perspectives d’investissement
La reprise du Royaume-Uni peut-elle offrir une dynamique à long terme ?
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- Le déploiement de la vaccination au Royaume-Uni a accéléré l’expansion économique. La Banque d’Angleterre a révisé à la hausse ses prévisions de PIB pour 2021, de 5% à 7,25%
- La reprise économique du pays est plus rapide que celle de ses voisins et les flux commerciaux s’améliorent
- Les défis liés au Brexit demeurent et les récentes élections mettent en évidence le risque potentiel d’indépendance de l’Ecosse et d’éclatement du Royaume-Uni
- Nous conservons notre surpondération des actions britanniques, qui devraient bénéficier de la reprise conjoncturelle.
Le succès du programme de vaccination et la réouverture de l’économie sont de bon augure pour la reprise post-pandémie au Royaume-Uni. Le pays bénéficie d’un élan qui devra être soutenu face aux défis politiques et économiques à plus long terme qui seront influencés par le Brexit et les relations avec ses principaux partenaires commerciaux.
Le programme de vaccination le plus efficace d’Europe a renversé les perspectives économiques du Royaume-Uni cette année. En 2020, le pays a connu les pires taux de mortalité et de contaminations au Covid-19 en Europe et son économie s’est contractée de près de 10%. Plus de la moitié de la population britannique est désormais vaccinée avec au moins une première dose, dépassant ainsi les 32% de l’Allemagne, les 26% de la France et les 23% de la Suisse.
Quelques semaines après être sorti de son troisième confinement, le Royaume-Uni prévoit de rouvrir complètement son économie en juin. La Banque d’Angleterre (BoE) s’attend désormais à ce que l’économie britannique connaisse une croissance de 7,25% en 2021, avec un taux de chômage atteignant un pic de 5,4%, alors que sa prévision précédente était de près de 8%. Les dépenses des ménages britanniques ont chuté de plus de 10% l’année dernière, laissant environ 200 milliards de livres sterling dans les poches des consommateurs. Si ces dépenses étaient maintenant réalisées, elles créeraient le plus grand boom des dépenses britanniques depuis plus de trois décennies.
En conséquence, la BoE estime que le Royaume-Uni retrouvera cette année les niveaux économiques d’avant la pandémie de la fin 2019. C’est un trimestre plus tôt que les estimations précédentes et une reprise plus rapide que la croissance du PIB prévue pour l’Union européenne, qui est de 4,0% pour 2021. Bien entendu, il convient de rappeler qu’une réouverture économique ne peut offrir qu’une impulsion unique à la croissance. Les données à haute fréquence, qui mesurent une moyenne d’indicateurs comprenant la mobilité, l’activité des entreprises et les données relatives aux exportations et aux importations, montrent que l’économie britannique se redresse plus rapidement que ses voisins de l’UE (voir graphique, page 2).
La révision à la hausse des prévisions de la BoE constitue la première étape de l’ajustement de sa politique monétaire, augmentant la probabilité d’une hausse des coûts d’emprunt d’ici mi-2023, par rapport au niveau historiquement bas actuel de 0,1%. Conformément aux attentes du marché, la BoE a également réduit ses achats d’obligations de 1 milliard de GBP, pour le ramener à 3,4 milliards de GBP par semaine. La banque centrale s’engage toujours à acheter 150 milliards de GBP d’obligations durant l’année 2021, tout en maintenant des taux bas.
Même s’il s’agit de la reprise la plus rapide depuis 1945, intervenant suite au plus grand ralentissement depuis 1709, le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, a souligné que cela représente néanmoins près de deux ans de croissance économique de perdus.
A plus long terme, le Royaume-Uni est confronté à un déficit budgétaire croissant, car les recettes fiscales ont chuté pendant la pandémie, parallèlement à la baisse de la croissance économique, et le gouvernement est intervenu pour soutenir l’économie. En pourcentage du produit intérieur brut (PIB), les emprunts publics britanniques ont atteint 16,5% en 2020, soit le troisième taux le plus élevé parmi les économies avancées, derrière les Etats-Unis et le Canada, selon les prévisions du Fonds monétaire international. L’Office for Budget Responsibility du Royaume-Uni prévoit que le déficit du pays atteindra 355 milliards de GBP pour 2020/21, soit 17% du PIB, « un record en temps de paix » selon ses déclarations du mois de mars.
Commerce post-Brexit
Depuis que les accords commerciaux transitoires ont pris fin le 1er janvier 2021, les flux commerciaux ont ralenti. Les données de février, les dernières disponibles, montrent que le Royaume-Uni a exporté des biens d’une valeur de 11,9 milliards de livres sterling vers l’UE et en a importé pour 16,6 milliards. En comparaison, le Royaume-Uni a exporté des biens d’une valeur de 14,8 milliards de livres sterling en février 2019, avant le Brexit et la période de transition de 2020, et a importé des biens d’une valeur de 23,4 milliards de livres sterling.
Bon nombre des questions liées au Brexit ont été spécifiques ou régionales. Des problèmes subsistent dans des secteurs tels que les exportations de produits laitiers et de poisson, ainsi que des retards dans les échanges entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, qui partage la seule frontière terrestre du pays avec l’UE. Les coûts ou les avantages éventuels de la divergence entre les normes britanniques et européennes après le Brexit n’apparaîtront clairement que lorsque la pandémie sera passée.
Parallèlement, les tensions se poursuivent. Dernières en date, des désaccords concernant l’accès aux zones de pêche entourant Jersey, une dépendance de la Couronne britannique qui se trouve à 22 kilomètres des côtes françaises. La semaine dernière, les gouvernements britannique et français ont tous deux dépêché des navires militaires pour régler un différend concernant l’accès aux droits de pêche. Les frictions, qui ont coïncidé avec les plus grandes élections au Royaume-Uni depuis les élections législatives de décembre 2019, ont explosé en une journée, après une manifestation de bateaux de pêche français.
Résultats du scrutin
Les résultats du référendum sur l’UE d’il y a plus de cinq ans ont relancé le débat politique sur une indépendance plus complète de l’Ecosse ou du Pays de Galles et les discussions sur l’avenir de l’Irlande du Nord.
Lors des élections britanniques de la semaine dernière pour le parlement écossais, l’assemblée galloise, 143 conseils anglais, une série de maires de villes et un membre du Parlement de Westminster, environ 50 millions de personnes étaient habilitées à voter. Le gouvernement conservateur a renforcé sa majorité parlementaire, remportant un siège précédemment détenu par les travaillistes.
Au parlement écossais d’Edimbourg, le Parti national écossais (SNP) a remporté 64 sièges, à un siège de la majorité. Cependant, si l’on inclut les huit sièges des Verts, les partisans de l’indépendance disposent d’une majorité de 15 sièges dans cette chambre qui en compte 129. Alors que le SNP revendique un mandat pour un second référendum sur l’indépendance, les deux parties au débat ont convenu que la pandémie est la priorité pour le moment. Par conséquent, un autre référendum sur l’indépendance ne constitue pas un risque politique immédiat, mais la pression en faveur d’un vote s’intensifiera tout au long de 2022.
Perspectives pour les actifs britanniques
La vigueur de la reprise au Royaume-Uni est le résultat direct du déploiement rapide de la campagne de vaccination. La dynamique identifiée la semaine dernière par les perspectives de la BoE dépend désormais du soutien politique et de la vision d’une économie relancée, reposant sur la reprise des relations commerciales avec ses marchés les plus proches et le reste du monde. A moyen et long termes, le risque qui pèse sur la dynamique économique inclut la menace d’un bouleversement politique encore plus profond.
Les risques politiques se répercuteront sur les marchés des devises, toute instabilité se traduisant par une faiblesse de la livre sterling par rapport au dollar et à l’euro. Compte tenu de son marché boursier axé sur les titres « valeur », nous privilégions les actions britanniques, qui devraient bénéficier de l’amélioration des échanges commerciaux mondiaux et du fait que les secteurs tels que les banques et l’énergie rattrapent leur retard par rapport au rebond conjoncturel.
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