perspectives d’investissement
Élections : les verdicts contrastent entre Paris et Londres
Points clés
- Les électeurs britanniques ont élu un gouvernement travailliste avec une large majorité, qui donne la priorité à la croissance et au changement graduel, au détriment de changements rapides dans la politique fiscale
- En France, le second tour a débouché sur une impasse politique, l’alliance de la gauche ayant remporté le plus grand nombre de sièges, mais sans majorité
- En l’absence d’une majorité claire, il est peu probable que la France puisse s’attaquer au déficit budgétaire à court terme
- Nous continuons à apprécier les Bunds allemands et le crédit européen (sur une base couverte contre la monnaie de référence du portefeuille), et préférons les actions britanniques aux valeurs européennes.
Les élections législatives des deux côtés de la Manche ont donné la majorité absolue au parti travailliste au Royaume-Uni et dessiné une Assemblée nationale divisée en France, où l’alliance de la gauche a créé la surprise en remportant le plus grand nombre de sièges. Les marchés financiers ont légèrement progressé à Londres et à Paris. Nous préférons les Bunds allemands aux bons du Trésor américain, le crédit européen au crédit américain (sur une base couverte contre le dollar) et les actions britanniques aux valeurs de la zone euro1.
Grâce à la large majorité parlementaire dont il dispose, le nouveau gouvernement britannique devrait mener une politique plus prévisible. Le parti travailliste a pris soin d’afficher sa prudence budgétaire ; selon Rachel Reeves, la nouvelle Chancelière de l’Échiquier et ex-économiste de la Banque d’Angleterre (BoE), le gouvernement souhaite se concentrer davantage sur la croissance que sur des modifications de la fiscalité. En matière de politique fiscale, le manifeste travailliste prévoyait des changements graduels plutôt que radicaux, notamment une amélioration des services publics et une relance de la construction de logements par le biais d’une réforme du système de planification, tout en excluant de forts relèvements d’impôts. Le nouveau gouvernement devrait également travailler à améliorer les relations avec l’Union européenne.
En France, les élections du 7 juillet ont débouché comme prévu sur un parlement sans majorité, et non sur la victoire du « Rassemblement national » (RN) anticipée par les marchés. Le RN a été relégué à la troisième position, derrière une large alliance de la gauche et du centre, destinée à empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir. Le scrutin offre au « Nouveau Front Populaire » (NFP) de gauche le plus grand nombre de sièges, mais loin de la majorité absolue, paralysant la législature entre trois groupes politiques. Le pays devra désormais faire face à une période de négociations politiques, où les partis de gauche et du centre chercheront à identifier un Premier ministre acceptable pour les deux formations et à se mettre d’accord sur un agenda législatif minimal. À plus long terme, la tripartition de l’Assemblée nationale, que le système électoral était conçu pour éviter, pourrait déboucher sur de nouvelles élections dans un an, une fois passé le délai légal pour les convoquer. En attendant, ce résultat compliquera la suite du mandat du président Emmanuel Macron, qui expire en avril 2027.
Pas d’appétit pour le déficit
Compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouvent les institutions politiques nationales, il est peu probable qu’un consensus se dégage sur la nécessité de s’attaquer au déficit du pays. Le mois dernier, S&P Global a revu à la baisse les perspectives de crédit à long terme de la France ; l’agence de notation a mentionné la dette publique, la faible croissance économique et l’impasse politique comme autant d'éléments susceptibles de contrarier les efforts déployés pour résoudre les problèmes budgétaires. En 2023, le déficit de la France équivalait à 5,5% de son produit intérieur brut (PIB). Alors qu’il devrait reculer à 5,3% cette année, il a été critiqué par la Commission européenne pour avoir dépassé le plafond de 3% fixé par Bruxelles pour les pays de la zone euro. La « procédure concernant les déficits excessifs » établie par l’Union européenne permet de demander des comptes à un gouvernement, ainsi que des explications sur la manière dont il compte s’y prendre pour réduire ses dépenses. Elle avait été suspendue durant la pandémie.
Préférences en matière d’obligations
Comment les actifs européens et britanniques vont-ils réagir à ces changements politiques – et comment devons-nous positionner nos portefeuilles en gardant la politique, l’économie et la dynamique du marché à l’esprit ?
Notre positionnement reste bien équilibré entre actions et obligations, avec une exposition neutre aux actifs risqués. La dynamique de croissance reste modérément favorable malgré des signes récents de ralentissement de l’activité économique, tandis que les banques centrales assouplissent leur politique monétaire. Cependant, le contexte politique demeurera difficile au second semestre, pouvant déclencher des épisodes de volatilité sur les marchés.
S’agissant de nos allocations aux obligations souveraines, nous préférons les Bunds allemands avec une maturité de cinq à sept ans aux bons du Trésor américain, couverts contre la monnaie de référence du portefeuille. La Banque centrale européenne devrait conserver son avance sur la Réserve fédérale dans son cycle de réduction des taux et abaisser encore les coûts d’emprunt. Les Bunds devraient également bénéficier de la demande continue des investisseurs pour les actifs refuges, ainsi que de la diversification des portefeuilles dans un contexte d’incertitudes politiques et géopolitiques. Compte tenu des problèmes de déficit budgétaire, nous pensons que l’écart entre les obligations assimilables du Trésor (OAT) françaises à dix ans et les Bunds restera supérieur aux niveaux atteints avant les élections.
Du côté du crédit d’entreprise, nous préférons les obligations de qualité et à haut rendement européennes à leurs équivalents libellés en dollars américains, car elles offrent des rendements intéressants sur une base couverte contre le dollar. Non seulement les obligations libellées en euros nous semblent offrir une meilleure valeur, mais l’ajout d’une couverture contre le dollar contribue à compenser les niveaux de rendement plus faibles de la zone euro tout en augmentant l’exposition à notre devise préférée. Dans le crédit européen, les obligations financières affichent un potentiel de rattrapage.
Préférences divergentes pour les actions
Si les actions françaises, les valeurs financières en particulier, se sont redressées conformément à nos attentes, nous ne prévoyons pas de potentiel haussier important en raison de la persistance des incertitudes politiques. Plus généralement, l’Europe reste la région que nous apprécions le moins. La croissance économique s’améliore mais demeure inférieure à la tendance, ce qui se traduit par des perspectives bénéficiaires moindres. Les constructeurs automobiles européens sont confrontés à un environnement concurrentiel difficile et semblent vulnérables à l’escalade des tarifs douaniers et aux guerres commerciales. Une baisse de l’euro et/ou des taux directeurs européens pourrait améliorer les perspectives des actions européennes, mais pour l’instant, nous maintenons une allocation sous-pondérée par rapport à notre indice de référence stratégique.
À l’inverse, nous privilégions les actions britanniques. Le contexte conjoncturel s’améliore, la livre sterling et les taux d’intérêt étant susceptibles de baisser. Les nombreuses multinationales qui composent l’indice FTSE 100 devraient aussi bénéficier d’une livre plus faible, alors que le cycle de réduction des taux directeurs de la BoE démarrera cet été. Les valorisations des actions britanniques sont attrayantes comparativement à d’autres régions. En outre, de nombreux investisseurs continuent à les sous-pondérer. D’éventuelles réformes pourraient inciter les fonds de pension à cotisations définies du Royaume-Uni à renforcer leurs avoirs en actions nationales, offrant un soutien supplémentaire au marché boursier.
Le marché des changes continuera aussi à refléter la dynamique politique. Nous pensons que la demande des investisseurs pour le dollar augmentera à l’approche des élections américaines, faisant passer le taux de change euro-dollar de 1,08 aujourd’hui à 1,04 à un horizon de trois mois. La livre sterling est restée stable pendant la période précédant et suivant la victoire des travaillistes. Nous estimons que l’assouplissement de la politique monétaire de la BoE à partir du mois d’août aura plus d’impact sur la monnaie dans les mois à venir, faisant reculer la paire GBP/USD de 1,28 aujourd’hui à 1,25 à un horizon de trois mois, et à 1,22 dans un an.
1 UEM – Union économique et monétaire
Information Importante
Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA (ci-après « Lombard Odier »).
Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait interdite, et ne s’adresse pas aux personnes ou entités auxquelles il serait illégal d’adresser un tel document de marketing.
partager.