services durables, qui, certes, en portent le nom mais qui soient également conformes au consensus scientifique le plus récent et aux preuves disponibles les plus convaincantes.
Les entrepreneurs de la génération Y ont les atouts nécessaires pour réussir ; ils ne peuvent cependant pas y parvenir seuls. Ils ont besoin des investisseurs pour donner corps à leurs idées et pour s’assurer qu’elles restent conformes à leurs propres normes en matière de développement durable.
Les entrepreneurs de la génération Y ont les atouts nécessaires pour réussir ; ils ne peuvent cependant pas y parvenir seuls. Ils ont besoin des investisseurs pour donner corps à leurs idées et pour s’assurer qu’elles restent conformes à leurs propres normes en matière de développement durable. En conséquence, investir dans des startups durables créées par les Millenials offre une excellente possibilité d'obtenir de très bons rendements. C’est également l’opportunité de soutenir les membres les plus talentueux de la prochaine génération et de contribuer à assurer un avenir durable à notre espèce.
Biographie
Jonathon Mulholland, écrivain basé au Royaume-Uni, est au bénéfice d’une formation universitaire en philosophie et en psychologie. Ses domaines de prédilection sont la science, la technologie, l’histoire, la religion, la spiritualité franciscaine. Il est par ailleurs adepte du concept « intentional living », mode de vie fondé sur la conscience d'un individu ou d'un groupe pour vivre selon ses valeurs et ses croyances. Il est l’auteur du blog thedeliberative.com.
Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du Groupe Lombard Odier.
1 Brookings
2 Brookings
3 Deloitte
4 HSBC
5 Organic Trade Association
6 Science Daily
7 University of Oxford
8 The Guardian
9 Linnhoff et al., 2017
10 CNN
11 Organisation for Economic Co-Operation and Development
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