perspectives d’investissement
Brésil : une élection sous tension
Lombard Odier Private Bank
Les électeurs brésiliens se rendront aux urnes le 7 octobre prochain pour le premier tour de la présidentielle, un scrutin surveillé de près par les investisseurs en quête de signes d’amélioration budgétaire. Le vainqueur aura comme priorité la réforme du système des retraites, nécessaire pour limiter la dette publique et qui constitue à notre avis un risque majeur pour le Brésil.
À l’issue d’une campagne électorale tendue et polarisée, les électeurs brésiliens auront le choix entre des candidats de gauche et de droite traditionnels, ainsi qu’un populiste d’extrême-droite, tout cela avec peu de clarté quant au résultat final. Les enquêtes récemment menées contre la corruption, regroupées sous l’appellation de « Lava Jato » (Lavage express), ont impliqué une grande partie de la classe politique, rendant les projections incertaines alors que les électeurs rejettent en masse les choix de vote historiques.
Les investisseurs des marchés émergents prêtent une attention particulière à cette élection car le Brésil représente 9,5% de la dette en devise locale dans un indice de référence tel que le JPM Government Bond EM Broad Diversified. Toute crise de viabilité de la dette du Brésil aurait des répercussions à l'échelle mondiale puisque des prêteurs déjà exposés à d'autres marchés émergents, tels que la Turquie, deviendraient de fait moins disposés à financer davantage de dette brésilienne. Le vote d’octobre pourrait donc bien détenir l’une des clés de l’évolution des marchés émergents au cours des prochains mois.
Un parachutiste, une écologiste et un détenu
Dans ce climat de campagne tendu, l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva a renoncé cette semaine à être candidat. Il purge une peine de 12 ans de prison pour corruption et blanchiment de capitaux liée au scandale Petrobras. Le candidat au poste de vice-président de M. Lula da Silva, Fernando Haddad, se présente désormais à sa place. Cependant, si les sondages du mois d’août plaçaient l’ex-président Lula da Silva en tête des intentions de vote, seuls 9% des électeurs affirment désormais soutenir M. Haddad, ce qui le positionne en cinquième place, selon les sondages publiés par Datafolha1 le 10 septembre. S’ajoute à cela le fait que Fernando Haddad a été mis en accusation dans le cadre des dons effectués lors de la campagne présidentielle de 2012.
La semaine dernière, le candidat passé en tête des sondages à la suite de l’absence de M. Lula da Silva, Jair Bolsonaro, a été poignardé lors d’un rassemblement puis hospitalisé, un événement qui a rendu les intentions de vote encore plus confuses. M. Bolsonaro, ancien parachutiste et candidat d'extrême droite, défend ouvertement l'ex-dictature militaire du Brésil. Bien que membre du congrès depuis deux décennies, Jair Bolsonaro reste une figure marginale et très controversée, dépourvue d’expérience dans l’établissement des alliances politiques nécessaires pour mener à bien un agenda de réformes. Les sondages le placent aujourd’hui en tête avec 24% des intentions de vote mais aucun sondage ne le donne gagnant à l’issue d’un éventuel second tour.
Vient ensuite Ciro Gomes, avec 13% des voix, qui représente le Parti travailliste démocratique (PDT) de centre-gauche. Une autre candidate, Marina Silva, ancienne ministre de l’environnement reconnue internationalement pour sa lutte contre la déforestation illégale, tente ici pour la troisième fois d’accéder à la présidence tandis que Geraldo Alckmin, placé en quatrième position par les sondages et ancien gouverneur de São Paulo, est le seul candidat qui soit jugé favorable aux entreprises. Mme Silva et M. Alckmin sont respectivement crédités d’environ 11% et 10% des voix par les sondages.
Les perspectives électorales devraient devenir encore plus floues ce mois-ci alors que la campagne télévisée débute et que l'influence des médias sociaux, sur lesquels s'appuiera Jair Bolsonaro, reste une inconnue.
Une réforme urgente
Non seulement la visibilité reste faible sur les candidats à la présidence mais l’incertitude règne aussi quant aux changements éventuels que pourrait connaître la composition du Congrès. Il s’agit là d’un point majeur car les réformes du régime des retraites brésilien requièrent un amendement constitutionnel soutenu par une majorité des trois cinquièmes dans chacune des deux chambres du Congrès. Et si cela ne se produit pas, la dette publique continuera d’augmenter, nuisant à la croissance économique et réduisant les dépenses pouvant être consacrées à d’autres mesures.
À première vue, la santé macroéconomique du Brésil peut sembler solide. Sa reprise économique qui débute, son compte courant quasiment à l’équilibre et son inflation proche de ses plus bas des deux dernières décennies ont permis à la banque centrale de réduire de plus de moitié son taux directeur en deux ans, à 6,5%.
Malgré cela, les investisseurs ont puni la devise brésilienne. Le real a chuté de plus de 30% depuis janvier en raison des turbulences générales sur les marchés émergents, de la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis, de la vigueur du dollar, de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et de la forte incertitude liée à l’élection à venir.
En conséquence, la banque centrale du Brésil a mis fin à ses baisses de taux d’intérêt, en dépit d’une inflation inférieure à l’objectif et d’une faible croissance de l’activité. Cependant, les taux risquent de rester inchangés plutôt que d'augmenter, à moins que la baisse du sentiment des investisseurs ne pèse sur les actifs brésiliens, ce qui alimenterait à son tour une inflation supérieure à l’objectif.
Avec un déficit budgétaire équivalent à 7,3% de son produit intérieur brut (PIB), il est urgent pour le Brésil de modifier son régime complexe de retraites. La huitième économie mondiale doit endiguer le déficit de son système de pensions, qui absorbe un tiers de la dépense publique avant intérêts et 9,1% du PIB. Le ratio dette publique/PIB du pays se situe déjà autour de 85% et, sans réformes, il pourrait atteindre 100% d’ici trois ans, selon les prévisions du FMI. Un point positif toutefois : contrairement à l’Argentine et à la Turquie, une grande partie de la dette brésilienne est financée par des capitaux nationaux.
L’administration actuelle, dirigée par le président (non élu) Michel Temer, a mis en œuvre un certain nombre de changements mais elle n’est pas parvenue à réformer les retraites cette année et la grève des chauffeurs de poids lourds a paralysé le pays en mai, contraignant le gouvernement à baisser le prix du carburant sur le territoire. Ces échecs ont accru les menaces sur la reprise économique et sapé la confiance des investisseurs.
Le rendement des obligations d’État brésiliennes à 10 ans a atteint 12,04% le 5 septembre, son plus haut niveau en deux ans. L’écart lié aux credit default swaps, un indicateur de la confiance des investisseurs dans le fait qu'une économie sera capable de rembourser ses dettes, a également fortement augmenté pour se situer à 393,73 points de base.
Quelles conséquences pour l’investissement ?
Le déficit budgétaire du Brésil restera vulnérable à la hausse persistante des taux d’intérêt américains. À moins que le prochain gouvernement brésilien ne réussisse à transformer le régime des retraites et à réduire ainsi le déficit du pays, un real affaibli pourrait provoquer une nouvelle poussée d’inflation et contraindre la banque centrale à adopter une politique de resserrement plus tôt que prévu.
De même que d’autres pays qui dépendent de leurs exportations de matières premières, tels que la Russie et l’Afrique du Sud, le Brésil doit diversifier sa croissance économique sur le long terme. Le vainqueur de l’élection présidentielle du mois prochain devra être à la fois crédible aux yeux des investisseurs et suffisamment habile politiquement pour créer un consensus capable de s’attaquer à la lourde dette du pays. Ce qui constituerait une tâche ardue même en des temps moins difficiles.
1 https://en.wikipedia.org/wiki/Opinion_polling_for_the_Brazilian_general_election,_2018
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