perspectives d’investissement
Le rallye des actions chinoises en décalage avec les fondamentaux
Points clés
- Les marchés boursiers chinois et hongkongais ont rebondi. Cela reflète soit les anticipations d’une reprise de l’économie chinoise, soit les craintes d’une dévaluation de la monnaie
- La pérennité de ce rallye dépendra essentiellement des revenus des entreprises. Toutefois, l’économie chinoise souffre toujours de déflation, ce qui suscite l’espoir d’un assouplissement de la politique monétaire
- Il est peu probable que l’on assiste à un rallye durable des actions sans une politique plus souple à l’égard du yuan. La banque centrale chinoise ne peut pas dévaluer la monnaie tout en luttant contre la déflation, car cela augmenterait encore les sorties de capitaux et affaiblirait la demande intérieure
- Nous anticipons un nouvel affaiblissement du yuan et maintenons notre préférence pour le dollar américain.
L’indice Hang Seng (HSI) de Hong Kong a progressé de 17% au cours du mois dernier. Cela signifie-t-il que le pire est passé pour les actions chinoises ? Nous examinons les facteurs à l’origine de ce rebond, les mesures prises pour le soutenir et la question de savoir si les investisseurs doivent s’attendre à une dévaluation du yuan chinois afin de relancer une économie en difficulté.
Jusqu’à récemment, le HSI était l’un des marchés boursiers les moins performants au monde. Mais depuis le début de l’année, il surperforme le S&P 500. L’optimisme des investisseurs s’explique en partie par la prédominance des valeurs technologiques de la Chine continentale dans l’indice Hang Seng China Enterprise Index (HSCEI), un sous-ensemble de l’indice HSI comprenant des sociétés de Chine continentale cotées à la Bourse de Hong Kong. Ce marché a fait un bond de 34% depuis le creux du 22 janvier, soit de plus de 16% depuis janvier. Est-il possible que la prudence et le sentiment négatif qui ont récemment caractérisé le risque lié à la Chine se soient estompés à la suite de l’amélioration des perspectives économiques et financières ?
Le rallye pourrait être dû à une combinaison entre la peur de manquer, les espoirs d’une reprise économique chinoise, les politiques visant à relancer la croissance, la rotation des investisseurs étrangers hors des actions américaines et japonaises, ainsi qu’aux valorisations attractives, en particulier dans les secteurs liés à la technologie. En outre, la stabilité et la cohérence de l’arrimage du dollar de Hong Kong au dollar américain inspirent confiance aux investisseurs étrangers. Dans l’intervalle, les autorités chinoises aimeraient soutenir ce rallye à l’aide de propositions politiques. Le dernier projet en date veut exonérer les investisseurs individuels du continent de la taxe de 20% sur les dividendes des sociétés cotées à Hong Kong.
Le rebond semble donc fondé sur les anticipations et la liquidité. Sa poursuite dépend en grande partie des perspectives relatives aux revenus des entreprises chinoises. Les résultats du premier trimestre des principales valeurs technologiques devraient permettre d’entrevoir si la dynamique positive des cours se maintiendra.
Une autre explication, plus pessimiste, serait que l’économie chinoise s’affaiblisse au point que les investisseurs « onshore » (Chine continentale) considèrent comme inévitable une dévaluation du yuan et tentent par conséquent de convertir leur monnaie locale en dollars de Hong Kong et/ou en or. La croissance du produit intérieur brut de la Chine au cours des trois premiers mois de 2024 a dépassé les estimations, mais les données économiques publiées depuis mars ont déçu, avec notamment une baisse de la production et de la croissance des ventes au détail.
La PBoC peut-elle dévaluer le yuan ?
Il est important de noter que le secteur immobilier chinois indique peu de signes de vie et continue à afficher des baisses de prix et un recul du volume des ventes dans les principales villes. Le crédit est également au point mort. Démentant les attentes, le financement global total d’avril a chuté à 12 700 milliards CNY (1700 milliards USD), sa première baisse depuis 2005. Les banques commerciales ont tenté d’accorder des prêts au marché, mais la demande de crédit de la part des entreprises et des ménages semble atone dans un contexte de désendettement. Un assouplissement de la politique monétaire serait plus cohérent avec la lutte contre la désinflation menée par la Chine, l’indice des prix à la consommation étant resté obstinément inférieur à 1% depuis mars 2023. Les perspectives pour les prix à la production demeurent également moroses.
Pourquoi la Banque populaire de Chine (PBoC) hésite-t-elle à réduire ses taux d’intérêt ? Depuis le début du cycle d’assouplissement en décembre 2021, le taux préférentiel du prêt à 5 ans (LPR) a baissé de 70 points de base (pb), tandis que l’indice des prix à la consommation a chuté de 120 pb. La décision d’assouplir les taux semble simple. Mais il y a un problème : le yuan, ou plutôt la nécessité de protéger la valeur de la devise, et donc de contrer les attentes en matière de dévaluation. Les investisseurs particuliers « onshore » sont tellement convaincus que le yuan va subir une dévaluation que la demande spéculative d’or physique libellé en dollars, entraîne le prix du métal à des niveaux record. Le volume quotidien moyen des transactions liées aux produits aurifères a augmenté de 79% en mars et avril par rapport à la même période de l’année précédente.
La dévaluation a-t-elle un sens ? La plupart des principales devises sont faibles comparativement au dollar américain, et cette situation perdurera tant que la Réserve fédérale n’abaissera pas son taux directeur. En attendant, les exportations chinoises reprennent de la vigueur. Jusqu’en avril 2024, le pays a exporté pour plus de 1 000 milliards USD. Un nouvel affaiblissement de la monnaie exacerberait les tensions commerciales avec les partenaires internationaux de la Chine. Une dévaluation de la monnaie augmenterait les coûts d’importation, ce qui pèserait sur sa consommation intérieure.
Le yuan demeure néanmoins sous pression en raison des sorties de capitaux sur les marchés boursiers, de la relocalisation des investisseurs, des voyages des Chinois à l’étranger et des fuites de capitaux. Depuis le deuxième trimestre 2023, les entrées de capitaux étrangers sont tombées à zéro, le pire résultat depuis l’épisode de la dévaluation du yuan en 2015.
Si la politique monétaire devait s’assouplir, la pression sur la devise pourrait s’intensifier. Alors que nous prévoyons un taux de change stable d’environ 7,3 yuans pour un dollar américain, l’expérience récente du yen japonais illustre les possibles conséquences, déstabilisantes et involontaires, d’un affaiblissement du yuan.
Le yen et le yuan
Depuis son pic de 2021, le yen japonais a chuté de 34% par rapport au dollar américain. Cela s’explique à la fois par la force du dollar et par la politique monétaire peu orthodoxe du Japon. Toutefois, la faiblesse de la monnaie japonaise perturbe l’équilibre des échanges, de la compétitivité et des prix entre le Japon et la Chine. Depuis 2021, le dollar singapourien, le yuan chinois et le won coréen se sont tous appréciés par rapport au yen, avec des répercussions sur la compétitivité de ces pays et sur leur croissance économique.
Le Japon et la Chine interviennent pour soutenir leurs monnaies. Mais les différentiels de taux d’intérêt avec les États-Unis signifient que le yen et le yuan resteront sous pression tant que la Fed n’aura pas commencé à abaisser ses taux. Nous nous attendons à ce que la banque centrale du Japon relève ses taux directeurs et réduise ses achats d’obligations afin de fournir un ancrage supplémentaire au yen.
Nous pensons que la Chine maintiendra la stabilité de sa monnaie au cours des prochains mois, dans l’attente de décisions majeures en matière de politique monétaire dans d’autres pays, notamment de nouveaux relèvements de taux de la part de la Banque du Japon et une première réduction des taux de la part de la Fed. Nous n’excluons pas une dévaluation de la monnaie chinoise après l’élection présidentielle américaine de novembre, avec le retour potentiel de Donald Trump, qui pourrait entraîner l’imposition de tarifs douaniers généralisés de 60% sur les exportations chinoises vers les États-Unis. Nous restons neutres sur les actions chinoises et nous attendons à ce que la prime offerte par les actions cotées en Chine continentale par rapport aux actions cotées à Hong Kong se réduise à mesure des sorties de capitaux. Un rallye durable des actions chinoises semble donc peu probable sans un assouplissement du yuan. Nous conservons notre préférence pour le dollar, et prévoyons un regain de volatilité pour le yen japonais.
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