perspectives d’investissement

    Le commerce mondial se heurte aux barrières douanières américaines

    Le commerce mondial se heurte aux barrières douanières américaines
    Stéphane Monier - Chief Investment Officer<br/> Lombard Odier Private Bank

    Stéphane Monier

    Chief Investment Officer
    Lombard Odier Private Bank

    Le but des négociations commerciales est en général d’éliminer ce qui peut faire obstacle aux échanges. La décision des États-Unis d’augmenter leurs droits de douane sur les importations chinoises et celle du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne ont pris le contrepied de ce principe et montrent avec quelle rapidité des flux commerciaux entravés peuvent nuire à la croissance économique. Quels enseignements pouvons-nous en tirer sur l'importance économique du commerce et quelles perspectives pouvons-nous en déduire pour les investisseurs en 2019 ?

    Le commerce mondial a perdu 1,4 % en volume en décembre 2018, en glissement annuel, une baisse sans précédent depuis la crise de la dette souveraine européenne de 2011 (voir graphique 1), dans un contexte où les entreprises ont réduit leurs dépenses d’investissement face à l’incertitude, perdu des marchés et subi des perturbations dans leurs chaînes d'approvisionnement.

    Dès son entrée en fonction, l’administration Trump s’est engagée à réduire le déficit commercial des États-Unis. Afin de tenir sa promesse, elle a appuyé des enquêtes sur les pratiques commerciales d’autres pays, entamé des différends commerciaux avec la Chine et, la semaine dernière, avec l’Inde et même menacé de quitter l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette stratégie découle d’une logique erronée, selon laquelle le déficit commercial est une preuve que d’autres pays profitent des États-Unis. Surtout, elle a sapé la confiance des marchés financiers et, par ailleurs, elle ne produit pas les effets escomptés. En effet, le déficit commercial des États-Unis a atteint 621 Md USD en 2018, son niveau le plus élevé depuis dix ans, selon des chiffres publiés la semaine dernière, et le déficit de son commerce des biens a atteint un pic de 891,3 Md USD. Ce déficit s’est encore creusé sous l’effet de facteurs tels que la vigueur de l’USD, qui a nui aux exportations américaines et stimulé en revanche les importations, les réductions d’impôts octroyées par le gouvernement et le ralentissement de l’économie mondiale.

    “La stratégie américaine a affaiblit la confiance des marchés financiers et ne fonctionne clairement pas”

    Le mois dernier, l’OMC avait prédit que la croissance du commerce mondial ralentirait cette année. L’indice de la santé des échanges commerciaux que gère l’organisation a maintenant atteint son plus bas niveau depuis neuf ans, et les prévisions « pourraient être revues à la baisse si l’environnement commercial continuait à se dégrader ». Alors que les mesures visant à faciliter les échanges se sont intensifiées pendant les 12 mois qui ont précédé la mi-octobre 2018, « la valeur des échanges visés par les mesures restrictives à l'importation qui ont été prises (588,3 Md USD) est plus de sept fois supérieure à celle qui a été enregistrée dans le précédent rapport de suivi annuel », a déclaré l’OMC en décembre.

    Inévitablement, ce glissement protectionniste a eu un impact de grande ampleur sur des économies ouvertes et exportatrices telles que la Chine, le Japon, l'Union européenne et la Suisse.

     

    Les États-Unis et la Chine négocient

    Les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine, dont l’objectif est de mettre un terme au conflit en cours, ont abordé tous les sujets possibles, de la protection de la propriété intellectuelle aux subventions à l’industrie, en passant par l'accès aux marchés. En guise de représailles à l’augmentation des droits de douane américains, la Chine a imposé des taxes d'importation sur de nombreux produits agricoles en provenance des États-Unis, compromettant ainsi les revenus et les marchés de leurs agriculteurs et ciblant des régions politiquement vulnérables. Cependant, selon certaines informations, les deux parties seraient sur le point de signer un accord qui résoudrait un différend qui dure maintenant depuis un an, et qui pourrait comporter des engagements de la part de la Chine d'acheter du pétrole brut et des produits agricoles aux États-Unis, aux dépens d'autres exportateurs tels que la Russie, le Brésil, l'Australie et le Moyen-Orient. Cette éventualité ne laisse néanmoins pas beaucoup de marge, ni d’espoir, pour la résolution des questions plus délicates concernant la technologie et la sécurité.

    Les événements récents ont confirmé notre principale hypothèse : l’impact économique et financier des droits de douane devrait probablement amener les deux parties à s’entendre sur un compromis.

    La Chine a ramené son objectif de croissance de 6,5 % en 2018 à une fourchette comprise entre 6,5 % et 6,0 % en 2019, son plus bas niveau depuis près de trois décennies, dans le cadre d'une série de mesures de relance comprenant des réductions d'impôts, une politique modérée d'assouplissement monétaire, une baisse des taux d’intérêt et des dépenses d’infrastructures renforcées, dont le but est de redynamiser une économie qui ralentit.

     

    La guerre commerciale s’étend

    Une nouvelle avancée pourrait se concrétiser aux alentours du sommet prévu le 27 mars. Pour des raisons politiques, chacune des deux parties doit obtenir des concessions de la part de l’autre avant de pouvoir signer un accord. Par ailleurs, même si ce dernier était conclu, les exportateurs devront d’abord restaurer leurs chaînes d'approvisionnement perturbées par l’augmentation des droits de douane et regagner leurs marchés.

    Les États-Unis ont annoncé la semaine dernière un nouvel objectif fixé dans le cadre de leur politique commerciale. Le pays prévoit de suspendre le statut commercial préférentiel de l’Inde, un programme qui avait permis à cette dernière d’exporter pour 5,6 Md USD de biens vers les États-Unis, en franchise de droits. Deux mois avant les élections législatives indiennes (voir notre article publié en novembre), le ministère du Commerce local a minimisé les conséquences de cette annonce, affirmant que la perte ne toucherait qu’un montant d’importations équivalent à environ 190 M USD. Les États-Unis sont le principal marché d’exportation pour l’Inde, représentant plus d’un sixième de ses exportations en valeur ; ils accusaient auprès de l’Inde un déficit commercial de 27,3 Md USD en 2017.

     

    Le spectre du Brexit nuit au commerce

    Les États-Unis ne sont cependant pas seuls responsables. Le Royaume-Uni subit également des dommages commerciaux, qu’il s’est auto-infligés en transformant une crise constitutionnelle et politique en une éventuelle urgence économique. L’un des membres du comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre a déclaré le mois dernier que l’économie britannique avait perdu environ 2% de produit intérieur brut à la suite du référendum sur le Brexit, ce qui équivaut à un manque de 40 Md GBP par an (52,6 Md USD).

    Le Royaume-Uni subit également des dommages commerciaux, qu’il s’est auto-infligés en transformant une crise constitutionnelle et politique en une éventuelle urgence économique.

    Que le Brexit survienne à 23 heures le 29 mars, ou qu’il soit reporté, la partie la plus difficile de la négociation commencera après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Jusqu'à présent, le débat a porté sur les intentions politiques. Les négociations qui débuteront lors de la prochaine phase traiteront en détail des droits de douane, des quotas et de l'accès aux marchés ; elles seront considérablement plus complexes car elles devront trouver un point d’équilibre entre les intérêts des 27 autres États membres de l’UE. Le Royaume-Uni accuse un déficit de son commerce des biens avec le reste du monde mais bénéficie d’un excédent au niveau des services. L’UE représente un peu moins de la moitié de ses échanges totaux (voir graphique 2).

     

    Perspectives commerciales pour 2019

    Nous tablons sur une reprise modérée de l’économie mondiale en 2019. En dépit de l’inversion historique des tendances commerciales, nous estimons que les États-Unis et la Chine finiront par trouver un compromis et qu’une solution sera apportée aux difficultés endurées par le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit, lorsque le pays devra s’attaquer aux détails de sa future relation avec son plus grand partenaire commercial.

    La décision prise en janvier par la Réserve fédérale américaine de suspendre son processus de resserrement monétaire a suivi une période de volatilité accrue sur les marchés et une diminution des pressions inflationnistes. Nous ne pensons cependant pas qu’il faille voir là la fin du cycle de hausses des taux d’intérêt. Des données économiques robustes pourrait accroître la possibilité d’un nouveau relèvement plus tard dans l’année.

    Nous tablons sur une reprise modérée de l’économie mondiale en 2019. En dépit de l’inversion historique des tendances commerciales, nous estimons que les États-Unis et la Chine finiront par trouver un compromis et qu’une solution sera apportée aux difficultés endurées par le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit.

    Au cours des six derniers mois, les marchés américains ont surperformé ceux du reste du monde. Nous maintenons notre prévision d’un USD qui s’affaiblira lentement par rapport aux principales devises, à mesure que les mesures de relance fiscale octroyées aux États-Unis disparaîtront et que les déficits budgétaire et courant augmenteront. Plus le dollar baissera, plus l'écart de performance économique entre les États-Unis et le reste du monde devrait se réduire. Dans la zone euro, l’annonce faite la semaine dernière par la Banque centrale européenne (BCE) intègre un maintien des taux directeurs en 2019 et une baisse des prévisions de croissance du PIB. Il s’agit essentiellement de la conséquence du protectionnisme commercial. Une BCE plus accommodante mettra un frein au renforcement de l’EUR par rapport à l’USD, afin de maintenir la compétitivité de la monnaie commune à l’exportation. En termes simples, si l'environnement commercial devait s'améliorer, la Chine et l'UE en seraient les principaux bénéficiaires.

    Plus le dollar baissera, plus l'écart de performance économique entre les États-Unis et le reste du monde devrait se réduire.

    Dans ce contexte, nous avons progressivement réduit le risque des portefeuilles, en transférant l'exposition aux marchés émergents des actions vers la dette locale, et tiré parti des stratégies de portage en investissant une part de la poche trésorerie dans le crédit.

    Brexit bites

    It is not all about the US. The United Kingdom has its own self-inflicted trade damage as it potentially turns a constitutional and political crisis into an economic emergency. One of the Bank of England’s monetary policy committee members said last month that the UK’s economy has lost some 2% of Gross Domestic Product as a result of the Brexit vote, equivalent to GBP 40 billion annually (USD 52.6 billion).

    The United Kingdom has its own self-inflicted trade damage as it potentially turns a constitutional and political crisis into an economic emergency.

    Whether or not the Brexit date of 11 p.m. London time on March 29 is postponed, the toughest negotiating work lies ahead once the UK has left. So far, the debate has been about political intentions. Negotiations in the next phase, which will tackle the detailed breakdown of tariffs, quotas and market access, will be considerably more complex as they balance the interests of each of the remaining 27 European member states. The UK has a trade deficit in goods with the rest of the world, and a services trade surplus and the EU accounts for slightly less than half of the UK’s total trade (see chart 2).


    2019 trade outlook

    Our central expectation for the world economy over the coming year is for a muted recovery. Despite the historic reversal in trade trends, we anticipate a compromise at some point between the US and China, and a solution to the UK’s Brexit woes as they begin the serious work of hammering out the details of a relationship with their biggest trade partner.

    The US Federal Reserve’s January decision to pause its monetary tightening process followed higher market volatility and lower inflationary pressures. It does not, we think, signal that the hiking cycle is over. Sound economic data would bring the possibility of a hike back to the table later in the year.

    As the dollar weakens, the gap in economic performance between the US and the rest of the world will likely narrow.

    Over the last six months, US markets have outperformed the rest of the world. We continue to expect the USD to weaken slowly against major currencies as the US’s tax benefits fade and the current and fiscal deficits rise. As the dollar weakens, the gap in economic performance between the US and the rest of the world may narrow. In the eurozone, last week’s European Central Bank guidance put rates on hold for 2019 and lowered GDP growth forecasts. This looks mostly linked to trade protectionism. A more dovish ECB will put a brake on the euro’s strengthening against the dollar, keeping the common currency more export-competitive. Simply put, if the trade environment were to improve, China and the EU would be the main beneficiaries.

    In the light of this, we have gradually reduced portfolio risk, shifting emerging market exposure from equities to local debt, and taken advantage of carry strategies by investing some cash holdings into credit.

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