perspectives d’investissement
Rapport spécial – Le métavers : surmédiatisation ou prochaine révolution de l’Internet ?
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- Le métavers constitue la prochaine itération de l’Internet mobile : immersif, virtuel et interactif
- Malgré l’existence de versions émergentes, la technologie est loin d’être mature, et le manque d’interopérabilité des systèmes constitue un obstacle majeur. De nombreuses entreprises devront adapter leurs modèles d’affaires pour travailler au sein d’un métavers interopérable.
- En général, les investisseurs surestiment l’impact à court terme de telles technologies, ce qui dope les valorisations, mais sous-estiment leurs répercussions à long terme sur le paysage concurrentiel.
- Des opportunités d’investissement plus spécifiques devraient apparaître dès 2025, notamment dans le segment des expériences.
La course, dans l’espace virtuel, vers le « métavers » est lancée. Que nous réserve cet avenir immersif en ligne, pourquoi est-il important et où trouver de la valeur ? Face à l’intérêt croissant des investisseurs, nous évaluons l’engouement à court terme et les opportunités de long terme.
Lorsque Facebook a changé son nom pour Meta Platforms1 en octobre, le terme « métavers » est passé du vocabulaire des geeks à celui du grand public. Cet intérêt croissant reflète l’attrait intrinsèque des investissements thématiques, en particulier dans le secteur technologique. Si le concept de métavers présente un attrait à long terme, nous estimons que nous en sommes encore au stade de la « surmédiatisation » : un phénomène déjà observé aux débuts de l’impression 3D, aux différents stades de la technologie sans fil 3G/4G/5G et pour « l’Internet des objets ». Pourtant, si les investisseurs ont tendance à surestimer l’impact à court terme des nouvelles technologies, ils sous-estiment aussi en général l’influence à long terme d’un changement aussi radical sur le paysage concurrentiel. Nous examinons ci-dessous les opportunités et l’impact probable.
Qu’est-ce que le métavers ?
Il n’existe pas de définition unique du métavers, mot-valise qui associe « méta » (« au-delà/après » en grec), et « univers ». Il s’agit d’une itération hypothétique de l’Internet. La description la plus courante du métavers est un espace de réalité virtuelle (VR), c’est-à-dire une économie alternative ou un monde alternatif où les utilisateurs peuvent interagir entre eux dans un environnement persistant généré par ordinateur. Les utilisateurs apparaissent souvent sous la forme d’un avatar : une icône ou une figure numérique qui les symbolise. On peut accéder au métavers avec différentes technologies, par exemple ordinateurs ou smartphones, mais plus souvent, et de manière immersive, avec des lunettes de réalité augmentée ou virtuelle (AR/VR). Nous conseillons aux investisseurs curieux de savoir à quoi un métavers pourrait ressembler de regarder le film Ready Player One de Steven Spielberg.
L’une des entreprises à l’avant-garde de ce concept est Meta Platforms (anciennement Facebook). Sa division Virtual Labs propose des casques de réalité virtuelle (Oculus Quest), qui, dès 2022, intégreront une nouvelle forme de réalité mixte basée sur une technologie de suivi du visage et des yeux. La société propose aussi des outils de développement (SparkAR) qui aident les créateurs à concevoir de nouvelles expériences virtuelles. L’application SuperNatural, qui fait partie de la division Virtual Labs et offre du fitness immersif en réalité virtuelle avec Oculus Quest, constitue donc un cas d’utilisation intéressant. Elle propose quotidiennement de nouveaux exercices, encadrés par des entraîneurs authentiques, sur les plus beaux sites du monde.
Quels sont les piliers du métavers ?
Il existe sept niveaux nécessaires à la construction de l’écosystème du métavers. Il s’agit notamment de l’infrastructure de base et des outils nécessaires, y compris la connectivité, les calculs, l’interface utilisateur et l’environnement virtuel. L’environnement 3D et la cartographie géospatiale forment la base de la réalité étendue (XR) qui conjugue la réalité mixte, augmentée et virtuelle. La plupart des technologies nécessaires à la création de cet écosystème existent déjà, mais d’autres sont encore en cours d’élaboration. En outre, de nombreux services évolueront de manière à développer le contenu (économie des créateurs), le commercialiser (commerce) et le rendre accessible (recherche). Au final, le métavers se traduira par des expériences englobant le jeu, les interactions sociales, les achats, l’enseignement et les événements en direct comme les sports et les concerts.
Il n’existe encore que de rares métavers expérimentaux. Les meilleurs exemples concernent des jeux vidéo tels que Fortnite, en mode « free-to-play » (F2P), ou Roblox, dont la plateforme est générée par ses utilisateurs. Tous deux présentent certaines des caractéristiques évoquées : ils vont au-delà du simple jeu en intégrant des aspects comme les concerts virtuels ou l’achat d’actifs numériques. Dans ces environnements virtuels sans espèces, la technologie blockchain et les crypto-monnaies pourraient jouer un rôle clé. Les jetons non fongibles (NFT ou jetons numériques représentant la propriété d’actifs) reposant sur la technologie blockchain pourraient également créer un écosystème intéressant pour créer et monétiser du contenu numérique. Ils pourraient, par exemple, conférer le droit d’utiliser des œuvres d’art ou de posséder des créatures créées dans le métavers, ouvrant la voie à une nouvelle économie virtuelle. Dans ce domaine, la créativité humaine n’a pour ainsi dire pas de limites.
Pourquoi le métavers pourrait-il devenir important ?
L’objectif du métavers est de créer une expérience immersive destinée à remplacer l’Internet mobile. Qu’il s’agisse de se réunir, de travailler, de jouer, d’apprendre ou de faire des achats, les métavers permettront de consommer du contenu en temps réel par le biais d’expériences virtuelles. Le métavers ne sera pas un lieu où l’on partage des expériences vécues, mais un lieu où l’on vit des expériences en commun.
L’histoire de la digitalisation a évolué depuis ce que nos enfants appelleraient l’âge de pierre numérique (pré-Internet) jusqu’au World Wide Web (accès à tout contenu, à tout moment, en tout lieu), suivi de l’Internet des services, où le niveau d’innovation a été dynamisé par une amélioration des plateformes informatiques qui a permis l’essor du commerce électronique, de l’interactivité et de la productivité. L’étape suivante a découlé de la prolifération rapide des smartphones, donnant naissance à la société hyperconnectée et à la propagation virale des réseaux sociaux. Aujourd’hui, la technologie ne se cantonne plus à nos smartphones, mais elle est présente partout, dans la pléthore d’appareils connectés dotés de capteurs (Internet des objets). L’Internet est passé d’une situation où des humains s’adressaient à des humains, à celle où des humains s’adressent (ou essaient de s’adresser) à des machines, et enfin à un contexte où des machines s’adressent à des machines. Cette évolution modifie radicalement les relations humaines. Parfois, la technologie ne se contente pas de renforcer nos compétences, mais nous remplace, car des algorithmes peuvent effectuer des tâches spécifiques avec une précision chirurgicale. Avec l’avènement du métavers, nous nous trouvons à l’aube d’une nouvelle phase où les interactions occuperont à nouveau le devant de la scène, mais sur le mode virtuel.
Quels sont les principaux défis ?
Les bases technologiques étant encore en pleine évolution, aucune norme d’interopérabilité entre les multiples métavers n’a été définie. Il s’agit selon nous d’un point critique, car les consommateurs supposent qu’ils pourront se déplacer et partager des actifs et expériences virtuels d’une plateforme à l’autre sans obstacle, tandis que les développeurs entendent choisir les outils multiplateformes appropriés à leur guise. A l’avenir, nous prévoyons que de nombreuses plateformes à grande échelle seront obligées d’adapter leurs modèles d’affaires pour pouvoir fonctionner dans un métavers interopérable. La confidentialité et la sécurité des données seront également cruciales étant donné qu’une vaste quantité d’informations personnelles potentiellement sensibles entre en jeu. D’autres préoccupations concernent la santé mentale, si les mondes virtuels conduisent les utilisateurs à fuir leurs responsabilités et les interactions du monde réel.
Comment s’exposer à cette thématique ?
A court terme, les investisseurs ont tendance à surestimer l’impact des nouvelles technologies, dopant la valorisation des quelques « valeurs thématiques pures » qui bénéficient d’un afflux de fonds. Les résultats tangibles sont en général décevants, car le déploiement et la mise en œuvre s’avèrent souvent plus complexes et plus longs que prévu. Le métavers constitue certainement une opportunité technologique intéressante, mais ses avantages économiques tangibles sont encore lointains.
Les progrès en matière d’outils et de workflows des développeurs sont essentiels à la création de contenu des métavers. Nous pouvons imaginer un monde où il sera aussi facile de créer du contenu dans le métavers que d’établir un site de commerce électronique aujourd’hui. On entend souvent que le principal obstacle en la matière est le bras de fer entre plateformes fermées et plateformes ouvertes. Les espaces protégés ou « walled gardens » (plateformes fermées) résolvent certains de ces problèmes de création de contenu parce qu’ils sont disposés à tout offrir à leurs utilisateurs. A contrario, il est difficile de rassembler tous les outils nécessaires dans un écosystème entièrement ouvert, du moins pendant les premières étapes de développement. Soulignons que les acteurs déjà présents pourraient avoir une longueur d’avance dans la conception des outils et équipements nécessaires.
De notre point de vue, les principaux domaines d’investissement se situeront en réalité au niveau des entreprises qui fournissent les piliers et outils appuyant l’infrastructure du métavers. Actuellement, ces piliers et outils sont utilisés à d’autres fins, notamment pour la digitalisation, l’informatique de nuage, l’intelligence artificielle (IA) ou le graphisme des jeux vidéo, ce qui dilue quelque peu l’exposition thématique. Assez élémentaires pour commencer, les expériences deviendront progressivement plus sophistiquées, mais toute cette phase se caractérisera par de lourds investissements et de faibles bénéfices, car le manque d’interopérabilité et de normes entravera l’adoption généralisée par les utilisateurs potentiels. Nous pensons que la vision du métavers et de ses avantages économiques ne se concrétisera pas aussi rapidement que beaucoup l’espèrent, engendrant des risques de déceptions, voire de chutes de cours par la suite. A ce stade, nous conseillons aux investisseurs de faire preuve prudence avant d’allouer des fonds à cette thématique, car les rendements n’apparaîtront qu’à moyen terme (sur cinq à dix ans) et la feuille de route technologique est encore à un stade très précoce, laissant de nombreuses questions en suspens.
Cela étant, les investisseurs ont également tendance à sous-estimer l’influence de tels bouleversements technologiques sur le paysage concurrentiel. Même s’ils ne sont pas toujours perceptibles, les virages technologiques sont tout de même significatifs. A moyen terme (dès 2025), les piliers du métavers devraient être assez matures pour que l’on distingue des opportunités d’investissement plus spécifiques/ciblées, notamment dans le segment des expériences. Compte tenu du calendrier encore incertain et après une courbe d’adoption standard en S, il se peut que des opportunités supplémentaires se matérialisent à ce stade ultérieur. En attendant, nous recommandons aux investisseurs potentiels dans le métavers de bien garder les pieds sur terre.
1 https://about.fb.com/news/2021/10/facebook-company-is-now-meta/
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