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    Ce que nous réserve la COP28

    Ce que nous réserve la COP28
    Elise Beaufils, Deputy Head of Sustainability Research chez Lombard Odier IM

    Article publié dans Le Temps, le 20 november 2023

    Alors que le monde est confronté à l'urgence croissante de la crise climatique et que 2023 sera probablement l’année la plus chaude jamais enregistrée, la COP28 se profile à l’horizon avec des enjeux plus importants que jamais. Publié il y a quelques mois, le rapport UN Global Stocktake sur les progrès accomplis par rapport aux objectifs de l’Accord de Paris est alarmant et sans équivoque : la fenêtre pour éviter un réchauffement de 1,5°C se referme rapidement et les pays doivent désormais être plus ambitieux dans leur action afin de réduire les émissions de 43% d'ici à 2030 et de 60% d'ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019.

     

    Le rôle central de la nature pour atténuer le réchauffement

    Il est désormais clair que la nature doit jouer un rôle central dans l’atténuation du changement climatique : les solutions basées sur la nature peuvent contribuer à plus d’un tiers des réductions d’émissions nécessaires d’ici à 2030 pour limiter le réchauffement sous les 2°C. Toutefois, moins de 2% des financements pour le climat sont alloués à la nature et nos travaux de recherche montrent que la nature est probablement aujourd’hui l’un des actifs les plus sous-estimés de notre économie.

    Nos travaux de recherche montrent que la nature est probablement aujourd’hui l’un des actifs les plus sous-estimés de notre économie

    Investir dans la nature est certes complexe mais nous pensons que cette nouvelle classe d’actif va se démocratiser rapidement, attirant l’attention des investisseurs éclairés. Nous pensons en particulier qu’il est possible de déployer à l’échelle des investissements dans les chaînes d’approvisionnement de produits de base comme le café ou le cacao afin de les transformer suivant les pratiques d’agroforesterie régénérative. La demande des entreprises alimentaires pour des chaînes de valeur résilientes et des produits de base durables, tirés de la nature mais cultivés en harmonie avec elle, sera le moteur d’une importante revalorisation au cours des prochaines décennies.

    Cette transformation des systèmes alimentaires est au cœur des résultats attendus de la COP28, qui devrait donner lieu à une plus grande inclusion d'objectifs spécifiques à la nature dans les contributions déterminées au niveau national (CDN). Cette inclusion fera écho au secteur privé, d’autant plus intéressé que certains cadres de fixation d’objectifs de décarbonation autorisent désormais la comptabilisation d’émissions négatives sur la chaîne de valeur des entreprises agroalimentaires, mais ne permettent en revanche pas les compensations. S’approvisionner en produits de base associés à des émissions négatives permettra donc à ces entreprises de remplir leurs objectifs climatiques tout en renforçant la résilience de leurs chaînes d’approvisionnement.

    La nature n’est pas la seule priorité de la COP28. Nos yeux seront également tournés vers la transition énergétique et le financement de la transition et de l’adaptation.

    L’accélération de la transition énergétique devrait se concrétiser autour de trois pôles de discussions : réduction des combustibles fossiles, triplement de la capacité mondiale d’énergies renouvelables et, enfin, une collaboration internationale soutenue autour du développement de l’hydrogène vert.

     

    Décarbonation des compagnies pétrolières, un objectif à double tranchant

    La fixation d'un objectif global de décarbonation pour les compagnies pétrolières serait un succès décisif pour cette COP. Cet objectif devrait couvrir les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre qui s'échappe des infrastructures pétrolières et gazières, ainsi que la pollution causée par les opérations des compagnies pétrolières, c'est-à-dire les émissions dites « Scope 1 et 2 ». L'ambition pourrait aller jusqu'à la réduction de moitié des émissions Scope 1 et 2 de cette industrie, avec des émissions de méthane pratiquement nulles d'ici à 2030.

    Selon l’Agence internationale de l’énergie, les activités pétrolières et gazières représentent environ 15% du total des émissions liées à l'énergie dans le monde, soit 5,1 milliards de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre. Des investissements initiaux de USD 600 milliards seraient nécessaires pour réduire de moitié les émissions de ces activités à l’échelle mondiale d’ici à 2030 – en réalité, une fraction des revenus exceptionnels accumulés par l’industrie pétrolière en 2022, entre flambée des prix de l'énergie et crise énergétique mondiale.

    Toutefois, ce potentiel accord historique sur les émissions Scope 1 et 2 pourrait se faire au détriment d’un autre sur l'utilisation du pétrole et du gaz (émissions dites Scope 3), à l'origine de 40% des émissions liées à l'énergie. Ignorer ces émissions Scope 3 reviendrait finalement à éluder une masse critique de la contribution du pétrole et du gaz à la crise climatique.

    En réunissant les acteurs du secteur privé et public et en suscitant des discussions essentielles, la COP reste indispensable à l’agenda climatique

    Mise en route très attendue pour les pays les plus impactés

    Nous serons également particulièrement attentifs à l'opérationnalisation du Fonds pour les pertes et dommages, qui vise à aider financièrement les pays les plus touchés par le changement climatique. Étant donnée la contribution disproportionnée des pays du G20 aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce fonds vise à remédier aux injustices subies par les pays en développement, souvent les plus vulnérables aux effets du changement climatique, bien que faibles contributeurs à la crise climatique.

    En réunissant les acteurs du secteur privé et public et en suscitant des discussions essentielles, la COP reste indispensable à l’agenda climatique. Après s’être initialement concentrée sur les émissions de gaz à effet de serre, sa portée n’a cessé de croitre, reflétant les intrications entre climat, biodiversité, adaptation et juste transition. Ces discussions sont fondamentales pour la mobilisation d’investissements publics et privés qui devront atteindre USD 5 200 milliards par an d'ici 2030 afin de transformer profondément notre économie en une économie plus circulaire, efficiente, inclusive et propre.

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