perspectives d’investissement
Les taux négatifs ne sont pas le principal risque pour la livre sterling
Points clés
- Le recours aux taux négatifs au Royaume-Uni a fait l’objet de spéculations accrues au cours des dernières semaines.
- A notre avis, la barre est placée haut pour un passage du taux directeur de la Banque d’Angleterre en dessous de zéro.
- L’impact d’une telle politique sur le taux de change serait limité et temporaire.
- Comme nous l’évoquions dans notre dernier Point de vue du CIO (Test de résistance de l’exception britannique), nous restons convaincus que le Brexit constitue le principal facteur de l’évolution de la livre sterling.
Au cours des dernières semaines, les spéculations sur un possible abaissement du taux directeur de la Banque d’Angleterre (BoE) en dessous de zéro ont gagné du terrain, plusieurs responsables de l’institution (lire ici et ici) ayant déclaré que la Banque étudiait toutes les options pour limiter l’impact économique de la pandémie.
D’un point de vue fondamental, notre scénario central n’intègre pas un passage imminent aux taux négatifs. D’une part, le taux réel au Royaume-Uni (défini comme la différence entre le taux directeur et la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation) s’inscrit déjà en territoire négatif, ce qui illustre que la politique monétaire est déjà très accommodante. D’autre part, l’activité économique mondiale commencera probablement à se redresser au second semestre de l’année, à moins d’une deuxième déferlante de Covid-19. C’est en tout cas le scénario de base retenu par les responsables de la BoE. De plus, son économiste en chef, Andy Haldane a récemment souligné que la Banque d’Angleterre reste dans une phase de « réexamen » de toutes les options et non dans une phase d’« action », ce qui signifie que le débat sur les taux négatifs reste ouvert et qu’une réponse immédiate est peu probable.
Enfin, de nombreuses interrogations subsistent quant à la transmission d’un tel mouvement à l’économie réelle. Tout d’abord, les taux négatifs pourraient éroder la rentabilité des banques, réduisant leur capacité de prêt. Deuxièmement, les données empiriques indiquent que les récentes baisses de taux d’intérêt ne se sont pas traduites par une diminution sensible des taux d’emprunt, ce qui laisse supposer une répercussion très limitée. Par conséquent, de nouvelles réductions des taux directeurs pourraient ne pas donner le coup de pouce souhaité. Citons à titre d'exemple que les taux d’intérêt des nouvelles hypothèques à taux fixe sur deux ans ont peu évolué depuis mars 2020 (la BoE avait alors réduit le taux de base de 0,75% à 0,10%). Cela s’explique probablement par la hausse brutale des primes de risque perçues : à titre d’illustration, les credit default swaps (CDS) des banques britanniques (une mesure du risque de crédit des banques) sont passés de 20 à 150 points de base (pb), pour ne redescendre depuis qu’à 80 pb (voir graphique 1).
Cela étant, la mise en place d’un taux directeur négatif au cours des prochains trimestres ne peut être exclue. Quelle serait alors la réaction du marché des changes ? Nous pensons que l’impact sur la livre sterling serait négatif, mais limité.
Tout d’abord, le marché intègre déjà une baisse du taux directeur à environ -10 pb d’ici la fin de l’année, ce qui signifie qu’un passage dans le rouge est déjà largement anticipé par les marchés. Ensuite, la saga du Brexit, et non la politique monétaire, a constitué le principal moteur de l’évolution de la monnaie britannique au cours des dernières années (voir graphique 2). Il est vrai que la livre sterling a dévissé lorsque la BoE a réduit les taux de 0,75% à 0,10% en mars. Cependant, les catalyseurs semblent alors avoir été la pandémie (le Royaume-Uni connaissait une forte augmentation des cas confirmés, qui a obligé le gouvernement à imposer un confinement sans précédent), ainsi que l’évolution des marchés monétaires (le dollar américain a été propulsé par la pénurie de liquidités). Depuis lors, nous constatons que la livre sterling pondérée des échanges commerciaux s’est appréciée de plus de 5%, même si le taux directeur de la BoE est resté proche de zéro.
Nous sommes convaincus que l’évolution du dossier du Brexit sera de loin le principal moteur de la livre sterling. Il ne s’agit pas d’une simple dynamique cyclique (comme les fluctuations de taux dues à l’impact de la pandémie) mais d’une question aux implications fondamentales et structurelles. Nous continuons de tabler sur la conclusion d’un accord de base entre le Royaume-Uni et l’Union européenne d’ici à la fin de l’année, une avancée qui devrait soutenir la livre sterling. Toutefois, comme nous l’avions évoqué dans notre dernier FX Monthly, les risques d’un Brexit sans accord (c’est-à-dire le retour aux règles de l’Organisation mondiale du commerce pour les échanges du Royaume-Uni) ont augmenté. Aucun progrès significatif n’a été réalisé dans les négociations, tandis que le Premier ministre Boris Johnson reste opposé à la demande de prolongation de la période de transition (le Royaume-Uni a jusqu’au 1er juillet pour présenter officiellement une telle demande).
Une absence d’accord d’ici la fin de l’année serait désastreuse pour la livre sterling (et augmenterait dans le même temps la probabilité de taux négatifs). Dans un tel scénario, la paire GBP/USD pourrait chuter vers 1,10 ou moins, et l’EUR/GBP converger vers la parité.
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