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Cinq pistes pour gagner du temps vers la neutralité carbone et se préparer à des émissions négatives nettes
Cette analogie est sur toutes les lèvres1: le compte à rebours vers le point de non-retour s’est enclenché.
Nous le savons tous : la sévérité du changement climatique futur est liée à la quantité de CO2 que nous rejetons dans l’atmosphère. On peut comparer ce processus à une baignoire dont le robinet fuit : inévitablement, la baignoire va lentement se remplir, à moins que la fuite ne soit réparée. Si le robinet continue de fuir, ou fuit encore plus, la baignoire finira par déborder. Et le moment où elle débordera peut être comparé à un déclencheur environnemental : c’est le moment où tant de CO2 aura été rejeté dans l’atmosphère que le changement climatique deviendra irréversible et risquera de détruire notre environnement par la même occasion. De toute évidence, ce modèle n’est plus soutenable.
Atteindre la neutralité carbone, c’est réussir à fermer entièrement notre robinet de carbone. Pour encore avoir une chance de limiter et, à terme, d’inverser l’élévation des températures mondiales, la neutralité carbone doit impérativement être l’une de nos priorités majeures au XXIe siècle.
Mais suffit-il de fermer le robinet pour atteindre la neutralité carbone ?
L’autre facteur
Si le débit d’eau du robinet influence la vitesse à laquelle le niveau d’eau monte dans la baignoire, d’autres facteurs jouent un rôle. Pour commencer, les baignoires sont souvent équipées d’un drain — plus le drainage est rapide, plus le remplissage prend du temps.
De manière similaire, même si nous continuons d’émettre du CO2 dans l’atmosphère, les puits de carbone de la Terre, à savoir nos forêts, terres et océans, drainent naturellement du CO2. L’importance de ces puits de carbone ne doit pas être sous-estimée. Sans eux, le CO2 que nous avons déjà émis aurait probablement déjà induit un changement climatique cataclysmique irréversible.
Mais la bonne nouvelle est que le taux de drainage du CO2 peut évoluer. Nous pouvons accroître la capacité des puits de carbone naturels existants, mais aussi concevoir de nouvelles manières d’éliminer du CO2 de l’atmosphère artificiellement. Alors que nous nous efforçons de réparer les fuites de notre robinet de carbone, il sera crucial de mettre le curseur sur la préservation, le renforcement et la création des puits de carbone, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, atteindre la neutralité carbone est un processus de longue haleine. Qui plus est, dans des secteurs difficiles à décarboniser et d’autres domaines, la voie à suivre pour y parvenir reste une énigme. Donc en plus de l’innovation et la bonne volonté, l’autre ressource nécessaire pour atteindre la neutralité carbone est le temps. Investir dans des puits de carbone nous donne ainsi plus de temps pour fermer notre robinet de carbone avant le point de non-retour.
Deuxièmement, si le niveau d’eau cesse de monter lorsque l’on ferme le robinet, il ne baisse pas non plus – à moins d’enlever le bouchon de la baignoire pour laisser l’eau s’écouler. Quand nous aurons atteint la neutralité en termes d’émissions, nous devrons en quelque sorte enlever le bouchon du CO2 présent dans l’atmosphère pour annuler les effets du changement climatique. Plus nous investissons dès maintenant dans nos puits de carbone, mieux nous serons placés pour parvenir aux émissions nettes négatives nécessaires pour décarboniser l’atmosphère.
Cinq puits de carbone qui pourraient nous aider à devenir neutres en carbone et à favoriser une inversion du changement climatique
1. Protéger et régénérer nos forêts
La photosynthèse élimine de gros volumes de CO2 de l’atmosphère. Nos forêts sont donc l’un de nos puits de carbone les plus importants. En réduisant la déforestation et en augmentant le boisement et le reboisement, on pourra ainsi renforcer la capacité de ce système de drainage du CO2.
Pour les investisseurs, il s’agira de privilégier les entreprises qui contribuent moins à la déforestation lorsqu’elles fabriquent leurs produits ou, si ce n’est pas possible, s’engagent à remplacer les arbres qu’elles consomment, voire à en planter plus.
On peut aussi soutenir nos forêts de manière indirecte, par exemple en soutenant des innovations permettant de produire plus d’aliments sur une surface de terre moindre : cela améliore l’efficacité de l’agriculture tout en permettant de reboiser les sols libérés sans nuire à la productivité.
2. Accélérer les cycles de carbone des océans
Nos océans ne sont pas uniquement un puits de carbone géant : ils éliminent du CO2 de l’atmosphère de diverses manières qui offrent des leviers pour multiplier la capacité de drainage des océans.
Comme les forêts, la flore océanique, notamment les algues, extrait une grande quantité de carbone de l’atmosphère grâce à la photosynthèse. Sa culture pourrait renforcer le drainage de CO2. Quant aux minéraux, ils pourraient être ajoutés à l’océan pour piéger plus de carbone dans le bicarbonate dissous. On pourrait même faire remonter de l’eau riche en nutriments des profondeurs océaniques vers la surface, stimulant la croissance d’algues qui piègeraient le carbone présent dans l’atmosphère.
Si de nombreuses options existent, leurs effets potentiels sur l’environnement et la société doivent être analysés en détail avant leur exploitation à grande échelle. Comme ces méthodes ont peu de chance de percer dans une économie de marché, les gouvernements devront aussi être plus enclins à financer de tels puits de carbone, pour l’intérêt public, et à soutenir ces méthodes pour qu’elles soient commercialement viables.
3. Restituer le carbone aux terres agricoles
Depuis des milliers d’années, le carbone qui est naturellement piégé dans le sol a directement favorisé l’agriculture : plus une terre est riche en carbone, plus le rendement des cultures a tendance à être élevé. Mais la croissance démographique a obligé les agriculteurs à intensifier leurs cultures pour répondre à la demande. Par voie de conséquence, une grande quantité de CO2 a été extraite des terres agricoles, mettant en péril le niveau des rendements.
Des solutions permettant aux terres agricoles de stocker plus de carbone présenteraient donc le triple avantage d’éliminer plus de CO2 de l’atmosphère, de soutenir la production alimentaire et d’aider les agriculteurs, souvent en situation précaire, à être rentables. Les options ne manquent pas : faire pousser des plantes non destinées à être récoltées hors saison pour stocker du CO2 tout au long de l’année, ou encore miser sur de nouvelles espèces à racines profondes qui piègent plus de carbone que les variantes à racines plus superficielles.
Cela pose deux défis de taille. Le premier est de déterminer, parmi les méthodes disponibles, celles qui seront les plus efficaces au fil du temps. Ce problème n’est pas nouveau et est compliqué par le fait que les conditions locales jouent aussi un rôle important. Le deuxième est que l’amélioration des sols ne déclenchera probablement pas, à elle seule, un changement à une échelle suffisante pour que le stockage de CO2 dans les terres agricoles fasse une grande différence. Outre le soutien financier des gouvernements, les investisseurs responsables sont donc appelés à créer des incitations nécessaires pour encourager le secteur à miser sur la carbonisation des sols en privilégiant les entreprises agricoles qui s’engagent à modifier leurs pratiques dans cette optique.
4. Associer la bioénergie au captage et au stockage du carbone
La photosynthèse ne piège pas seulement le carbone dans nos forêts : toute plante constitue en réalité un petit puits de carbone. Comme une grande partie de cette biomasse peut se substituer aux combustibles fossiles pour produire de l’énergie, la développer à cet effet induirait une réduction nette du volume de CO2 dans l’atmosphère, à condition de l’associer au captage et au stockage du carbone. Diverses technologies peuvent déjà piéger le CO2 émanant de la production de bioénergie avant qu’il ne soit émis dans l’atmosphère. Le CO2 peut ensuite être piégé avec des méthodes de stockage minéral ou géologique ou utilisé pour faire des produits, de préférence destinés à être utilisés longtemps, comme le ciment.
L’ennui est que, si on ne le fait pas avec soin, les surfaces nécessaires pour cultiver les plantes adaptées risquent de réduire la capacité de production alimentaire ou de mettre en péril des écosystèmes fragiles. De plus, les technologies de captage du carbone restent onéreuses et n’ont pas été testées à grande échelle. Nous devons donc continuer à investir dans le développement de ces technologies naissantes.
5. Déployer les technologies de captage direct dans l’air
Le moyen le plus direct d’éliminer le CO2 de l’atmosphère serait, en théorie du moins, d’utiliser des technologies de lavage chimique conçues à cette fin.
Mais en pratique, le captage direct dans l’air est très complexe. Ces nouvelles technologies sont encore exorbitantes et requièrent d’énormes quantités d’énergie qui devraient toutefois dégager des émissions de carbone minimes, voire nulles, pour ne pas éliminer les efforts de captage direct dans l’air. Comme ces technologies n’ont pas de débouché évident dans l’économie de marché, les gouvernements devraient accepter de financer leur application à grande échelle pour le bien public afin que le captage direct dans l’air devienne commercialement viable. Or aucun Etat ne fait preuve d’un tel enthousiasme à ce jour.
Et pourtant, la sensibilisation croissante au besoin urgent d’atteindre la neutralité carbone nous incite à un certain optimisme vis-à-vis des technologies de captage direct dans l’air. Reste que cet optimisme, à l’instar des options de drainage de CO2 évoquées, suppose un soutien étatique et des stratégies d’investissement à long terme.
Il est à la fois viable et vital de gagner plus de temps pour atteindre la neutralité carbone avant le point de non-retour crucial, mais aussi de nous positionner en vue de la transition ultérieure vers des émissions nettes négatives en investissant dans les puits de carbone. Nous devons donc décider comment aller de l’avant sérieusement. Parce que le robinet fuit encore. Et le temps presse.
1 Armstrong, A. K., Krasny, M. E. and Schuldt, J. P. (2018) ‘Using Metaphor and Analogy in Climate Change Communication’, in Communicating Climate Change, A Guide for Educators, Cornell University Press, pp. 70–74.
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