perspectives d’investissement
Entre volatilité et reprise, quatre scénarios pour les élections présidentielles américaines
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- Contrairement à la victoire de Donald Trump en 2016, l’issue des élections présidentielles de 2020 devrait avoir un impact moindre sur l’économie américaine
- Les deux candidats s’attachent à soutenir la relance post-pandémique, ce qui dicte la politique économique à court terme
- Le résultat du scrutin présidentiel peut faire l’objet d’une contestation juridique, ce qui induirait de la volatilité sur les marchés
- Les relations sino-américaines resteront tendues indépendamment de l’issue des élections.
A en croire les sondages, Joe Biden devrait devenir le prochain président des Etats-Unis en 2021. Contrairement à la victoire de Donald Trump en 2016, cette élection devrait avoir un impact moindre sur l’économie américaine. Pour les investisseurs, le risque réside dans la volatilité que pourrait provoquer un résultat incertain ou juridiquement contesté.
Lorsque les électeurs américains se sont rendus aux urnes en novembre 2016, les marchés financiers anticipaient quatre années supplémentaires de présidence démocrate. Aujourd’hui, à quelques exceptions près et sans négliger la marge d’erreur, les sondages et les paris indiquent tous que Joe Biden devrait remporter suffisamment de voix au Collège électoral pour accéder à la présidence.
En dépit des ambitions radicalement différentes des candidats concernant le rôle des Etats-Unis sur la scène internationale, l’élection du 3 novembre 2020 ne devrait pas impacter fortement les perspectives économiques du pays.
A moins que Donald Trump ne parvienne à mettre les questions d’ordre public au centre du débat, la campagne électorale sera dominée par la question de la gestion de la pandémie de Covid-19. Il convient de souligner néanmoins que le scrutin propose deux visions très différentes du leadership mondial américain, avec des conséquences profondes sur la vitesse de l’évolution de l’équilibre géopolitique mondial.
En dépit des ambitions radicalement différentes des candidats concernant le rôle des Etats-Unis sur la scène internationale, l’élection du 3 novembre 2020 ne devrait pas impacter fortement les perspectives économiques du pays. Confrontés à la récession la plus profonde de l’histoire moderne, à un taux de chômage record et à des dépenses budgétaires inédites allouées à la lutte contre la pandémie, les Etats-Unis doivent en effet se concentrer sur la relance. Ces dernières semaines, l’activité économique est restée à 80-90% de son niveau pré-pandémique, légèrement en retrait de l’Union européenne et de la Chine, selon nos calculs basés sur des données en temps réel.
Contrairement à 2016, nous savons maintenant qu’une seconde administration Trump serait au moins aussi disruptive et polarisante que la première. Au cours d’un second mandat, le potentiel de surprises devrait néanmoins être moindre, surtout si le Congrès reste divisé. Par ailleurs, si une victoire de Joe Biden serait synonyme d’un retour à une administration plus « normale », les démocrates ne devraient pas modifier radicalement la trajectoire des dépenses budgétaires massives destinées à soutenir les marchés financiers, les revenus des ménages et l’emploi. En d’autres termes, cela signifie qu’une administration Biden serait davantage axée sur la poursuite de la reprise que sur la mise en application des promesses de campagne, du moins au début.
Engagements électoraux
Les engagements que Joe Biden a dévoilés avant la pandémie sont axés sur la création d’emplois, la promotion d’un salaire minimum, la relance des entreprises, les dépenses d’infrastructure et l’énergie durable. Nombre de ces ambitions, y compris la réduction des tensions commerciales avec la Chine, devraient fournir une impulsion positive nette aux bénéfices des entreprises, compensant dans une large mesure toute augmentation des impôts sur les sociétés que Joe Biden prévoit d’utiliser pour financer un « nouveau Pacte Vert » (New Green Deal). Ce projet d’augmentation du taux d’imposition des sociétés de 21% à 28% inquiète Wall Street. Cependant, une telle hausse nous semble improbable tant que l’économie américaine demeurera en mode de reprise.
Les plans de campagne de Donald Trump ont été chamboulés par la pandémie. Début 2020, sa stratégie de réélection consistait à mettre l’accent sur la vigueur de l’économie américaine, attiser les craintes face à l’immigration et poursuivre son approche unilatérale de la géopolitique, y compris en matière de droits de douane sur les importations chinoises, à l’opposé de la position traditionnellement favorable au commerce des républicains. La déréglementation, la réduction de l’impôt sur les sociétés et la relance monétaire de la Réserve fédérale (Fed) sont autant de mesures qui ont soutenu les marchés boursiers avant et depuis le début de la pandémie.
Dès le début de la pandémie, Donald Trump a cherché à minimiser l’ampleur de la crise et à rejeter les reproches quant à sa gestion. Sa façon de présenter les Etats-Unis comme une victime géopolitique, son insistance sur la crise de l’ordre public à laquelle est confronté le pays et ses références à un passé mythique, lui ont permis de conserver un large soutien et une cote de confiance légèrement supérieure à 40%.
Les critiques que Donald Trump adresse régulièrement au président de la Réserve fédérale Jerome Powell laissent penser qu’il pourrait tenter de le remplacer par un candidat moins conventionnel au terme du mandat de M. Powell en 2022. Sous une administration Biden, Jerome Powell devrait rester à la tête de la Réserve fédérale et l’orientation actuelle ne prévoyant pas de relèvement des taux directeurs avant 2023 au moins devrait être maintenue.
Volatilité potentielle
Le véritable risque de surprise dans cette élection est d’ordre institutionnel. Donald Trump n’a pas promis d’accepter le résultat du scrutin, il a semé le doute quant à la robustesse du système électoral américain et il réduit le financement des services postaux pour décourager le vote par correspondance. M. Trump a par ailleurs laissé entendre que des électeurs enfreignent la loi fédérale et tentent de voter deux fois pour tester le système.
Un éventuel résultat contesté aux premières heures du 4 novembre ou l’absence d’une reconnaissance claire de la part d’un des candidats ainsi que l’incertitude juridique qui suivrait provoqueraient vraisemblablement des semaines de volatilité sur les marchés. Les investisseurs envisagent un tel scénario. En effet, le marché des futures indique une hausse de la demande pour un positionnement anticipant une plus forte volatilité en octobre et novembre, ce qui n’était pas le cas en 2016.
La date limite pour définir les normes de comptage des votes a été fixée au 8 décembre et les Etats devraient avoir compté les bulletins de vote sur cette base avant le 14 décembre. Si l’ensemble du processus peut faire l’objet de contestations légales, le dernier délai fixé au Congrès pour annoncer le prochain président est le 6 janvier 2021 (cf. calendrier électoral).
Même s’il est évincé, Donald Trump pourrait laisser une empreinte durable sur le parti républicain. Les Républicains, dont bon nombre seront élus sur le programme de Donald Trump en 2020, mettront en effet du temps à réformer leur parti. Ils continueront donc vraisemblablement à exercer leur influence au moins jusqu’aux élections de mi-mandat du Congrès en 2022, lorsque 36 sénateurs et l’ensemble de la Chambre des représentants se représenteront.
Quatre scénarios
Nous envisageons quatre scénarios possibles pour la course à la présidence. Dans chaque scénario, les impératifs économiques visant à créer les conditions pour une reprise complète après la crise du Covid sont identiques.
Le respect des engagements électoraux dépendra du résultat au Sénat. En cas de majorité républicaine ou démocrate dans les deux chambres du Congrès, un projet de loi sur les infrastructures ou de nouvelles réductions d’impôts amélioreraient les perspectives de croissance. Si le Congrès reste divisé comme il l’est actuellement, il sera plus difficile de parvenir à un consensus sur d’importantes mesures de relance supplémentaires, ce qui pèsera sur les perspectives économiques. Enfin, seule une majorité démocrate dans les deux chambres du Congrès pourrait potentiellement conduire à davantage de réglementation.
Sur le plan géopolitique, un deuxième mandat de Donald Trump pourrait exiger de reconsidérer la relation entre les Etats-Unis et la Chine. Après avoir dominé la réflexion économique internationale pendant 18 mois, l’administration pourrait explorer des solutions à plus long terme, ou au moins conclure la première phase de l’accord avec la Chine. Depuis le début de cette année, les tarifs douaniers moyens sur les importations de produits chinois aux Etats-Unis s’élèvent à 13,8%.
Les défis de politique étrangère auxquels serait confrontée une présidence Biden sont importants. M. Biden devrait au moins abaisser les tarifs douaniers. Toutefois, les tensions commerciales sino-américaines s’inscrivent dans un registre de long terme. Ainsi, elles sont appelées à perdurer et à continuer d’impacter la structure des échanges commerciaux. Dans le cadre des efforts visant à contenir le défi économique posé par la Chine, Joe Biden devrait également réinvestir dans le Partenariat transpacifique.
Une administration démocrate essaiera sans doute de rétablir la position multilatérale des Etats-Unis sur le front de la politique étrangère, notamment avec un retour au sein de l’accord de Paris sur le changement climatique et un rétablissement des liens avec l’Iran.
Implications en matière d’actifs financiers
Indépendamment du résultat de l’élection présidentielle, la tendance baissière du dollar se poursuivra, une victoire de Joe Biden accélérant le rythme de dépréciation. Par ailleurs, une victoire du démocrate exposerait moins le dollar à la volatilité des risques politiques et aux tweets présidentiels, le billet vert se négociant à nouveau en fonction de ses fondamentaux. Nous pensons que malgré une baisse importante, la monnaie américaine reste surévaluée. Par conséquent, une victoire de Joe Biden entraînerait probablement de nouvelles pertes; leur ampleur dépendra cependant de la composition du Congrès. Plus largement, une victoire de M. Biden soutiendrait l’essor du yuan chinois dans la perspective d’une baisse des tarifs douaniers et d’une rhétorique plus constructive entre les deux superpuissances mondiales.
Une administration républicaine n’impacterait pas le marché obligataire de manière significative au cours des six premiers mois car M. Powell ne serait pas remplacé à la Fed avant 2022. Dans le cas d’une administration Biden et d’un Congrès divisé, la reprise économique pourrait être plus faible et se traduire par une baisse des rendements souverains. En revanche, une victoire des démocrates renforcerait la croissance et entraînerait une hausse des taux d’intérêt.
Sur les marchés actions, de nouvelles baisses d’impôts sous l’impulsion de Donald Trump et d’un Congrès contrôlé par les républicains doperaient le sentiment des investisseurs ainsi que les valorisations. Si les démocrates accèdent à la présidence et gagnent les deux chambres au Congrès, on peut s’attendre à ce qu’ils mettent en œuvre les augmentations de l’impôt sur les sociétés qu’ils ont promises. Toutefois, le consensus ne table que sur une baisse à un chiffre, se situant dans la partie moyenne de la fourchette, du bénéfice par action du S&P500. En effet, les nouvelles promesses de relance compenseraient tout impact négatif des augmentations d’impôts. Enfin, dans le cas d’une présidence Biden et d’un Congrès divisé, l’embellie du contexte géopolitique et le maintien d’un environnement de taux bas favoriseraient les valorisations.
Le projet de Joe Biden d’augmenter les impôts et de relever le salaire minimum favoriserait de manière relative les grandes entreprises en mesure de répercuter les coûts, ainsi que celles à fort contenu de propriété intellectuelle, telles que les sociétés actives dans les secteurs de la santé et des technologies de l’information. Les technologies énergétiques vertes et alternatives ainsi que les services publics, le secteur industriel et celui des matériaux, bénéficieraient également de l’accent mis par les démocrates sur l’économie verte et les plans d’infrastructure post-pandémiques. Dans l’éventualité où les démocrates seraient majoritaires au Congrès, ils pourraient faire pression en faveur de soins de santé universels, ce qui exercerait une pression sur les prix de l’industrie pharmaceutique. Enfin, la concurrence industrielle avec la Chine est susceptible de limiter les risques d’une réglementation plus stricte du secteur des technologies de l’information, qui connaît une croissance rapide.
Sur les marchés pétroliers, l’évolution des prix demeure tributaire de la gestion de l’offre post-Covid par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEP+). Les cours du pétrole réagiraient à une élection de Joe Biden et à un Congrès divisé, car toute normalisation des relations américano-iraniennes pourrait ajouter 1,5 million de barils de production iranienne par jour sur le marché, ce qui pourrait déstabiliser l’OPEP+ et peser sur les cours. Le risque d’une réglementation accrue de l’industrie américaine du pétrole de schiste avec une administration démocrate serait compensé par une augmentation de la production ailleurs dans le monde. En conséquence, la réglementation américaine sur le pétrole de schiste n’aurait, selon toute vraisemblance, pas un grand impact sur les prix à court terme.
Positionnement du portefeuille
Les marchés pourraient s’avérer instables ces prochains mois mais l’impact sur les fondamentaux devrait rester assez limité. Nous pensons donc que les périodes de volatilité offriront des opportunités d’investissement dans des actifs qui bénéficient d’un fort rebond par rapport à leurs récents plus bas.
Information Importante
Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA (ci-après « Lombard Odier »).
Il n’est pas destiné à être distribué, publié ou utilisé dans une juridiction où une telle distribution, publication ou utilisation serait interdite, et ne s’adresse pas aux personnes ou entités auxquelles il serait illégal d’adresser un tel document de marketing.
partager.