perspectives d’investissement
Les discussions entre la Chine et les États-Unis mettent en lumière la nécessité d’une stabilité stratégique
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- Les relations bilatérales entre la Chine et les États-Unis sont essentielles à la santé de l'économie mondiale : la semaine dernière, leurs présidents se sont entretenus pour tenter d'apaiser les tensions
- L'administration Biden considère les avantages potentiels d’une réduction des tarifs douaniers afin d’atténuer les pressions inflationnistes
- En 2022, les États-Unis et la Chine devraient enregistrer des taux de croissance similaires, de 4,6% et 5%, respectivement
- Les obligations gouvernementales chinoises peuvent servir de couverture de portefeuille en période de tensions sur les marchés ; nous maintenons notre surpondération. Le renminbi devrait rester stable par rapport au dollar américain.
Jusqu'en 2020, le commerce entre la Chine et les États-Unis et l'escalade des tarifs douaniers ont dominé les commentaires économiques. Durant la crise du Covid, leurs relations bilatérales se sont détériorées et restent distantes sous l'administration Biden. Aucune des deux nations ne dispose de la marge de manœuvre politique intérieure suffisante pour se permettre d’être perçue comme celle qui fait des concessions. Mais au moins, leurs dirigeants se parlent. Nous examinons ici les perspectives d'investissement pour l'année à venir.
Avec le recul, le conflit qui a commencé en 2018 comme une guerre commerciale entre les deux plus grandes économies de la planète, s’est mué en un climat d’hostilité sur une série de désaccords. Les relations sino-américaines se sont ainsi détériorées sur des sujets comme l’origine du Covid aux tensions sur l'indépendance de Taïwan, en passant par les essais militaires et l'accès des entreprises à leurs marchés réciproques. C'est pourquoi, le 15 novembre, l'appel vidéo de trois heures entre les présidents Joe Biden et Xi Jinping a retenu l'attention. Même s’il n’a donné lieu à aucune avancée majeure, ce dialogue démontre que les deux dirigeants reconnaissent la nécessité de remédier à la détérioration de leurs relations.
Les discussions directes peuvent au moins contribuer à « prévenir les malentendus », a déclaré le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, après la réunion, tout en soulignant l’importance de cette discussion, qui contribue à « poser des garde-fous afin que cette compétition ne vire pas au conflit ».
Il sera difficile de trouver une solution au problème des tarifs commerciaux dans l'année politiquement sensible à venir. La crainte de la concurrence chinoise est l'un des rares sujets unissant les politiciens américains, par ailleurs polarisés à l'approche des élections de mi-mandat en novembre 2022. Au quatrième trimestre 2022 aura lieu le congrès du Parti communiste chinois, qui devrait reconduire le président Xi pour un troisième mandat quinquennal, ce qui est sans précédent.
Des baisses de tarifs « désinflationnistes »
Néanmoins, aux États-Unis, l'inflation des prix à la consommation suite à la réouverture de l'économie offre un espace politique pour alléger les tarifs à l'importation. L'administration Biden a plaidé pour une réduction des droits de douane, en soulignant le coût supplémentaire qu’ils occasionnent pour les consommateurs américains. Le mois dernier, la secrétaire au Trésor, Janet Yellen a déclaré qu'une baisse des tarifs douaniers à l’importation aurait un impact « désinflationniste ». Fin octobre, les États-Unis ont accepté de lever immédiatement les tarifs sur l'acier et l'aluminium en provenance de l'Union européenne, imposés en 2018. L'UE a répondu en mettant fin aux mesures de rétorsion concernant notamment les motos Harley-Davidson ou le bourbon américain.
La représentante américaine au commerce, Katherine Tai, a déclaré le 10 novembre qu'il existait un « momentum » pour mettre en œuvre l'accord avec la Chine « afin de supprimer une partie des tarifs de rétorsion. » Mme Yellen a toutefois ajouté que les États-Unis attendaient de la Chine qu’elle respecte son engagement d'acheter pour 200 milliards de dollars supplémentaires de biens et de services américains dans le cadre de la « phase 1 » de l'accord signé en février 2020. Fin septembre, la Chine a déclaré qu'elle avait rempli 60% de sa promesse. La forte demande des consommateurs a permis à la Chine d'augmenter sa part de marché malgré la difficulté supplémentaire que constitue la hausse des tarifs douaniers américains sur les importations. Nous nous attendons à ce que cette tendance s’atténue, car les consommateurs américains devraient modifier leurs choix en matière de dépenses, en délaissant les biens d’équipement pour la maison au profit de services comme les voyages et les sorties au restaurant.
La Chine est le deuxième partenaire commercial des États-Unis après l'Union européenne, et les États-Unis sont le premier partenaire de la Chine. En 2020, les États-Unis et la Chine ont échangé des marchandises pour une valeur de 559 milliards USD, contre 557 milliards USD en 2019 et près de 659 milliards USD en 2018.
Une « compétition » politique
M. Biden a décrit la concurrence avec la Chine comme une « compétition » entre deux types de gouvernement différents. Son administration a pris ses fonctions en décrivant la relation entre les États-Unis et la Chine comme « le plus grand défi géopolitique du XXIe siècle » et la Chine comme le seul pays ayant les moyens « d'ébranler sérieusement le système international stable et ouvert ».
Les relations bilatérales sino-américaines sont un facteur essentiel de la santé de l'économie mondiale et toute tension doit être observée de près. Ces dernières semaines, un sujet a capté toute l’attention. Alors que de nombreuses nations contrôlent régulièrement leurs frontières à l’aide de l’armée, Taïwan a connu une période d’intenses exercices militaires menés par les Chinois. Depuis 1972, les États-Unis admettent officiellement la politique de la « Chine unique » sans toutefois reconnaître la souveraineté de la Chine sur Taïwan.
En outre, les deux pays se querellent au sujet de l'accès des entreprises à leurs marchés boursiers respectifs. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a suspendu la cotation des entreprises chinoises, en attente de nouvelles exigences relatives à la transparence. De son côté, la Chine envisage d'interdire l'accès à ses marchés aux entreprises américaines détenant de gros volumes de données personnelles sur les consommateurs. Ces divergences pourraient contraindre des entreprises chinoises et américaines à se retirer de la cote boursière ou à chercher de nouveaux marchés pour les accueillir. En mai dernier, la Commission d'Examen de l'Économie et de la Sécurité US-Chine du Congrès américain (USCC) a recensé 248 entreprises chinoises cotées sur les marchés boursiers américains, dont le New York Stock Exchange et le NASDAQ, pour une capitalisation boursière de 2 100 milliards USD. La liste comprend huit entreprises détenues par l’État chinois.
Convictions et risques
Après le ralentissement de la production chinoise observé au troisième trimestre 2021, nous tablons sur une croissance de l'économie de 5% en 2022. Sur le plan économique, le gouvernement chinois s'efforce de rééquilibrer le marché immobilier, fait face à des pénuries d'énergie et tente de gérer le ralentissement de la croissance par un assouplissement monétaire et des dépenses budgétaires. Nous anticipons une croissance de l'économie américaine de 4,6% l'année prochaine. La dernière fois que les deux économies ont enregistré un taux de croissance du PIB équivalent remonte à la fin des années 1990.
En Chine, la récente législation indique un revirement dans les priorités économiques du pays, qui passent de la croissance à court terme à la résilience stratégique. Le Parti communiste communique désormais sur un éventail de priorités, comprenant l'amélioration de la qualité de vie des citoyens, la redistribution des richesses, la lutte contre la pollution, une plus grande stabilité financière et une meilleure autonomie technologique. Cette évolution est visible dans la trajectoire technologique choisie par la Chine. Cette année, la réglementation chinoise, invoquant la quête d’une « prospérité pour tous », a détruit des milliards d’USD de capitalisation boursière chez ses principales sociétés technologiques.
Nous continuons à surveiller tout risque d’endettement excessif, de durcissement de la réglementation des industries polluantes ou de mesures antitrust et sécuritaires. Nous n’anticipons pas de nouvelles surprises l'année prochaine, car traditionnellement, le pays stimule l'économie en prévision du Congrès du Parti communiste et il devrait en outre bénéficier de son tourisme intérieur dans le cadre des Jeux olympiques d'hiver qui auront lieu en février.
Concernant les actifs financiers, une part importante des nouvelles négatives concernant la dette du secteur immobilier chinois se reflète déjà dans les valorisations des obligations. Nous avons donc augmenté nos expositions à certains segments de crédit disloqués d'Asie, où nous décelons des opportunités. Notre allocation comprend une surpondération des obligations souveraines chinoises, qui peuvent offrir un degré de couverture de portefeuille raisonnable en cas de turbulences sur les marchés.
Nous nous attendons à un renforcement du dollar américain au fur et à mesure que la politique monétaire mondiale devient moins accommodante en réponse à la normalisation de la croissance économique. La balance des paiements de l'économie chinoise soutiendra le renminbi, qui devrait rester stable par rapport au dollar durant les trimestres à venir.
Alors que les enjeux politiques nationaux, tant en Chine qu'aux États-Unis, signifient qu’un changement fondamental de leur relation bilatérale est peu probable en 2022, la question reste de savoir comment ces deux systèmes gouvernementaux pourront coexister tout en offrant croissance, stabilité et prospérité à leurs propres citoyens et à la communauté internationale. Des signes positifs existent. Ce mois-ci, la COP26 a mis en lumière un domaine de coopération lorsque les deux puissances ont convenu d'un engagement commun pour accélérer la décarbonisation et la transition vers des sources d'énergie propres.
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