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COP16 – à quoi doivent s’attendre les chefs d’entreprise ?
Article publié dans Forbes le 6 août 2024. Par Amy Nguyen.
Du 21 octobre au 1er novembre, plus de 190 pays se réuniront à l’occasion de la seizième conférence des parties, la COP16, pour la Convention des Nations Unies sur la biodiversité (CBD), afin de mener une action mondiale de protection des ressources naturelles de la planète. Organisée à Cali, en Colombie, l’un des pays les plus riches en biodiversité, la COP16 aura pour thème « La paix avec la nature ».
Lors de la première COP consacrée à la biodiversité depuis l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité à la COP15 en 2022, l’accent portera sur la mise en œuvre et les progrès des Stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (NBSAP). La traduction des principes du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal en actions nationales s’avérera essentielle pour progresser vers l’objectif principal de protéger 30% des zones terrestres et marines d’ici à 2030 et de restaurer efficacement 30% des écosystèmes dégradés.
Parallèlement à cela, les négociations porteront sur la meilleure façon d’investir et de collaborer pour stimuler la mobilisation des ressources et la coopération technique, ainsi que sur la finalisation des mécanismes multilatéraux sur l’accès aux avantages et leur partage juste et équitable.
Tout comme les résultats de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de la COP29, qui débutera peu après en novembre dans l’État pétrolier d’Azerbaïdjan, la COP16 sera un moment crucial pour les décideurs politiques qui aborderont la perte de biodiversité et le changement climatique comme des crises étroitement liées.
Avec le déclin brutal de la nature, les enjeux sont trop importants pour rester inactifs. En 2019, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a signalé qu’environ 1 million d’espèces animales et végétales sont désormais menacées d’extinction.
Les impacts sur l’économie mondiale et la société, sur la santé et la sécurité alimentaire se font chaque jour plus perceptibles. Une étude menée par l’Union internationale pour la conservation de la nature a révélé que l’activité humaine en matière de production alimentaire, d’infrastructures, d’énergie et d’exploitation minière est responsable de 79% de l’impact sur les espèces menacées.
Construire sur les bases de la COP15
Les résultats de la COP15 et la signature de l’Accord de Kunming-Montréal ont été salués comme essentiels pour mettre la nature et la biodiversité à l’ordre du jour mondial des entreprises et des institutions financières.
Ces deux dernières années, le paysage a rapidement évolué dans certaines régions du monde. En tant que CEO de Natcap, Sebastian Leape travaille en marge des programmes des entreprises pour la nature et la biodiversité. Il observe le changement comme une histoire en trois parties. Europe, Japon et partout ailleurs. « En Europe, grâce à la directive sur l’information en matière de développement durable des entreprises (CSRD), des milliers d’entreprises commencent désormais à mesurer et à rendre compte de la biodiversité, de l’eau et de la pollution. Pendant ce temps, au Japon, les entreprises inscrites comme premières utilisatrices du groupe de travail sur la divulgation financière liée à la nature (TNFD) sont plus nombreuses que partout ailleurs. Mais dans le reste du monde, les progrès restent sporadiques. »
Les notions antérieures d’accès limité aux données se dissolvent à mesure que les solutions prennent de l’ampleur. « Historiquement, il existait un mythe selon lequel nous manquions de données pour mesurer la nature, car elle est spécifique à un lieu, avec des mesures multiples, et techniquement plus compliquée que le climat. C’était une priorité à la COP15. Mais le débat a évolué, car de plus en plus d’entreprises publient des informations liées à la nature, et les données sont disponibles aujourd’hui. Aujourd’hui, le véritable fossé ce sont les connaissances sur la nature pour aligner ces données sur des cadres tels que le TNFD, les interpréter pour votre entreprise et prendre des mesures », explique Sebastian Leape.
En effet, avec l’accès à une plateforme de connaissances sur la nature comme Natcap, qui a récemment recueilli 10 millions de dollars lors d’une levée de fonds de série A, les entreprises peuvent mesurer et agir sur les impacts, les interactions, les risques et les opportunités de la nature avec des données scientifiques qui étaient auparavant difficiles à obtenir.
Eva Zabey, directrice exécutive de la coalition mondiale Business For Nature, raconte comment la nature s’est clairement imposée dans l’agenda des entreprises : « Depuis la COP15, l’engagement des entreprises et du milieu financier a donné confiance aux décideurs politiques. Dans l’UE, la CSRD est un exemple concret de la manière dont les entreprises évoquent la nature et la biodiversité aux conseils d’administration. « C’est devenu plus tangible, plus reconnu et nous avons constaté un recrutement plus important de fonctions spécifiques à la nature et à la biodiversité dans les entreprises. »
Autre indicateur de progrès auquel Eva Zabey fait référence, le souhait des entreprises de s’inscrire dans une dynamique plus large. Elle cite la déclaration de Business For Nature signée par 130 entreprises réalisant plus de 1100 milliards de dollars de chiffre d’affaires, publiée avant la COP16, appelant les gouvernements à intensifier leur action.
Les niveaux de transparence augmentent également. Des entreprises de différents secteurs et de différentes tailles partagent désormais leurs stratégies en matière de nature, portées par la campagne Its Now For Nature. Cela inclut des sociétés comme Decathlon, GSK et les Groupe Kering.
Les priorités des entreprises à la COP16
Les décideurs d’entreprise devraient avoir à l’esprit la mise en œuvre, l’engagement auprès des décideurs politiques, un leadership crédible et ambitieux, la mobilisation financière et la collaboration avec tous les groupes de parties prenantes.
Les conseils stratégiques que Eva Zabey dispense aux équipes de direction sont clairs. « Mettez de l’ordre dans votre propre maison. Comprenez votre impact sur la nature et vos dépendances vis-à-vis d’elle. Cela rendra votre entreprise plus résiliente et plus prospère par la suite », a-t-elle déclaré.
Selon Eva Zabey, les dirigeants devraient se poser de nombreuses questions. Agissons-nous et mettons-nous en œuvre à la bonne échelle et à la bonne vitesse ? Comment pouvons-nous rectifier le tir ? Comment pouvons-nous démontrer les progrès réalisés sur les bases définies à la COP15 ?
S’appuyant sur son travail avec Natcap, Sebastian Leape propose plusieurs points que les décideurs politiques devraient aborder. Le premier consiste à promouvoir et à défendre la clarté sur le chemin de la transition. « C’est primordial parce que les enjeux naturels sont tellement spécifiques au secteur et à l’emplacement. Les entreprises ont besoin de clarté sur ce que l’on attend de leur secteur pour s’aligner sur le cadre mondial de la biodiversité et d’autres objectifs écologiques », a-t-il commenté.
« L’adoption courageuse d’exigences en matière de reporting sur la nature sera une autre priorité », déclare Sebastian Leape. Cela répondra directement à l’objectif 15 du Cadre mondial pour la biodiversité, qui exige que les grandes entreprises et les institutions financières évaluent et divulguent leurs risques, leurs impacts et leurs dépendances vis-à-vis de la biodiversité d’ici à 2030.
Business For Nature a fait progresser ce sujet à la COP15 grâce à la campagne Make it Mandatory. Dans ce cas, plus de 400 entreprises et institutions financières de 52 pays, dont les chiffres d’affaires combinés dépassent les 2000 milliards de dollars, ont contribué à convaincre les gouvernements d’adopter l’Objectif 15. Voilà un excellent exemple du pouvoir et de l’influence que les entreprises exercent sur les décideurs politiques lorsqu’elles collaborent et se mobilisent.
Eva Zabey et Sebastian Leape soulignent tous deux l’importance pour les gouvernements de s’attaquer aux subventions néfastes et de les éliminer, conformément à l’objectif 18 du Cadre. L’ambition est de réduire les subventions néfastes d’au moins 500 milliards de dollars par an et de multiplier les incitations positives en faveur de la biodiversité.
Eva Zabey note que « au moins 1800 milliards de dollars sont consacrés chaque année à des subventions néfastes pour l’environnement. Peu importe qu’elles soient intentionnelles ou non, cela reste un énorme caillou dans la chaussure. »
Le rôle des investisseurs dans le soutien des transitions en faveur de la nature à la COP16
Les risques financiers liés à la nature ont des implications importantes pour la communauté financière et les investisseurs. Rien qu’au Royaume-Uni, une étude du Green Finance Institute a révélé que les dommages causés à l’environnement ralentissent l’économie et réduiront de 12% le PIB dans les années à venir. Ils auraient ainsi un impact plus important que la pandémie de Covid-19 ou la crise financière mondiale.
Il sera primordial d’évoquer ces pertes lors de la COP16. Comment les investisseurs peuvent-ils soutenir les entreprises qui entreprennent des transitions en faveur de la nature dans le but de contribuer au Cadre mondial pour la biodiversité ?
Il est possible d’investir de différentes manières pour inciter les entreprises à agir pour la nature et la biodiversité. Sebastian Leape soutient que « les plus grands détenteurs d’actifs ont un rôle énorme à jouer dans l’établissement de normes et d’attentes pour les entreprises ».
Qu’est-ce que les investisseurs attendent de la COP16 ? Récemment, Lombard Odier Investment Managers a investi et développé son expertise pour comprendre les opportunités liées à la nature, comme en témoigne la nomination de Marc Palahí au poste de Chief Nature Officer.
Lire aussi : La nomination de Marc Palahí renforce l’expertise de Lombard Odier en matière de durabilité
Laura Garcia Velez, spécialiste de la nature chez Lombard Odier, s’est concentrée sur l’objectif 15 : « Nous aimerions voir se développer de nouveaux mécanismes qui permettraient d’obtenir de meilleurs résultats en matière de divulgations en rapport avec la nature, avec les investissements mondiaux requis pour la biodiversité, l’objectif 19. »
L’objectif 19 engage les gouvernements à mobiliser 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030, dont 30 milliards de dollars de financement international.
Laura Garcia Velez observe que « la connexion réussie entre ces deux objectifs permettra aux entreprises de se tourner vers des modèles commerciaux ancrés dans des solutions basées sur la nature, tout en mobilisant l’ampleur des investissements nécessaires pour développer des marchés naturels robustes et financer des efforts de conservation et de restauration de la biodiversité à grande échelle. »
« En tant qu’investisseurs, nous voulons voir des preuves d’une dynamique qui amènera à combler le déficit de financement de la nature, notamment par la mobilisation d’investissements pour faire évoluer les entreprises vers des modèles positifs pour la nature », ajoute-t-elle.
Bonne nouvelle, une récente étude publiée par l’UNEP FI révèle que le financement privé en faveur de la nature est passé de 9,4 à plus de 102 milliards de dollars sur les quatre dernières années, contribuant ainsi à combler cet écart. L’opportunité est considérable puisque l’UNEP FI prévoit que 1450 milliards de dollars pourraient être investis dans le financement de la nature d’ici à 2030.
Mais Laura Garcia Velez souligne que même si l’on assiste à une augmentation des produits d’investissement dans la nature tels que le paiement de services écosystémiques, les obligations vertes, les compensations et crédits de biodiversité, « nous devons voir des produits innovants spécifiquement conçus pour transformer les chaînes de valeur des secteurs, en particulier celle de l’industrie forestière, du foncier et de l’agriculture », note-t-elle.
Les mesures nécessaires que les investisseurs et les institutions financières devraient prendre pour se préparer à ce qui ressortira de la COP16 incluent le développement d’une expertise en matière d’évaluation et d’intégration de la biodiversité dans les décisions d’investissement, la préparation aux exigences de divulgation liées aux impacts et aux risques ainsi que l’exploration des opportunités en matière de solutions fondées sur la nature.
Les obstacles à surmonter à la COP16
Orchestrer la mise en œuvre efficace du Cadre mondial pour la biodiversité n’est pas une mince affaire. Les gouvernements ont une grande responsabilité dans l’application des politiques, de la législation et des mesures d’incitation nécessaires pour les entreprises. Dans les recommandations politiques de Business For Nature sont énumérés les principaux obstacles à surmonter, notamment en matière de protection, de restauration, de valorisation et d’engagement. « Nous avons besoin de davantage de dialogue et de résolution au sein du gouvernement », affirme Eva Zabey.
Une deuxième pierre d’achoppement concerne la mobilisation des ressources et le soutien, et la façon dont les pays les plus riches peuvent soutenir les plus vulnérables. Cet élément de négociation de la justice fait écho aux sujets de discorde historiques de la COP27 à propos du Fonds pour pertes et dommages.
Ailleurs, en ce qui concerne les NBSAP, les gouvernements ont plus ou moins respecté leurs engagements. Des études ont démontré qu’il est facile de défendre les droits des zones protégées telles que les parcs nationaux et les espèces menacées, mais que la pollution, la production, la consommation et les connaissances traditionnelles font l’objet des engagements les moins bien mis en œuvre. La résolution des incohérences entre les différentes cibles pourrait s’avérer un autre défi.
Selon Sebastian Leape, les entreprises ne disent pas ouvertement comment elles comptent contribuer aux NBSAP parce que les gouvernements n’en parlent pas encore publiquement. « Les nations n’ont pas à présenter officiellement ces plans avant 2026, mais les premiers signaux semblent fragiles, seules 12 nations sur les 196 ayant présenté leurs plans », a-t-il commenté.
Eva Zabey souligne l’importance de combler les retards, quels qu’ils soient : « Nous ne pouvons pas attendre la perfection dans l’action des entreprises et du gouvernement. Le CSRD ou la politique de gain net de biodiversité du Royaume-Uni offrent des signaux différents pour stimuler la prise de décision interne qui accélère l’action réelle. » Elle affirme que « les dirigeants doivent agir comme s’ils étaient dans un plan de gestion de crise ».
Traduire la « paix avec la nature » dans les pratiques commerciales
Si la COP16 veut rester fidèle à son label de « COP des peuples », elle doit accorder une attention particulière aux peuples autochtones, aux communautés locales et à ceux qui sont les plus vulnérables à la crise de la biodiversité, tant sur terre qu’en mer.
Selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, la Colombie, pays d’accueil, abrite plus de 90 groupes autochtones, représentant 3,4% de la population totale.
Les entreprises ont beaucoup à gagner en interagissant avec ces communautés et en s’engageant pour elles. Eva Zabey estime qu’ils sont « les gardiens de la planète ». Les organisations devraient se concentrer sur la manière dont elles peuvent concrètement intégrer les connaissances, la science, la sagesse et les conseils des peuples autochtones dans leur propre prise de décision. Il sera essentiel d’éviter les actions de façade et d’établir des rapports de confiance.
Sebastian Leape poursuit en partageant son expérience passée de la COP15 : « Ces communautés ont une perspective et une interaction uniques avec la nature, qui sont profondément intégrées dans leur vie quotidienne. Elles sont souvent en première ligne, luttant contre les pertes de biodiversité les plus flagrantes, comme la déforestation. »
La voie vers la COP16 offre aux chefs d’entreprise l’occasion de démontrer leur engagement en faveur de la nature et de la biodiversité, à travers la mise en œuvre et le partage de stratégies positives pour la nature et défendant l’action au niveau mondial. Il sera important d’aborder les questions de compromis et les transformations nécessaires des systèmes financiers. Eva Zabey conclut : « Il n’y a jamais eu une telle dynamique en faveur de la protection de la nature à tous les niveaux de la société. La COP16 nous offrira un moment pour nous ressourcer et démontrer que nous sommes clairement sortis des starting-blocks et que nous agissons pour la nature. »
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