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Hydrogène vert : le gouvernement annonce la couleur pour l’industrie française
Article publié dans Le Figaro
Acier sans pollution. Ciment zéro émission. Pour les industries lourdes, l’avenir est vert. Qui en a la clé ? L’hydrogène. Permettant d’éliminer les émissions de CO2 tant au niveau de la production que de la combustion, l’« hydrogène vert » est en passe de devenir l’un des principaux vecteurs du secteur de l’énergie. Mais pour commencer, les coûts manufacturiers doivent baisser.
Regardez la vidéo que nous avons réalisée avec Lhyfe pour découvrir comment cette société produit de l’hydrogène vert à l’aide des énergies éolienne, solaire et hydroélectrique :
Un leader qui monte au front
Emmanuel Macron a des projets ambitieux. Sur les huit prochaines années, la France va dépenser EUR 9 milliards pour encourager les industries lourdes à abandonner les combustibles fossiles au profit de l’hydrogène et, à construire des usines de fabrication d’hydrogène vert dans tout le pays. Le but est de multiplier par mille la production d’hydrogène vert – de près de zéro aujourd’hui à une capacité de production de 6,5 gigawatts d’ici 2030 – afin de répondre à la demande nationale. « Grâce à une électricité décarbonée par le biais du renouvelable et du nucléaire, la France estime pouvoir figurer parmi les leaders de la production d’hydrogène vert », a déclaré l’Elysée à l’automne.
Dans toute l’Europe, des plans semblables (quoique moins ambitieux) ont été mis en place. D’ici 2040, l’Allemagne compte consacrer EUR 9 milliards pour élargir le rôle de l’hydrogène vert dans les industries lourdes et réduire la dépendance au charbon. Bruxelles s’engage également en faveur du gaz : l’hydrogène vert est l’un des piliers centraux du « Pacte vert pour l’Europe » visant à décarboner l’économie européenne.
Subventions et limites physiques
En France, la réussite du projet dépendra de la mesure dans laquelle les industries peuvent être incitées à passer des combustibles fossiles à l’hydrogène vert, ou à entamer le coûteux processus d’adaptation de leurs moyens de production pour pouvoir l’utiliser. L’hydrogène vert est actuellement beaucoup plus cher que son cousin l’hydrogène « gris », qui découle de la même molécule mais qui est produit au moyen d’un processus très polluant, appelé le vaporeformage.
L’hydrogène vert, produit au moyen d’un processus zéro émission reposant sur l’électrolyse de l’eau, coûte actuellement trois à quatre fois plus que l’hydrogène gris. Et selon un rapport publié en juin 2022 par la Commission de régulation de l’énergie, il devrait rester plus cher au moins jusqu’en 2030. Pour que la demande industrielle augmente, les prix devront fortement baisser. En outre, des dépenses publiques seront probablement nécessaires pour couvrir l’écart de coût des deux types d’hydrogène. Et, comme cela avait été le cas pour le développement des énergies renouvelables, des subventions seront requises.
Emmanuel Macron compter tirer parti de la révolution de l’hydrogène pour réindustrialiser la France, en attirant des usines depuis l’étranger et en donnant un coup de fouet à la fabrication sur le territoire national, avec une promesse d’énergie fiable, bon marché et propre.
Une grande partie des subventions servira à étoffer le parc de fabricants d’électrolyseurs dans l’ensemble du pays. La France compte actuellement quatre entreprises dans ce domaine et, témoignant de l’importance stratégique de ce secteur en expansion, de grands groupes ont décidé d’entrer au capital de ces PME. Citons par exemple EDF chez McPhy, Engie chez Elogen (par le biais de sa participation de 30% dans le groupe GTT) ainsi que Schlumberger et Vicat chez Genvia. Le groupe belge John Cockerill prévoit également de construire une usine d’électrolyseurs. Comme l’indique un expert du secteur : « il est peu probable que ces quatre entreprises françaises réussissent toutes, mais une ou deux suffiront ».
L’ampleur de la production prévue créera probablement des défis significatifs en termes d’infrastructure. L’objectif fixé par Emmanuel Macron nécessitera neuf gigawatts de production électrique, soit plusieurs milliers d’éoliennes ou plus de cinq réacteurs nucléaires. Rien que pour le site prévu à Dunkerque, où Arcelor Mittal exploite une aciérie, deux gigawatts d’électrolyseurs seraient nécessaires pour répondre à la demande industrielle.
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Collision entre les producteurs d’électricité et de gaz
Les entreprises nationales seront-elles capables de produire les vastes quantités d’hydrogène vert dont la France a besoin ? Pour répondre à cette question, le nucléaire et le gaz (qui se font concurrence depuis longtemps dans le secteur de l’énergie) ne sont pas sur la même longueur d’ondes.
En période de production significative d’énergies renouvelables, les centrales nucléaires doivent céder la place à l’électricité renouvelable. Si les usines de production d’hydrogène étaient installées non loin des centrales nucléaires, cela pourrait offrir un client fiable à ces dernières en période de faible demande en énergie nucléaire. Le rapport du Conseil mondial de l’énergie sur les importations d’hydrogène au sein de l’Union européenne, publié à l’automne, affirme que « l’électrolyse nucléaire pourrait couvrir 11% de la production nationale d’hydrogène décarboné d’ici 2050, simplement en augmentant le taux de production nucléaire ». En France, compte tenu de la grande envergure du secteur de l’énergie nucléaire, cela pourrait créer une opportunité : selon Emmanuel Macron et son équipe, il est probable que l’Allemagne importe de l’hydrogène français à l’avenir.
Le secteur du gaz, toutefois, souligne que cette approche ne permettra pas de produire suffisamment d’hydrogène pour répondre aux besoins du programme de réindustrialisation du gouvernement. « Si nous nous en tenons aux principes déjà établis, et si nous décidons de construire plus de réacteurs nucléaires afin de produire de l’hydrogène au niveau local, nous passerons à côté de la réindustrialisation », s’inquiète un spécialiste du secteur. « Si nous voulons inciter les usines à revenir en France, nous devons en premier lieu proposer de l’hydrogène vert bon marché et compétitif. Nous devons donc identifier les zones de production les moins chères possible, même si elles sont à l’étranger. »
Les trois défis liés à l’hydrogène
Transport
L’hydrogène doit être compressé avant d’être transporté. Mais, même compressée, la capacité énergétique transportée est inférieure de moitié à celle du méthane transporté dans les gazoducs.
Stockage
Il est prévu de stocker à la fois l’hydrogène importé et celui produit localement dans des caves souterraines. Bien qu’elle soit techniquement faisable, cette stratégie nécessitera d’adapter et de tester les infrastructures à grande échelle. Ces travaux sont actuellement mis en œuvre par les entreprises de stockage françaises Storengy et Terega.
Sécurité
Lorsqu’il est compressé dans des réservoirs, l’hydrogène présente un risque. « C’est la même chose pour tous les transporteurs d’énergie : si l’on tente de mettre le plus gros volume d’énergie possible dans le plus petit espace possible, tout peut exploser », rappelle un expert.
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L’Europe se tourne vers les importations
Les compagnies gazières européennes adaptent actuellement leurs gazoducs dans l’optique de construire une « épine dorsale » du réseau d’hydrogène reliant les pays ensoleillés du Sud, dont l’Espagne et le Maghreb, aux pays industrialisés du Nord. Sébastien Arbola, directeur général adjoint et responsable de l’hydrogène chez Engie, explique : « Nous devrons identifier les sources d’énergie renouvelable à bas coût, où qu’elles soient, pour faire baisser davantage le prix de l’hydrogène vert. Il faudra aller au Maghreb, en Espagne, en Australie ou au Chili, voire au Brésil. Si nous voulons profiter de volumes importants et d’une bonne flexibilité de l’offre en hydrogène vert, nous devrons importer. » Les compagnies gazières pensent que l’hydrogène suivra le même parcours de développement que le gaz naturel. « L’écosystème de l’hydrogène vert sera tout d’abord local, puis national, et enfin international, avec une chaîne d’approvisionnement de plus en plus complexe et soumise aux forces géopolitiques », prévoit Luc Poyer, président de McPhy.
L’Allemagne, où la réindustrialisation n’est pas nécessaire comme en France, se prépare à importer la précieuse molécule à très grande échelle. Le gouvernement allemand a déjà signé un accord d’importation avec le Maroc, qui veut tirer parti de son ensoleillement exceptionnel pour devenir un eldorado de l’hydrogène vert. Siemens Energy a conclu un accord semblable avec l’Égypte.
Les Pays-Bas quant à eux, fidèles à leur histoire économique, prévoient déjà de devenir le principal centre européen des importations d’hydrogène vert – le port de Rotterdam recevra sa première cargaison en 2025. Ces décisions inquiètent les spécialistes du secteur en France. Selon l’un d’entre eux, « Si nous n’envoyons pas les bons signaux aux acteurs concernés, dès maintenant, les importations d’hydrogène ne passeront pas par la France et les fabricants ne viendront pas s’installer dans le pays ».
L’hydrogène vert est de plus en plus considéré comme l’avenir de l’industrie européenne. Pour Emmanuel Macron, il n’y a pas de temps à perdre pour tirer parti de cette immense opportunité.
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