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Comment l’IA peut-elle accélérer la décarbonation des entreprises ?
Article publié dans Le déCLIC® responsable en partenariat avec le Figaro le 9 octobre 2023
Les entreprises sont en mesure d’accélérer leur transition énergétique et de respecter la réglementation grâce à des algorithmes désormais capables de digérer et d’optimiser les données les concernant.
Depuis juillet 2022, les structures de plus de 500 employés ont l’obligation de réaliser un bilan d’émission de gaz à effet de serre (BEGES) tous les quatre ans. Celles de plus de 250 salariés suivront en 2025 et à terme, même les PME seront concernées. Ce bilan carbone s’appuie en grande partie sur l’exploitation de renseignements qu’elles ont déjà dans leurs tiroirs, comme les factures, mais elles doivent aller plus loin en interrogeant leurs fournisseurs, clients et employés notamment. Le nombre de données à traiter – certaines d’entre elles n’étant parfois pas numérisées – augmente et pose de sérieux défis aux entreprises. Dans ce contexte, le recours à l’intelligence artificielle peut simplifier et accélérer l’opération et même appuyer leur stratégie de décarbonation à long terme.
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Mais cela nécessite une phase de collecte d’informations, étape indispensable pour entraîner les algorithmes de machine learning d’intelligence artificielle. « C’est le premier kilomètre d’un marathon, reste à déterminer la trajectoire », estime Gwendal Bihan, cofondateur et P-DG d’Axionable, cabinet de conseil en management et en technologie créé en 2016. « Pour que l’IA soit utile, il faut qu’un gros travail de recueil des données ait été effectué en amont. Seuls les plus grands groupes, qui disposent de quelques années de recul sur leur bilan carbone, peuvent mener des actions sophistiquées. » Pourtant, le temps presse.
L’Accord de Paris, signé par la France et l’Union européenne en 2016, vise à contenir la hausse des températures sous la barre des +2 °C à l’échelle planétaire et idéalement à ne pas dépasser +1,5 °C. Il impose des changements radicaux : une réduction de l’empreinte carbone de 40 % d’ici 2030, par rapport aux émissions de 1990, pour parvenir à un monde neutre en carbone d’ici 2050 (objectif établi par la stratégie nationale bas-carbone du ministère de la Transition écologique). Autant dire demain, à l’échelle d’une entreprise.
Découvrez l'interview d'Antoine Rostand, Président et co-fondateur de Kayrros :
Prédire, prévenir, guérir
Pour courir ce marathon dans les meilleures conditions, petites et grandes entreprises ont donc recours à des outils de méthodologie spécifiques, simples et de plus en plus accessibles. Ces dispositifs, qui coûtent quelques centaines ou milliers d’euros par an, automatisent la mesure de l’empreinte carbone (Traace, Sweep, Carbometrix, Sami, Greenly, …), mais sans IA.
Pour Axionable, cette dernière est pourtant le meilleur moyen de dessiner une trajectoire stratégique : prédire, prévenir et guérir pour anticiper les évolutions réglementaires et climatiques à venir. Le cabinet, qui se targue d’une croissance annuelle de 10 %, allie l’analyse au recueil de datas d’organisations privées et publiques aux tailles plutôt considérables (groupes industriels, acteurs du nucléaire et de l’énergie en général, fonds d’investissement, assureurs, médias…).
Axionable les prépare à un monde qui va changer : températures en hausse, mégafeux, vagues de chaleur et de sécheresse… « Nous travaillons beaucoup sur l’horizon 2030-2050 pour aider les organisations à s’adapter, à changer leur outil industriel, leur mode de fonctionnement, leurs fournisseurs, leurs sites de production éventuellement », détaille Gwendal Bihan. S’ajoute à cela une préoccupation croissante chez les investisseurs et financiers, qui veulent miser sur des entreprises plus vertes et exigent de leur part des engagements forts.
Peser sur les politiques publiques
« L’IA permet de faire des choses qui étaient impossibles avant (…) », confirme Jacques Sainte-Marie, chercheur à Sorbonne Université et à l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) – dont il est le directeur scientifique adjoint –, où il est chargé des questions liant numérique et environnement. Et de rappeler que « sans le numérique, il n’y aurait pas de rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies, NDLR) ».
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Aujourd’hui, des millions de données sont disponibles (images satellites, capteurs de température, d’hygrométrie, concentration de l’atmosphère en gaz à effet de serre, etc.), si riches et tellement nombreuses que leur traitement dépasse désormais les capacités du cerveau humain. Mais pas celles de l’IA. « Les ordinateurs sont entraînés pour faire le tri dans ce déluge d’informations, extraire les éléments pertinents », explique Philippe Ciais, chercheur au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), plus précisément au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Des scénarios affinés pour les années et dizaines d’années à venir peuvent alors être élaborés, des hypothèses testées et des actions à mener décidées.
Analyser les images satellites
Ces modélisations climatiques et ces projections fournissent des données fiables qui éclairent les décideurs pour la mise en place de politiques publiques de décarbonation, comme les recommandations du GIEC, par exemple. Celles-ci sont en partie tirées des technologies de surveillance et de détection géospatiale d’acteurs privés, dont la société Kayrros. Leader mondial dans son secteur, cette entreprise française a été classée par le Time Magazine comme l’une des 100 entreprises les plus influentes au monde en 2023.
Grâce à elle, les fuites de méthane, au pouvoir 80 à 100 fois plus réchauffant que le CO2, sont pour la première fois détectables… depuis l’espace. Ses algorithmes analysent les images des satellites du programme européen Copernicus et d’autres sources d’informations disponibles sur le marché, notamment les rapports d’activité des entreprises ou des renseignements obtenus sur les réseaux sociaux. Ils évaluent les émissions de gaz à effet de serre, la taille des forêts et des arbres, leur capacité de stockage de CO2, les superficies déforestées, suivent les moyens de transport, calculent les dépenses en énergie, mesurent l’activité économique… Ils ont déjà permis à l’Australie de réduire significativement les émissions de méthane de ses mines de charbon et aux États-Unis d’envoyer des amendes aux opérateurs négligents. Une plateforme spécifique a en outre été conçue, Methane Watch, pour surveiller les fuites de gaz. Kayrros compte une centaine de clients à travers le monde, des acteurs privés de très grande taille ou des organisations gouvernementales et internationales.
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D’ici environ deux ans, grâce aux satellites de nouvelle génération dans lesquels investit l’Union européenne, une précision de l’ordre du mètre devrait être possible. Les départs de feu pourraient alors être visibles dès les premières flammes, le moindre arbre sera comptabilisé et les relevés seront plus complets. Mais pour changer la donne, « il manque encore un vrai leadership politique, une gouvernance climatique au niveau mondial, une véritable prise de conscience, des systèmes d’ajustement aux frontières et il faut interdire l’importation de l’énergie non contrôlée, par exemple, déplore Antoine Rostand, fondateur et président de Kayrros. Pour l’instant, notre trajectoire CO2 et méthane n’a pas bougé. On constate une inefficacité collective totale ». Selon Philippe Ciais également, l’IA n’est pas la solution miracle. « Elle va nous aider à trouver des solutions pour lutter contre le changement climatique, mais elle ne va pas réduire pour nous les émissions, résume le chercheur, également membre de l’Académie des sciences. À la fin, ce sont les politiques qui décident. »
La facture environnementale de l’IA
En France, le numérique génère plus de gaz à effet de serre que l’aérien : 2,5 % contre 1,5 % des émissions totales. Une empreinte carbone qui pourrait tripler d’ici 2050 si la courbe actuelle persiste1.
L’IA a besoin de processeurs, de supercalculateurs et de serveurs extrêmement puissants pour entraîner les algorithmes et stocker les données, machines elles-mêmes alimentées en électricité pouvant provenir d’énergies fossiles. D’où l’émergence du concept d’IA « frugale » et d’un numérique résilient, «qui prennent en compte conscients de la finitude du monde, espère Jacques Sainte-Marie. Il faut développer un numérique écoresponsable, avec des logiciels moins gros, moins gourmands, avec moins d’obsolescence, avec de la slow tech, des microprocesseurs qui ne soient pas toujours dernier cri, une sélection préalable des données…, car c’est aussi un levier économique !
D’ici quelques années, les grandes gagnantes, les plus compétitives, ce seront ces entreprises, elles seront souveraines ». Le potentiel de l’IA pour faire face aux défis environnementaux est immense, mais seulement si l’humain qui est derrière prend « les bonnes décisions morales et éthiques ».
1 Etude ADEME – Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en 2020, 2030 et 2050 | Arcep
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