perspectives d’investissement
Des fondations pour une relance de l’immobilier ?
Points clés
- La pandémie a modifié l’environnement de l’investissement immobilier. Les taux hypothécaires élevés et de nouvelles modalités de travail continuent de déployer leurs effets
- La rareté et l’indexation des loyers contribuent à stimuler la demande des investisseurs dans de nombreux marchés développés. Le pic des coûts d’emprunt devrait signer la fin du déclin des prix directs
- Le Royaume-Uni présente un potentiel de nouvelle baisse des prix, tandis que le marché suisse s’est avéré résistant
- Nous conservons un positionnement neutre sur l’immobilier dans les portefeuilles multi-actifs : dans un marché caractérisé par une offre restreinte, les prix restent élevés, mais la transition climatique marque le début d’un nouveau cycle immobilier.
Les détenteurs de prêts hypothécaires sont bien placés pour savoir que la hausse des taux d’intérêt s’est traduite par une augmentation des remboursements. Parmi les nombreux secteurs économiques perturbés par le Covid, l’évolution des modalités de travail, l’augmentation des coûts d’emprunt, le resserrement des conditions de crédit et l’évolution des dépenses de consommation impactent le marché immobilier. Cependant, l’offre limitée de biens et les investissements dans la transition climatique offrent soutien et opportunités. Nous examinons les tendances principales sur les marchés européen, suisse et américain.
La pandémie de Covid a modifié le paysage de l’investissement immobilier. Les taux hypothécaires sont à leur plus haut niveau depuis la crise financière de 2008 et, après trois ans de travail hybride, les entreprises sont toujours à la recherche d’un équilibre entre les différentes modalités de travail, avec une demande de bureaux en baisse. L’aspect positif est que les investissements gouvernementaux dans les technologies de transition, par le biais d’incitations et de subventions à la production, à une construction respectueuse de l’environnement et à l’efficacité énergétique, influencent de plus en plus la conception et les aménagements immobiliers, ainsi que l’offre et la demande.
Éviter les cycles de surchauffe et de ralentissement
Alors que les prêts hypothécaires sont plus chers, rendant l’achat d’une maison moins abordable dans les économies développées, la demande sous-jacente de maisons individuelles reste soutenue relativement aux normes historiques, du fait que l’offre demeure limitée (voir graphique). Par ailleurs, le secteur de la construction aux États-Unis semble mieux positionné que lors des cycles économiques précédents. Les constructeurs ont été nettement plus prudents en matière de recrutement, ce qui a permis d’atténuer l’impact du ralentissement de la demande sur l’emploi. Le secteur pourrait également anticiper un essor des investissements privés dans le cadre des subventions gouvernementales en faveur de la rénovation des bâtiments et des technologies durables.
Pour l’investisseur, le rendement total de l’immobilier provient à la fois des revenus et de l’appréciation des prix. Certes, on ne peut pas généraliser. Toutefois, dans la majorité des marchés immobiliers développés, à l’exception des bureaux commerciaux aux États-Unis et des emplacements secondaires en Europe, les investissements restent performants. Ces investissements ont offert des résultats d’exploitation solides parmi les sociétés cotées, générant des bénéfices solides au premier semestre. Cela s’explique par le fait que la rareté, en particulier dans les immeubles résidentiels et logistiques, ajoutée à l’indexation des loyers, stimulent la demande. L’indexation des loyers est importante car les hausses du taux de référence se traduisent directement par une augmentation des revenus locatifs, tandis que les immeubles commerciaux incluent souvent l’indexation dans leurs contrats. Les portefeuilles de placements actifs sur les marchés commerciaux français et espagnols ont affiché une croissance des loyers allant jusqu’à 10% dans leurs résultats du premier trimestre 2023. Sur le marché résidentiel, l’indexation est moins courante et il subsiste un risque que les gouvernements plafonnent les augmentations de loyer, comme cela s’est produit récemment aux États-Unis où, en 2022, les loyers résidentiels ont subi une augmentation moyenne de 8,6%. Le gouvernement français a également introduit un plafond de 3,5% pour l’augmentation des loyers résidentiels. D’autres, à l’instar de la ville de Los Angeles, ont empêché toute augmentation des loyers.
Les augmentations de loyer ne sont évidemment possibles que sur les marchés où la demande est supérieure à l’offre et où les baux sont inférieurs aux prix du marché. Les propriétaires peuvent également se montrer réticents à augmenter les loyers des locataires les plus fragiles, tels que les détaillants. Toutefois, les entreprises disposant d’actifs et d’emplacements recherchés ont commencé à faire état de volumes de vente et de taux d’occupation qui se rapprochent des niveaux d’avant la pandémie. NewRiver, un fonds de placement immobilier basé au Royaume-Uni et possédant un portefeuille composé d'immobilier commercial, a par exemple annoncé un taux d’occupation de 97% à fin mars 2023. À l’inverse, le marché américain des bureaux souffre d’inoccupation, en particulier dans le segment des immeubles de bureaux nécessitant une rénovation. En juin, une étude de CommercialEdge a révélé des taux d’inoccupation de 17% en moyenne pour l’ensemble du marché des bureaux. Toutefois, ce chiffre masque une réalité très contrastée, car les immeubles bien situés et bien entretenus sont entièrement occupés, tandis que ceux qui se trouvent à l’autre extrémité du spectre peuvent s’avérer entièrement vacants.
Au Royaume-Uni, l’ajustement a été rapide
Du fait qu’ils assimilent l’impact de la remontée des taux d’intérêt, la plupart des marchés immobiliers se trouvent dans un mode de « découverte des prix ». La variable la plus importante pour maintenir un marché sain et l’intérêt des investisseurs est évidemment la différence entre le rendement d’un bien immobilier et son coût de financement. Les récentes hausses de taux d’intérêt ont réduit cet écart, avant que la baisse des prix ne le compense. Cet effet a d’abord été visible au Royaume-Uni, où les valorisations des entreprises et les prix se sont rapidement ajustés. L’ensemble du marché immobilier britannique a chuté de 21,1% entre juin 2022 et février 2023 et, en juin 2023, les prix des logements au Royaume-Uni ont baissé de 2,6% comparativement à juin 2022. Toutefois, comme la Banque d’Angleterre devrait procéder à de nouvelles hausses de taux et que de nombreux prêts hypothécaires sont sur le point d’être réinitialisés, avec une augmentation des remboursements hypothécaires, nous pensons que les prix de l’immobilier britannique conservent une marge de baisse.
L’exception suisse
Contrairement à ce qui se passe en l’Europe et aux États-Unis, les prix continuent à augmenter en Suisse, progressant de 0,4% au cours des trois premiers mois de 2023, selon le groupe de services immobiliers CIFI. Une hausse des coûts de financement plus faible comparativement au reste du marché européen et aux États-Unis, ainsi que des fondamentaux macroéconomiques solides, ont soutenu l’immobilier résidentiel et commercial suisse. En outre, le marché a été moins impacté par la tendance au télétravail due à la pandémie, grâce à des temps de trajet plus courts et à une proportion élevée de petites et moyennes entreprises. La Suisse a également connu une période d’engouement pour l’immobilier, les habitants essayant d’acquérir un logement en prévision de la hausse des taux d’intérêt.
Dans un tel contexte, nous nous attendons à ce que les prix de l’immobilier direct en Suisse restent stables ou diminuent légèrement. Aux États-Unis et en Europe, nous prévoyons de nouvelles baisses des prix même si, grâce à la croissance des loyers et aux mécanismes d’indexation, ce recul devrait être inférieur aux 20% observés au Royaume-Uni. Naturellement, ces prévisions dépendent de l’évolution des taux d’intérêt. Les prix de l’immobilier commercial baisseront davantage que le marché dans son ensemble si les taux continuent à augmenter en raison d’un recul de la demande, en particulier pour les bureaux les moins modernes situés dans des emplacements secondaires. À l’inverse, les immeubles commerciaux modernes, bien situés et conformes aux normes de durabilité contemporaines devraient rester relativement à l’abri d’un affaiblissement, du fait qu’ils restent très demandés par les locataires.
L’immobilier reste un élément de diversification
La fin du cycle de hausse des taux d’intérêt devrait être le catalyseur permettant de générer de la valeur sur les marchés immobiliers. Le pic des coûts d’emprunt pourrait se traduire par un arrêt de la baisse des prix directs. Dans ce contexte, nous préférons les marchés cotés, où les investisseurs détiennent des parts d’un fonds ou d’une société qui gère un portefeuille immobilier et qui, traditionnellement, reflètent l’évolution des conditions plus rapidement que les marchés directs.
Les investissements immobiliers peuvent contribuer à protéger les portefeuilles contre l’inflation. Les investissements immobiliers directs sont généralement réalisés à long terme, tandis que les investissements indirects peuvent avoir à la fois un horizon d’investissement plus court et être plus liquides, bien que plus volatils. Dans une dynamique récente intéressante, certains des plus grands fonds immobiliers cotés en Bourse ont enregistré, en 2023, des rachats de la part de petits investisseurs, tout en attirant simultanément de nouveaux investissements de la part de clients institutionnels plus importants avec des perspectives à plus long terme. Cela s’explique en grande partie par le fait que si les investisseurs institutionnels voient des opportunités dans les ventes forcées, les petits investisseurs sont plus immédiatement préoccupés par la hausse du coût du capital.
Lire aussi : Les actifs non cotés renouent avec les fondamentaux
En outre, les indices régionaux des fonds immobiliers directs montrent de grandes variations entre les secteurs, ce qui signifie qu'un changement dans un type de propriété peut avoir un impact important (voir tableau).
Les actifs non cotés peuvent aussi offrir des opportunités pour les investisseurs éligibles. Après la crise financière de 2008-2009, les fonds immobiliers privés ont levé relativement peu de capitaux, ce qui indique que de nombreux investisseurs ont mis leur activité sur pause. Pourtant, les incertitudes économiques de l’époque ont permis aux investisseurs d’obtenir des rendements supérieurs à la moyenne pour ces millésimes. Aujourd’hui, les tensions sont davantage liées à la liquidité, ce qui nécessite une analyse experte de ces instruments et une compréhension des facteurs qui déterminent les valorisations.
Dans l’ensemble, nous conservons un positionnement neutre sur l’immobilier dans les portefeuilles multi-actifs. En examinant les fondamentaux du secteur, les investisseurs souhaitent acheter lorsque les valorisations sont faibles et que les coûts d’emprunt reculent. Ce n’est clairement pas le cas aujourd’hui. Cependant, l’environnement n’est pas non plus dramatiquement négatif. Les secteurs immobiliers de la plupart des pays européens, des États-Unis et de la Suisse ne sont pas confrontés aux problèmes d’offre excédentaire et de financement à bon marché qui ont historiquement déclenché les cycles de surchauffe et de ralentissement. Les investissements directs dans l’immobilier souffrent d’un problème d’accessibilité, mais dans une certaine mesure, ce problème est compensé par une offre limitée et la transition climatique, qui inaugureront un nouveau cycle d’investissement immobilier.
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