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    perspectives d’investissement

    Questions et réponses sur les récentes annonces de la BCE

    Questions et réponses sur les récentes annonces de la BCE
    Bill Papadakis - Stratège Macro Senior

    Bill Papadakis

    Stratège Macro Senior
    Claudia von Türk - Analyste recherche actions senior, secteur bancaire

    Claudia von Türk

    Analyste recherche actions senior, secteur bancaire

    Le 12 septembre 2019, la BCE a dévoilé un nouvel ensemble de mesures d’assouplissement en réponse au ralentissement de l’économie de la zone euro. Nous examinons ci-dessous leur impact macroéconomique ainsi que les répercussions potentielles sur la rentabilité du secteur bancaire en Europe.


    Qu’a annoncé la BCE lors de sa réunion du mois de septembre ?

    Conformément aux attentes de marché, la Banque centrale européenne (BCE) a présenté un important train de mesures d’assouplissement monétaire à l’occasion de sa dernière réunion le 12 septembre 2019: baisse de 10 pb du taux des dépôts à -0,50% ; nouveau système de paliers pour les réserves (expliqué en détail ci-après) visant à protéger la rentabilité des banques contre les effets néfastes des taux d’intérêt négatifs ; reprise des achats d’actifs à un rythme mensuel d’EUR 20 milliards pour une durée indéterminée ; conditions plus favorables pour les opérations de refinancement à plus long terme ciblées (Targeted longer-term refinancing operations – TLTRO) avec un taux d’intérêt applicable au financement désormais équivalent au taux des dépôts (contre taux de dépôt + 10 pb précédemment) et une échéance portée à trois ans (au lieu de deux).

    La BCE a également repoussé toute perspective de hausse des taux d’intérêt tant qu’elle n’aura pas constaté une solide convergence de l’inflation à un niveau « suffisamment proche » de 2% et s’est engagée à ne mettre un terme à ses achats d’actifs que peu avant la reprise des relèvements de taux


    Quel est l’impact macroéconomique de ce nouveau train de mesures ?

    Nous pensons que l’impact macroéconomique devrait être limité. Comme nous l’avons exposé par le passé, la politique monétaire utilise généralement le levier de l’abaissement du coût du capital, c’est-à-dire l’assouplissement des conditions d’emprunt, qui soutient à son tour la demande. Cependant, comme le canal du crédit ne montre actuellement aucun signe de contraction (voir graphique), il n’est pas certain que l’économie puisse tirer des avantages significatifs de ces efforts d’assouplissement monétaire de la BCE. En réalité, comme la faiblesse actuelle est en grande partie due à des facteurs externes, le risque est que les mesures employées par la BCE se révèlent inefficaces. De plus, dans de nombreux pays, tels que la France, la demande de prêts est si soutenue que les banques centrales nationales ont mis en place des mesures macroprudentielles comme des augmentations de coussins contracycliques par la constitution de réserves de fonds propres. Cela contraint les banques à détenir davantage de capital en contrepartie des prêts accordés et vise en partie à ralentir la croissance des prêts ; surtout, ces mesures visent à faire en sorte que les banques puissent libérer ce capital supplémentaire en période de ralentissement et continuer de prêter.

    Nous pensons que l’impact macroéconomique devrait être limité.

    La création d’une marge de manœuvre budgétaire par la réduction des coûts de financement des gouvernements est susceptible de générer des avantages plus substantiels. Le président de la BCE, Mario Draghi, a clairement préconisé une politique budgétaire plus active lors de sa conférence de presse, suggérant que cela faisait partie de la réflexion de la BCE. Il n’est pas encore clair si les gouvernements qui disposent d’une capacité budgétaire importante – en particulier l’Allemagne – choisiront d’agir pour stimuler la demande par le biais d’une augmentation des dépenses publiques car l’opposition politique à cette idée reste considérable. Les signes récents d’une réorientation du gouvernement néerlandais vers des mesures de relance budgétaire pourraient cependant constituer un premier pas dans cette direction.


    La BCE a annoncé l’exemption d’une partie des « réserves excédentaires » des taux négatifs. Que sont exactement les réserves excédentaires ?

    Les banques sont tenues de constituer un montant minimum de réserves auprès de la banque centrale. Il s’agit des réserves obligatoires qui représentent habituellement un pourcentage du passif des banques, généralement leurs dépôts. Dans la zone euro, le taux des réserves obligatoires est de 1%. Toutefois, les banques détiennent généralement auprès de la banque centrale un montant de réserves plus élevé que ce minimum requis. Il s’agit des réserves excédentaires ou liquidités excédentaires.

    En Europe, le montant minimum des réserves obligatoires est de EUR 131 milliards, tandis que les réserves excédentaires s’élèvent à EUR 1’770 milliards.

    En Europe, le montant minimum des réserves obligatoires est de EUR 131 milliards, tandis que les réserves excédentaires s’élèvent à EUR 1’770 milliards.

    En Europe, les banques ne paient pas d’intérêts sur les réserves obligatoires. Cependant, elles devaient jusqu’à présent payer des taux négatifs sur les réserves excédentaires. Avec des taux à -40 pb, cela représentait un coût d’EUR 7,1 milliards pour le secteur bancaire.

    Dans d’autres pays où les taux directeurs sont négatifs, comme au Japon ou en Suisse, les banques centrales ont mis en place un système de paliers pour les dépôts en vertu duquel seule une partie des réserves excédentaires se voit appliquer des taux négatifs, le reste étant facturé à 0%. Cette mesure soutient la rentabilité du secteur bancaire.


    Comment fonctionnent les paliers pour les dépôts ?

    Comme mentionné plus haut, les paliers visent à exempter une partie des réserves excédentaires de l’imposition de taux négatifs. Il existe différentes possibilités de mise en œuvre. La BCE a emprunté une voie similaire à celle choisie par la Suisse. Elle calcule les réserves exonérées en appliquant un multiplicateur de 6 aux réserves obligatoires. Si nous appliquons ce calcul à l’ensemble du système bancaire, nous multiplions le montant des réserves obligatoires, soit EUR 131 milliards, par 6. Le montant des réserves exonérées d’intérêts s’élève ainsi à EUR 786 milliards. A l’inverse, les réserves restantes, c’est-à-dire EUR 984 milliards, se voient appliquer le nouveau taux de -50 pb. Le coût pour le secteur bancaire serait ainsi d’EUR 4,94 milliards, soit une économie d’EUR 2,16 milliards.


    Quel impact sur le secteur bancaire ?

    L’objectif principal d’un système de paliers est de permettre de conserver un taux des dépôts négatif pour une période prolongée, voire de le baisser davantage sans nuire au système bancaire, en allégeant la charge liée à la baisse des taux. Etant donné que la BCE a réduit ses taux de 10 pb supplémentaires à -50 pb et indiqué qu’elle s’attendait à ce que les taux restent à leur niveau actuel ou à un niveau inférieur jusqu’à ce que les perspectives d’inflation convergent fortement vers un niveau suffisamment proche de 2%, mais inférieur, les paliers lui permettent de poursuivre sa politique monétaire tout en en atténuant l’impact pour les banques. En effet, l’impact des paliers et de la baisse des taux sur les bénéfices pour l’ensemble du secteur bancaire semble neutre, l’un compensant l’autre, même si certaines banques peuvent être touchées à des degrés variables.


    Y a-t-il eu des surprises ?

    Oui : les banques du cœur de l’Europe ont moins profité et les banques de la périphérie ont bénéficié davantage qu’attendu. Etant donné que les banques en Allemagne, en France et au Benelux détiennent beaucoup plus de réserves excédentaires que celles en Irlande, en Espagne et en Italie, nous nous attendions à ce qu’elles bénéficient de manière disproportionnée de réserves excédentaires. Or, étant donné que la BCE fonde son calcul sur les réserves obligatoires et utilise un très faible multiplicateur de 6 (la Banque nationale suisse, qui a mis en place un système similaire, utilise un multiplicateur de 20), cela limite le montant des réserves exonérées pour les banques du cœur de l’Europe. Dans le même temps, la mesure se révèle plus généreuse que prévu pour les banques périphériques, notamment en Italie, qui détiennent dans certains cas des réserves excédentaires effectives inférieures aux réserves exonérées calculées. Cela signifie que certaines banques périphériques pourraient soit emprunter sur le marché interbancaire afin de placer des fonds supplémentaires auprès de la BCE pour combler cet écart, soit utiliser des fonds TLTRO. Cela constituerait un léger avantage en termes de bénéfices puisque ces banques pourraient emprunter à un taux négatif et placer le produit à 0%.

    Les banques du cœur de l’Europe ont moins profité et les banques de la périphérie ont bénéficié davantage qu’attendu.

    L’extrémité courte de la courbe des taux a réagi en repartant à la hausse, ce qui n’est probablement pas l’effet souhaité par la BCE. Cependant, nous notons que la BCE a le pouvoir d’ajuster à tout moment le multiplicateur et qu’elle pourrait aisément le relever pour éliminer ce problème.

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