perspectives d’investissement
Où est la limite : le plan de relance américain peut-il déclencher l’inflation?
Lombard Odier Private Bank
Points clés
- A court terme, l’économie américaine devrait connaître une hausse temporaire de l’inflation, à mesure que les prix, dont ceux des matières premières, se redressent par rapport à l’année dernière
- Il semble peu probable que la Fed y réponde par un resserrement de sa politique monétaire
- Les craintes d'une inflation aux effets dommageables semblent prématurées en 2021. Les perspectives d’inflation resteront faibles tant que les capacités excédentaires persisteront
- La Fed devrait parvenir à orienter les attentes du marché obligataire tandis que les actions offrent un refuge partiel contre l'inflation.
Un an après les premiers décès dus à la pandémie de Covid-19 aux Etats-Unis, les marchés s’interrogent sur le montant des dépenses monétaires et budgétaires susceptibles de relancer l'inflation. Le plan de l'administration Biden visant à injecter 1’900 milliards de dollars supplémentaires dans l'économie américaine et les programmes de vaccination suffiront-ils à déclencher à la fois une reprise conjoncturelle et la réémergence de l'inflation ?
Autrefois, l'inflation était prédictible. Trop d'argent pour trop peu de biens faisait grimper les prix alors que le taux d’emploi élevé et l’augmentation des salaires permettaient aux entreprises de répercuter la hausse des coûts sur les prix. Désormais, l’inflation a presque disparu des économies avancées. Lors de la grande crise financière de 2007-2009, la hausse du taux de chômage n'a pas conduit à une baisse de l'inflation. Ensuite, lorsque le marché de l'emploi s'est amélioré et que le chômage a atteint en 2019 son niveau le plus bas depuis 50 ans aux Etats-Unis, l'inflation n'a pas réussi à augmenter.
En apparence, les ingrédients classiques d'une économie américaine en surchauffe et d'un environnement inflationniste pointent à l'horizon. L’inflation américaine devrait dépasser les 2% au cours du deuxième trimestre cette année à mesure que l’impact de la baisse des prix en 2020 s’estompe. Cet « effet de base » statistique reflète la reprise post-pandémique qui se traduit par un recul du chômage, une augmentation des prix du pétrole et un rétablissement des chaînes d’approvisionnement suite aux perturbations temporaires.
Si une légère inflation peut paraître bienvenue dans le cycle persistant de rendements faibles et de croissance modérée de la dernière décennie ou plus, une surchauffe de l'économie américaine rendrait rapidement la dette des entreprises insoutenable et aurait un impact dévastateur sur les économies émergentes. La plupart des banques centrales ont utilisé les taux d'intérêt afin de maintenir l'inflation autour de 2% par an, offrant ainsi aux économies des coûts d'emprunt à long terme prévisibles.
Les perspectives pour une croissance durable de l'inflation auraient-elles changé ? La réponse est non. Nous estimons que l'inflation demeurera inférieure à 2% aux Etats-Unis, et ce pendant la majeure partie de l'année 2021, malgré de possibles hausses transitoires et économiquement saines, car nécessaires à la reprise.
L'amélioration des chiffres de l'emploi a encore un long chemin à parcourir. Durant la pandémie, l'économie américaine a perdu au moins 4,5 millions d'emplois et devrait en créer plus de 100’000 par mois rien que pour suivre le rythme de la croissance démographique. En outre, à mesure que les effets de la pandémie s'atténueront, que les économies rouvriront et que le commerce mondial s'accélérera, les problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement devraient s'atténuer, stabilisant les pressions sur les prix.
Les défis du marché de l’emploi
Le 10 février, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré qu'il faudra peut-être « de nombreuses années » avant que les dégâts occasionnés par le niveau élevé persistant du chômage ne soient derrière nous. Le chômage pandémique affectant de manière disproportionnée les jeunes, les minorités ethniques et les femmes, les conséquences pourraient en être durables. M. Powell a suggéré que la Fed tienne compte des impacts différents sur chaque groupe démographique, afin de parvenir à une évaluation plus large du nombre de chômeurs.
« Atteindre et maintenir un taux d'emploi maximum nécessitera plus qu'une politique monétaire accommodante », a-t-il déclaré. En outre, M. Powell a relevé que même avant la pandémie, lorsque le chômage était à son plus bas niveau depuis cinq décennies, soit à 3,5%, les signes d'inflation étaient rares. Suite à sa réunion de ce mois, la Fed a laissé sa politique monétaire inchangée, tout en gardant ses options ouvertes. Si les rendements des bons du Trésor devaient augmenter et la courbe des taux s'accentuer, la banque centrale pourrait acheter plus de titres à plus longue échéance, et moins de dette hypothécaire.
Les inquiétudes en matière d'inflation concernent surtout les Etats-Unis. Le taux d'intérêt de la zone euro est demeuré inchangé pendant toute la durée de la pandémie et l'inflation y est négative depuis août 2020. Le procès-verbal publié la semaine dernière par la Banque centrale européenne laisse entendre la détermination de cette dernière à effectuer une distinction claire entre un saut de courte durée dans l'inflation et une augmentation plus durable. « Une hausse temporaire de l'inflation ne doit pas être confondue avec une augmentation persistante », précise ce procès-verbal. L’Allemagne, qui a provisoirement abaissé sa taxe sur la valeur ajoutée le mois dernier, a vu son indice des prix à la consommation augmenter de 1% en janvier par rapport à la même période de l'année précédente, et de 0,8% relativement à décembre 2020.
Prudence monétaire
L'expérience des banques centrales au cours de la dernière décennie les a rendues plus prudentes. La BCE a augmenté ses taux d’intérêt en avril et en juillet 2011 en réponse à un bond de l'inflation, tandis que la crise de la zone euro s'intensifiait. En 2013, la Fed a modifié ses perspectives en matière de taux directeurs, déclenchant le fameux « taper tantrum ». Les marchés ont interprété le ralentissement des achats d'actifs comme un signe de l’imminence d’un relèvement des taux. Ainsi que l'indique le procès-verbal évoqué plus haut, il existe un « risque d’effet de falaise consécutif à un arrêt brutal de leurs mesures de soutien à l'économie. »
Nous pensons qu'une fois l'activité économique revenue à ses niveaux prépandémiques grâce à une production et un emploi plus soutenus, il y aura peu d'impulsion structurelle pour des pressions inflationnistes plus fortes. En effet, nous demeurons dans le même régime de faible inflation qui prévaut depuis la grande crise financière. Certes, nous nous attendons à des poussées inflationnistes, comme en Allemagne en janvier, mais les économies des Etats-Unis et de la zone euro continueront à sous-performer leur potentiel à long terme. Les mêmes facteurs structurels prépandémiques de vieillissement de la population, d’une productivité au ralenti et de chaînes d'approvisionnement mondialisées resteront en place.
Le risque principal serait une réaction excessive de la Fed aux signes d'inflation avec un relèvement rapide des taux d'intérêt. Cependant, d’un point de vue pratique, même ce cas de figure a été écarté par sa nouvelle approche de ciblage de l'inflation sur le moyen terme.
Pour les investisseurs obligataires, la hausse de l'inflation représente toujours un défi et nous sous-pondérons la classe d’actifs, en particulier le segment du crédit de qualité et la dette souveraine. La courbe des taux américains pourrait se redresser davantage que lors des reprises économiques passées, car la « forward guidance » de la Fed permettra de maintenir les taux courts proches de zéro. Dans le même temps, le ciblage de l'inflation sur le moyen terme est susceptible d'alimenter les primes de risques liées à l’inflation pour les échéances à plus long terme. Toutefois, en cas de nécessité, la Fed pourrait éviter une envolée des coûts de financement et une chute du marché obligataire en augmentant potentiellement ses achats d'actifs.
Les marchés boursiers restent soutenus par l'environnement actuel et les actions offrent un refuge naturel, bien que partiel, contre l'inflation. Cela devrait rester vrai tant que les hausses de prix n’entament pas les marges des entreprises, ce qui tend à être le cas tant que l'inflation reste inférieure à 3%. Inévitablement, une période de reflation exigera une sélection rigoureuse des entreprises et des secteurs susceptibles de surperformer le marché dans son ensemble.
Où est la limite ?
En fin de compte, l'économie américaine teste la question de la limite en matière de plan de relance. Pour le moment, personne ne sait où elle se situe et, tandis que les propositions de l'administration Biden sont en cours d'approbation, un compromis politique réduira sans doute les chiffres initiaux.
Toutefois, nous pensons que les mesures budgétaires actuelles ressemblent plus à un plan de sauvetage économique qu'à une relance économique traditionnelle, conçue pour stimuler un secteur ou une région particulière en cas de ralentissement de courte durée. Cela signifie que leur impact est inévitablement moins inflationniste et que la politique monétaire adoptera une approche beaucoup plus prudente qu'au lendemain de la grande crise financière.
En tout état de cause, étant donné que la Fed dispose d'une grande marge de manœuvre pour relever ses taux en réponse à tout signal d'inflation persistante, il semble prématuré de s'inquiéter de sa réapparition. Pour 2021 du moins.
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