perspectives d’investissement
Le dollar et les élections présidentielles américaines de 2020
Le dollar et les élections présidentielles américaines de 2020 : protectionnisme et politiques commerciales en point de mire
- Les élections présidentielles américaines se dérouleront en novembre 2020
- S’il est encore trop tôt pour spéculer sur les résultats, nous nous penchons néanmoins sur les possibles répercussions financières
- Nous considérons que les risques sont orientés vers une baisse du dollar américain dans le cas d’une élection de Donald Trump ou d’Elizabeth Warren. Ce qui pourrait toutefois être complètement inversé en cas de renforcement significatif du protectionnisme et d’une nouvelle escalade des guerres commerciales
- Joe Biden et Michael Bloomberg sont plus susceptibles de revenir aux politiques classiques, permettant au dollar de s’adapter davantage à l’évolution économique relative
II est encore trop tôt pour spéculer sur le résultat des élections américaines de 2020 et les sondages sont rares à ce stade. En outre, l’évolution des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine et la situation de l’économie américaine au premier semestre de l’année prochaine pèseront certainement sur les décisions des électeurs. Dans le présent bulletin, nous proposons une analyse des possibles réactions du dollar aux différentes présidences éventuelles. Pour ce faire, nous utilisons un ensemble d’hypothèses. Premièrement, les candidats actuels les plus probables sont Donald Trump (l’actuel président), Elizabeth Warren, Joe Biden et Michael Bloomberg (qui n’a annoncé sa candidature que récemment pour rejoindre un « groupe déjà bien fourni »). Deuxièmement, au cours du premier semestre de 2020, le dollar corrigera une partie de sa surévaluation, de sorte qu’il est peu probable que les distorsions fondamentales soient le principal facteur d’évolution du dollar à partir de l’automne de l’année prochaine.
Si l’on considère les perspectives de croissance mondiale, qui ont une grande influence sur le dollar américain, le résultat de l’élection présidentielle de 2020 pourrait affecter la trajectoire de la devise américaine à trois niveaux :
- la politique du dollar,
- les politiques commerciales, et
- l’interaction entre la politique budgétaire et la politique monétaire.
Nous allons les examiner successivement.
1. Politique du dollar américain ou « fulminer contre le dollar »
Sur ce point, toutes choses restant par ailleurs égales, nous pensons qu’une présidence de Donald Trump ou d’Elizabeth Warren aurait probablement un impact négatif sur le dollar. Une présidence de Joe Biden (ou de Michael Bloomberg) serait neutre de ce point de vue.
Depuis le début de sa présidence en 2017, Donald Trump n’a pas caché sa préférence pour un taux de change plus faible. Cela n’a pourtant pas eu les effets escomptés, du moins pas depuis la mi-2018. Cela est lié à l’interaction entre les tensions commerciales (et une fuite vers la sécurité) et les mesures de relance budgétaire américaines de fin de cycle (exceptionnalisme américain). L’effet des mesures budgétaires s’estompant, la marge de manœuvre pour une nouvelle expansion budgétaire significative étant limitée (puisque le déficit devrait rester obstinément au-dessus de 5% du PIB dans un avenir prévisible) et le commerce/la croissance mondiale se stabilisant, « fulminer contre le dollar » pourrait maintenant être moins inefficace qu’auparavant.
Une élection d’Elizabeth Warren créerait très probablement un débat houleux sur les changes. Elizabeth Warren a insisté sur la nécessité de « gérer activement la valeur de la devise afin de favoriser les exportations et le secteur manufacturier national ». Elle a également déclaré que « ... nous devrions envisager un certain nombre d’outils et collaborer avec d’autres pays touchés par les distorsions monétaires afin de générer une valeur de la monnaie qui soit meilleure pour nos travailleurs et nos industries ». Ce discours fort illustre son point de vue sur l’utilisation de la monnaie comme instrument de croissance. A cet égard, nous nous attendons à ce que les interventions verbales sur le change rencontrent cette fois-ci moins de résistance sur le marché qu’au cours de la période 2018/19.
Enfin, nous considérons une présidence de Joe Biden ou de Michael Bloomberg comme un retour à la « politique classique ». Alors que les démocrates mettent en garde depuis des années contre les inconvénients de la mondialisation pour les travailleurs américains, il est peu probable que Joe Biden ou Michael Bloomberg interviennent verbalement sur les changes. Jusqu’à présent, Joe Biden a exprimé des opinions plutôt conventionnelles sur les politiques commerciales et, dans certains cas, il s’est distancié de ses collègues démocrates : il a par exemple voté en faveur de l’accord de l’ALENA en 1993. Ses déclarations politiques sont clairement favorables au commerce international – avec quelques remarques « standard » sur la protection des travailleurs américains, la préservation de l’environnement, les normes du travail, les salaires et la promotion de l’innovation. Il s’est abstenu de faire des commentaires sur le taux de change et nous pensons qu’il s’en tiendrait largement à ce scénario s’il était élu. Michael Bloomberg a été un partisan du libre-échange et de l’immigration libre et s’oppose au protectionnisme. Il semble dès lors très improbable qu’il ait recours à une intervention verbale sur les taux de change de quelque nature que ce soit.
2. Politiques commerciales
La politique commerciale dépendra en grande partie de l’état des relations entre la Chine et les Etats-Unis au moment des élections. Donald Trump a été un partisan des tarifs douaniers, mais l’absence de mesures de relance budgétaire supplémentaires pourrait freiner son enthousiasme pour les taxes à l’importation. Si la relation entre une présidence Trump et les politiques commerciales est imprévisible à de nombreux égards, nous n’anticipons un impact majeur sur le dollar que si les tensions commerciales (avec la Chine ou l’Europe) s’aggravent de nouveau. Dans un tel scénario, une récession mondiale pure et simple représenterait un risque important, qui soutiendrait le dollar.
Il est intéressant de noter que l’avis d’Elizabeth Warren sur la politique commerciale n’est pas si éloigné de celui de Donald Trump. En fait, à bien des égards, elle semble plus protectionniste que le président actuel. D’une part, Elizabeth Warren se méfie de la mondialisation et se montre très critique à l’égard de l’inadéquation des normes et réglementations chinoises en matière de droits de l’homme, de liberté religieuse, de droits du travail, etc. Si elle exige de la Chine qu’elle respecte strictement ces réglementations (et bien d’autres) en échange du libre accès au marché américain, les relations sino-américaines pourraient subir de nouvelles tensions. De plus, elle a dit qu’elle ne pensait pas que les accords de libre-échange qui profitent aux entreprises au détriment des travailleurs américains « …sont bons simplement parce qu’ils ouvrent les marchés ». D’autre part, elle a affirmé que les tarifs douaniers ne sont pas une solution à long terme et s’est dite favorable à une politique décisionnelle plus transparente. Néanmoins, nous ne pouvons exclure une nouvelle vague de protectionnisme en cas d’élection d’Elizabeth Warren. Dans l’ensemble, nous pensons que, par rapport à l’administration actuelle, elle participera davantage aux discussions multilatérales et bilatérales. Nous estimons donc que le risque d’une nouvelle escalade significative des tensions commerciales est quelque peu inférieur à celui d’une présidence Trump.
Enfin, nous considérons qu’une élection de Joe Biden ou de Michael Bloomberg permettrait de normaliser les relations sino-américaines, puisque les deux candidats se sont exprimés en faveur du commerce international. Dans un tel scénario, le commerce mondial progresserait probablement davantage. Le dollar se négocierait alors largement sur la base des fondamentaux macroéconomiques relatifs. Dans la mesure où la poursuite de la normalisation des relations commerciales améliore la croissance mondiale et celle des marchés émergents, nous nous attendons à ce que le dollar subisse des pressions.
3. Interaction entre la politique budgétaire et la politique monétaire
Comme nous l’avons exposé, la marge de manœuvre pour un assouplissement supplémentaire de la politique budgétaire semble limitée. Nous pensons qu’en cas de réélection, Donald Trump ressentirait le besoin de compenser l’absence de relance budgétaire par une politique monétaire plus souple. Bien sûr, ceci n’est pas sa décision, mais il sera certainement tenté de nommer des membres conciliants à la Fed (le mandat de Jerome Powell à la présidence du Conseil des gouverneurs prend fin au début de 2022), ce qui entraînerait une évolution baissière du dollar.
Par ailleurs, Elizabeth Warren semble plus respectueuse de la séparation entre les politiques budgétaire et monétaire et de l’indépendance de la Fed. Toutefois, ses fortes convictions sur l’utilisation du taux de change pour protéger les emplois suggèrent qu’elle sera elle aussi tentée de donner un biais accommodant au FOMC. Sur le plan purement budgétaire, la situation est plus compliquée. Elizabeth Warren a préconisé une augmentation de l’impôt sur les grandes sociétés, une augmentation de l’impôt sur la fortune, une assurance-maladie pour tous et un renforcement de la surveillance bancaire. On imagine mal comment toutes ces politiques pourraient être mises en œuvre, surtout dans le scénario le plus probable d’un Congrès divisé associé à un déficit budgétaire déjà important. Mais si elles étaient mises en œuvre, ces mesures engendreraient un type de politique budgétaire fort différent de celui de l’administration Trump. Les marchés pourraient y voir une perturbation de la rentabilité des entreprises et un ralentissement des flux de capitaux vers les Etats-Unis. L’impact immédiat sur l’USD serait négatif, peut-être quelque peu atténué par des taux d’intérêt plus élevés (en raison d’une prime de risque américaine plus élevée) et un mouvement de fuite vers la sécurité.
Une présidence Joe Biden représenterait un retour aux fondamentaux, ciblant probablement la classe moyenne. Les plans budgétaires de Joe Biden semblent moins « à gauche » que ceux d’Elizabeth Warren (ou Bernie Sanders) et ne comportent aucune proposition révolutionnaire en matière d’impôt sur la fortune ou sur les transactions financières. Il s’oppose à « l’assurance-maladie pour tous » bien qu’il ait dit qu’il allait l’étendre. Même si Joe Biden n’a pas clairement exprimé son point de vue sur l’ampleur et la viabilité du déficit budgétaire américain, ses politiques pourraient entraîner une augmentation du déficit au cours des prochaines années – si le Congrès les approuve. Dans l’ensemble, nous ne considérons pas qu’elles soient décisives pour l’USD. Notre opinion est semblable en cas d’élection de Michael Bloomberg. Ce dernier est largement considéré comme un centriste et un conservateur sur le plan budgétaire (il a transformé le déficit d’USD 6 milliards de la ville de New York en un excédent d’USD 3 milliards) et s’est fermement opposé aux mesures de relance budgétaire de l’administration Trump. Bien que nous manquions de détails précis sur ses plans de politique budgétaire, nous pensons que, comme Joe Biden, il représenterait un retour à la normale. En fait, avec ses réussites en tant qu’entrepreneur et maire de New York, Michael Bloomberg pourrait être considéré par les marchés comme un choix judicieux, favorable à la croissance et au dollar.
En résumé, nous estimons que les risques sont orientés vers une baisse de l’USD dans le cas d’une présidence de Donald Trump ou d’Elizabeth Warren. Toutefois, la situation serait complètement bouleversée en cas de renforcement sensible du protectionnisme et d’une nouvelle escalade des guerres commerciales. Joe Biden et Michael Bloomberg sont plus susceptibles de représenter un retour aux politiques classiques, permettant au dollar de s’adapter davantage à l’évolution économique relative.
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