perspectives d’investissement
De la pandémie à l'endémie : vivre avec les contaminations, l'inflation et des taux plus élevés
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- Le variant Omicron est hautement contagieux mais moins létal ; il peut ralentir la croissance économique, mais non l’entraver
- De nouveaux médicaments antiviraux viennent renforcer les traitements et les gouvernements adaptent les règles de quarantaine afin d’atténuer les pénuries de main d’œuvre à court terme
- Les marchés de l’emploi se rétablissent et les banques centrales accélèrent la normalisation de leurs politiques ; la semaine dernière, les rendements obligataires ont augmenté
- Nous pensons que l’équilibre des moteurs du marché est positif, soutenant les actifs risqués, tandis que les incertitudes concernant la pandémie et la normalisation des politiques monétaires et fiscales maintiendront une volatilité élevée.
Six semaines après que l'Organisation mondiale de la santé a qualifié Omicron de « variant préoccupant », les données suggèrent qu’il est plus contagieux mais moins susceptible de conduire aux soins intensifs ou de provoquer la mort. Par conséquent, la nouvelle souche peut ralentir mais non entraver la croissance économique, alors que les marchés se concentrent sur une inflation élevée et la fin des achats d'actifs par les banques centrales.
Au niveau mondial, les cas de Covid sont environ trois fois plus nombreux que lors des précédents pics de 2020, ce qui reflète à la fois un rythme de contamination beaucoup plus rapide du variant Omicron et des taux de dépistage plus élevés. Selon l'OMS, les cas quotidiens atteignaient un nouveau pic de 2,6 millions le 6 janvier. Le 22 décembre, une étude de l'Imperial College de Londres a estimé que les patients d'Omicron couraient 45% de risque en moins de finir à l’hôpital que ceux atteints par le Delta.
L'augmentation des taux de transmission est néanmoins une arme à double tranchant. Chaque fois qu'un virus nous contamine, il crée des copies de lui-même qui comportent des erreurs ou des mutations. Le côté positif, c’est qu’Omicron pourrait améliorer l'immunité collective, au risque de générer un nouveau variant. L'expérience de l'Afrique du Sud au cours des dernières semaines est éclairante à cet égard. Alors que 27% seulement du pays est entièrement vacciné et que les contaminations ont atteint un record à la mi-décembre, la mortalité quotidienne est six fois moins élevée qu'il y a un an.
Il ne s'agit pas de minimiser la gravité d'Omicron, car ce variant ne doit pas être considéré comme bénin, a averti l'OMS la semaine dernière. Parmi les cas graves recensés dans le monde, 90% n'étaient pas vaccinés, a indiqué l'organisation basée à Genève. Ainsi l'impact du Covid dépend-il toujours de l'efficacité des traitements existants. Il est trop tôt pour savoir si le variant accélérera la transition d'un virus pandémique vers un virus endémique et s’il sera géré comme une grippe saisonnière.
Plus de traitements
Le mois dernier, l'OMS a porté à neuf le nombre de vaccins anti-Covid, avec un tout récent sérum de fabrication indienne ciblant les populations des pays à faible revenu. En outre, deux nouveaux antiviraux ont récemment été mis sur le marché afin de compléter les traitements existants pour les patients exposés à des formes graves de la maladie.
Les traitements, mis au point par Pfizer et Merck, ont été autorisés au Royaume-Uni et aux États-Unis. L'Agence européenne des médicaments (EMA) a fait savoir qu’ils pourraient être utilisés en urgence pour les adultes à risque qui ne nécessitent pas d'oxygène, et des réserves parviennent déjà aux patients dans certaines régions des États-Unis et du Royaume-Uni. Ces médicaments sont conçus pour compléter les outils de santé publique existants, comme la vaccination, et surtout pour limiter les admissions à l'hôpital. L’agence américaine des médicaments (FDA) a toutefois explicitement déclaré qu’ils ne remplaçaient pas la vaccination.
Au niveau économique, le principal défi posé par Omicron tient désormais bien plus à son caractère hautement contagieux qu’à sa gravité. Le nombre élevé de cas crée d'importantes pénuries de main-d'œuvre. La mise en quarantaine de travailleurs entraîne l'annulation de milliers de vols dans le monde, augmente la pression sur les systèmes sanitaires et provoque des interruptions additionnelles dans les chaînes d'approvisionnement.
Marchés de l’emploi solides
Face à la pénurie de main-d'œuvre, l'approche en matière de mesures sanitaires évolue. La semaine dernière, le gouvernement britannique a demandé au secteur public de se préparer à l'absence d'un quart de son personnel, et certains pays, dont les États-Unis, la France, l'Espagne, l'Irlande et la Grèce, ont tous réduit la durée d’isolement des cas positifs au Covid.
Au-delà des absences de courte durée dues aux cas Covid, les marchés du travail des économies occidentales sont en voie de guérison et devraient retrouver leur niveau d’avant la pandémie. Aux États-Unis, les indicateurs laissent entendre que l'emploi franchira ce seuil cette année déjà, ce qui encourage la Réserve fédérale (Fed) à modifier sa politique monétaire. Aux États-Unis, le nombre total d'emplois et le taux de chômage sont déjà proches de la définition du plein emploi. Le seul indicateur qui s'éloigne des niveaux d’avant la pandémie est le taux de participation, qui reflète l'évolution de la nature des emplois recherchés par les travailleurs. Le phénomène de la « Grande démission », qui a fait couler beaucoup d'encre, semble ne concerner que les collaborateurs occupant des emplois peu qualifiés dans les secteurs des loisirs et de l'hôtellerie, et qui sont en quête d'un emploi mieux rémunéré.
Comment Omicron va-t-il affecter nos perspectives en matière de croissance économique ? Pour les économies occidentales développées, l'impact de ce variant devrait s'avérer transitoire et se concentrer dans les premières semaines ou les premiers mois de 2022. À moins que ne surviennent de nouveaux variants présentant des symptômes plus graves et ne répondant pas aux traitements, il n'y a aucune raison à ce stade de s'attendre à des dommages économiques durables. La gravité de ces dommages est également tempérée par l’efficacité croissante des moyens mis en œuvre par les économies pour faire face aux interruptions, grâce à des outils logistiques ou numériques, ainsi que par leur capacité à s’adapter aux mesures de quarantaine et de dépistage.
À ce stade, il est difficile de quantifier dans quelle mesure l'économie américaine sera affectée par le déclin des programmes de relance jusqu’à présent généreux. Les ambitions de l'administration Biden énoncées dans le plan « Build Back Better » (Reconstruire Mieux) étant menacées, le fléchissement du soutien budgétaire pourrait s’avérer plus important que prévu cette année.
Avec leur politique de « tolérance zéro », les autorités chinoises ont adopté une approche bien différente pour gérer le Covid. Cela rend la croissance de la deuxième économie mondiale plus sensible au nombre de cas, et a généré des confinements de facto. Néanmoins, la région de Xi'an, la plus touchée pour l'instant, n'est pas un centre économique clé et elle n'a pas érodé l'activité au niveau national. En outre, les autorités chinoises ont toujours indiqué qu'elles étaient disposées à assouplir leurs politiques monétaire et budgétaire afin de contrebalancer tout impact négatif. Dans l'ensemble, nos perspectives pour l'économie chinoise, qui tenaient déjà compte des perturbations liées au Covid, restent inchangées, avec une croissance annualisée de 5% pour 2022.
Focus sur la normalisation
La première semaine de l'année a assisté à une accélération du processus de normalisation des taux d'intérêt. Le compte-rendu de la réunion de la Fed en décembre a renforcé les attentes d’une accélération de la réduction de ses achats d'actifs et de trois relèvement de taux directeurs en 2022, à partir de mars. Le même mois, la Banque centrale européenne prévoit de mettre fin à son programme d'achat d'actifs d'urgence, la région ayant connu une inflation annuelle record de 5% en décembre. Le mois dernier, la Banque d'Angleterre a annoncé sa première hausse de taux directeurs post-pandémie, à 0,25%.
Les rendements des obligations souveraines des marchés développés ont augmenté. La semaine dernière, les bons du Trésor américain à dix ans ont enregistré une hausse de 28 points de base (pb), à 1,78%, tandis que les taux réels ont augmenté de 25 pb à -0.76%. Le Bund allemand a également progressé de 25 pb à -0,037%. Les marchés boursiers ont connu une forte rotation vers les titres « valeur », en particulier l'énergie et le secteur financier, alors que les entreprises technologiques ont souffert.
Globalement, l’équilibre des principaux moteurs du marché reste positif, soutenant notre positionnement favorable au risque. Nous restons optimistes, car les bénéfices des entreprises peuvent continuer à augmenter, dans un environnement inflationniste, ce qui devrait soutenir les indices boursiers. En ce qui concerne les marchés obligataires, et conformément à la normalisation de la politique monétaire américaine, nous sous-pondérons les obligations souveraines et de qualité (investment grade) en faveur du crédit asiatique et de la dette chinoise libellée en renminbi.
Notre exposition à l'or demeure inférieure à notre indice de référence stratégique, car la hausse des taux réels mettra le métal précieux sous pression.
L'attention des marchés se concentre désormais sur le resserrement des politiques monétaires par les banques centrales en raison d’une forte activité économique et d’une inflation élevée. En l'absence de feuille de route pour sortir de la pandémie, le risque d'une erreur d’appréciation en matière de politique monétaire ou fiscale indique que les marchés resteront volatils.
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