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Les mines urbaines : littéralement, de véritables mines d’or
Lombard Odier Investment Managers
Aujourd’hui, nous extrayons quelque 97 gigatonnes de matériaux chaque année, soit l’équivalent d’environ la moitié du poids du mont Everest1. La plupart des matériaux extraits sont gaspillés : les combustibles fossiles sont brûlés et génèrent des émissions, les autres finissent souvent dans des décharges et deviennent intraçables. Moins de 9% des matériaux utilisés dans notre économie sont recyclés – la plupart via le traitement de l’eau ou la transformation des déchets organiques pour des applications agricoles. Notre économie gaspille donc énormément et la situation est devenue insoutenable. Nous pouvons et devons faire mieux – cet état de fait représente une opportunité financière à saisir et non un fardeau à assumer.
L’exemple des déchets électroniques est éloquent à cet égard : chaque année, les habitants de la planète jettent environ 50 millions de tonnes d’appareils électriques et électroniques, soit l’équivalent du poids de 19 tours Eiffel par jour. Or, contrairement au fer utilisé pour la construction de la tour Eiffel, le contenu des déchets électroniques est aussi varié que précieux, avec plus de 60 éléments différents : des métaux de base comme le cuivre et l’étain, des métaux précieux comme l’or, l’argent et le palladium, ou encore des métaux ayant des applications technologiques, comme le cobalt et l’indium.
Les déchets électroniques représentent donc une ressource beaucoup plus riche que n’importe quel gisement naturel. Une tonne de déchets électroniques contient en moyenne 17 fois plus d’or qu’une tonne type de minerai d’or extrait ; la valeur totale de tous les matériaux contenus dans ces flux de déchets est estimée à 63 milliards de dollars par an. En outre, dans l’UE, le stock de produits électriques et électroniques dans les ménages, les entreprises et les espaces publics atteint jusqu’à 250 kg par personne – avec en sus 17 kg de batteries. Les déchets électroniques sont donc amenés à se développer.
Les arguments sociaux et environnementaux en faveur de l’exploitation des mines urbaines sont tout aussi remarquables. En moyenne, le recyclage peut être entre deux et dix fois plus économe en énergie que la fonte des matières premières extraites – le recyclage de l’or émet 80% de dioxyde de carbone en moins que l’extraction de nouveau minerai. De plus, le recyclage permet d’éviter l’accumulation de déchets dangereux dans les décharges, dont 70% sont des déchets électroniques, alors que ces derniers ne représentent que 2% du total des déchets solides.
Enfin, la demande de métaux recyclés augmente. Le recours aux matières premières recyclées réduit l’empreinte environnementale d’un produit, qui tient compte du respect de l’environnement par les fournisseurs du fabricant. Point tout aussi important, les matériaux recyclés ne posent pas de problème d’approvisionnement – à la différence des minéraux de guerre comme l’étain, le tantale, le tungstène et l’or, ou encore le cobalt (un matériau essentiel à la fabrication des batteries de véhicules électriques). En outre, au vu de la volatilité et de l’effritement du cours des matières premières au siècle dernier, le recyclage offre une source d’approvisionnement stable et captif.
Les problèmes d’approvisionnement ont déjà conduit l’UE à identifier 27 matières premières critiques (dont le cobalt) d’une importance économique majeure, mais dont la stabilité de l’approvisionnement peut être compromise. Le recyclage offre une solution évidente, en fournissant une source de matières premières qui ne suscite aucune controverse sociale ou environnementale. Certains secteurs prennent déjà des mesures audacieuses. Ainsi, les acteurs produisant des véhicules électriques, conscients de la nécessité de recycler ces précieuses batteries, investissent dans des opérations de recyclage à grande échelle. Après ce coup de pouce initial, d’autres suivront l’exemple.
Pour l’instant, la collecte, le démontage et la récupération des matières premières représentent toujours une charge financière pour ceux qui recyclent. Tout ce qui brille n’est pas or et toutes les matières contenues dans les déchets électroniques ne peuvent pas être extraites de manière rentable. Mais, avec l’augmentation du prix du carbone, les économies d’échelle de plus en plus importantes et l’amélioration des technologies, la balance penchera progressivement en faveur du recyclage.
1 L'estimation de 97 gigatonnes est une estimation de 2019 de LOIM, projetée à partir des données jusqu'en 2017 de Global Resources Outlook 2019 et MaterialFlows.net.
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