perspectives d’investissement
La promesse prématurée d'un Big Bang de l'hydrogène
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- L'hydrogène propre constitue une partie de la solution pour une transition énergétique durable, avec une demande qui devrait se multiplier par huit d'ici 2050
- Issu de ressources « propres » ou « polluantes », l'hydrogène n'est pas une source d'énergie comme le solaire, l'éolien ou le pétrole, mais un vecteur énergétique, comme l'électricité. Des problèmes de production, d'infrastructure, de stockage et de coût subsistent
- Les investissements et les engagements des gouvernements en faveur de l'hydrogène propre sont élevés, en particulier au sein de l'UE, car il offre un espoir pour la décarbonation de l'industrie lourde et de certaines formes de transport
- L'hydrogène vert présente un défi d’investissement incertain mais, à terme, il semble viable grâce aux subventions et aux partenariats avec les entreprises énergétiques existantes.
La transition vers un modèle économique nouveau et propre exige des solutions novatrices pour répondre à nos besoins énergétiques. L'énergie dérivée de l'hydrogène offre une potentielle voie à suivre et la promesse de transformer l’industrie lourde. Pourtant, à court terme, cette technologie reste embryonnaire et coûteuse, et aucun vainqueur ne se profile dans la course pour sa mise en œuvre à large l'échelle.
Créé lors du Big Bang, l'hydrogène représente approximativement trois quarts de la matière de l'univers, dont 9,5% de la masse du corps humain. C'est le combustible que brûlent la plupart des étoiles afin de produire de l'énergie, selon un processus baptisé fusion. Dans cinq milliards d'années, l'étoile la plus proche de la Terre, le soleil, sera à court d'hydrogène.
Incolore, inodore et hautement inflammable, ce produit chimique, le plus léger et le plus simple de tous, n'est malheureusement pas encore disponible à un prix abordable en quantités importantes, via les technologies propres. Ici, sur la planète Terre, nous devons tirer cet élément de l'eau et/ou des combustibles fossiles.
Produit à partir de ressources renouvelables, l'hydrogène présente l'avantage de ne produire aucune émission de CO2 lors de son utilisation. Toutefois, l'hydrogène dit « vert » demeure une source énergétique coûteuse à produire et technique à stocker, tout en présentant des effets secondaires gênants, notamment son explosivité élevée et sa propension à fragiliser certains métaux.
Il y a 350 ans, le scientifique et alchimiste Robert Boyle a observé un dégagement d'hydrogène gazeux lors de la dissolution de fer dans de l’acide chlorhydrique. Près d'un siècle plus tard, le physicien Henry Cavendish a montré qu'en brûlant, ce qu'il appelait « l'air inflammable » produisait de l'eau. Cet élément tire son nom du grec « hydro » et « genes », qui signifient « formation d'eau ».
Les technologies de l'hydrogène n’ont pas encore la capacité de répondre à tous nos besoins en énergie propre, mais elles peuvent déjà contribuer à réduire les émissions de CO2 de l'industrie lourde, à savoir la production de fer, d'acier et de béton, qui représente près de la moitié de la pollution industrielle par le carbone. Il est également utilisé dans la fabrication d'ammoniac pour les engrais et, combiné à l'oxygène liquide, l'hydrogène liquide stocké à -252 degrés centigrades alimente déjà les fusées de la NASA.
Un éventail de modes de production
Le secteur de l'énergie propre attribue un code de couleur aux différentes sources d'hydrogène selon leur mode de production. L'hydrogène vert en est la forme la plus propre, mais aussi la plus onéreuse, car il est produit à partir d'eau par électrolyse en recourant à de l'électricité renouvelable. L'hydrogène brun utilise du charbon, ce qui en fait la forme la plus polluante et la moins chère, tandis que l'hydrogène gris est la forme la plus courante, produite à partir de gaz naturel. L'hydrogène bleu cherche à compenser l'impact environnemental de l'hydrogène gris en stockant sous terre le dioxyde de carbone produit, une procédure baptisée « capture du carbone », et il est envisagé comme une alternative ou un complément à l'hydrogène vert.
L'un des facteurs qui retarde le développement de l'hydrogène vert est son coût. On espère qu'avec les progrès technologiques et une utilisation à plus large échelle, l'hydrogène vert atteindra la parité de coût avec l’hydrogène gris plus polluant. On a déjà vu comment l'énergie solaire est devenue la source d'électricité la moins chère, les progrès réalisés ayant permis de diviser son coût par cinq au cours de la dernière décennie ; l'hydrogène vert pourrait être en bonne position de suivre une évolution similaire.
La question est de savoir à quelle vitesse l'hydrogène deviendra une solution à large échelle. Soutenue par la réglementation et les financements publics, la demande devrait être multipliée par huit au cours des trois prochaines décennies. Cette transition ne sera possible que si les pouvoirs publics investissent dans la construction de la gigantesque infrastructure nécessaire pour concurrencer les combustibles fossiles, notamment en ce qui concerne les réseaux de distribution et les systèmes de transport de l'hydrogène.
La rentabilité de l'hydrogène dépend également de la fixation correcte du prix des émissions de carbone et du montant des subventions publiques, comme l'a déjà démontré l’exemple des industries éolienne et solaire.
Alors que les coûts de production de l'hydrogène vert diminuent, ses défenseurs affirment qu'un point de basculement est inévitable. Selon l'Agence internationale de l'énergie, le prix de la production d'hydrogène à partir de sources d'électricité renouvelables pourrait baisser de 30% durant cette décennie tandis qu’une baisse de 50% le rendrait aussi bon marché que l'hydrogène gris. Cela en fait un outil nécessaire dans la transition vers une économie plus soutenable et inclusive, mais pas une réponse à l’ensemble de nos problèmes énergétiques. Selon la Commission européenne, l'hydrogène propre pourrait répondre à un quart des besoins en énergie de la planète d'ici 2050, soit dix fois plus qu'aujourd'hui, ajoutant aux ventes d’énergie quelque 630 milliards d'euros par an.
L'Union européenne se profile comme le leader incontesté de l'hydrogène propre, avec plus de projets renouvelables – annoncés ou déjà en cours – qu'ailleurs. L'UE s'est engagée à réduire ses émissions de CO2 de plus de moitié d’ici 2030 et la Commission européenne estime que les investissements consentis dans l'hydrogène, qui pourraient atteindre 470 milliards d'euros au cours des trois prochaines décennies, pourraient générer jusqu'à cinq millions d'emplois.
L’entreprise espagnole de services publics Iberdrola a prévu d’investir 150 millions d'euros dans un projet d'hydrogène vert à Puertollano, en Espagne. Il permettra de créer la plus grande usine d'hydrogène vert d'Europe, dans le but de décarboner le processus très polluant de fabrication des engrais. Néanmoins, sa montée en puissance à l'échelle industrielle nécessitera un soutien public de quelque deux milliards d'euros d’investissements d’ici à 2027.
La Chine est un rival potentiel, avec de nombreux projets d'hydrogène, comme des solutions en matière de transport ou des applications industrielles dans la sidérurgie et la production d'électricité notamment. L'Amérique du Nord compte 19 projets, soit moins de 10% des projets d'hydrogène dans le monde. Aux États-Unis, l'administration Biden s'est engagée à produire de l'hydrogène vert à moindre coût que l'hydrogène gris à partir de gaz de schiste. Et la société SGH2 est en train de construire, à Lancaster en Californie, une installation promise à devenir la plus importante au monde.
Des investissements en phase de démarrage
Les investissements dans les technologies de l'hydrogène se sont avérés volatils. Si l'année dernière, certains fabricants de piles à combustible et d'électrolyseurs ont enregistré une forte hausse du cours de leurs actions, les prix ont depuis baissé dans le cadre de la rotation en faveur des valeurs cycliques. Nombre d'entre eux n'ont pas encore réalisé de bénéfices. Les partenariats avec les fournisseurs d'énergie existants devraient procurer des modèles commerciaux plus robustes.
Les grandes compagnies pétrolières ont reconnu que l'hydrogène leur offrait l’opportunité de rendre leurs modèles d’affaires plus soutenables. L'hydrogène gris offre également aux combustibles fossiles un avenir qui n'existe pas avec d'autres sources d'énergie durables. L'utilisation du gaz naturel dans la production d'hydrogène pour les voitures de tourisme, par exemple, permet déjà de réduire les émissions de CO2 de 30% par rapport aux véhicules diesel.
À l'échelle mondiale, une transition réussie vers l'énergie durable et un changement fondamental en matière d'approvisionnement énergétique dépendent de diverses sources alternatives, dont l'hydrogène. Compte tenu de la nécessité de construire des infrastructures d'énergie durable pour compenser l'irrégularité naturelle de l'approvisionnement en énergie éolienne et solaire, l'hydrogène doit faire partie de la solution pour garantir nos besoins énergétiques. Etant donné que les technologies n'en sont encore qu'à leurs débuts et qu’une écrasante majorité de la production provient des combustibles fossiles, nous pensons que l'hydrogène n'est pas encore parvenu à maturité.
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