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« La soutenabilité est au cœur de notre philosophie d’investissement » – entretien avec notre Associé-gérant, Jean-Pascal Porcherot
Article publié dans Finanz und Wirtschaft, le 13 février 2023
Jean-Pascal Porcherot L’Associé-gérant de Lombard Odier se prépare à une année complexe, alors que les principales économies connaissent de légères phases de récession. Un atterrissage en douceur de l’économie se dessine en revanche en 2024. En termes de classes d’actifs, il privilégie les stratégies obligataires, les investissements sur les marchés secondaires et dans le domaine de la soutenabilité. En ce qui concerne les actions, il conseille aux investisseurs et investisseuses d’attendre.
Monsieur Porcherot, le thème d’investissement général du présent supplément est « comeback ». Est-ce un bon choix ?
A mon avis, le terme de transition serait beaucoup plus approprié.
Cela mérite une explication.
Les marchés financiers évoluent actuellement dans la bonne direction, mais il reste encore du chemin à parcourir. 2023 sera une année de transition marquée par quatre facteurs dominants : l’inflation, la réouverture de la Chine, l’évolution des prix de l’énergie et, enfin, les événements géopolitiques.
Comment évaluez-vous donc la reprise récente des marchés en décembre et au début de cette année ?
Une phase de transition comporte toujours des impondérables. Le chemin n’est pas rectiligne, il est pavé d’obstacles. Les investisseurs et investisseuses devraient donc considérer ce redressement avec prudence. Aujourd’hui, l’inflation semble être sous contrôle, mais en cas de surprise, il faudra à nouveau s’y intéresser de près. L’inflation des services est, par exemple, toujours très élevée aux Etats-Unis. Il faudrait qu’elle recule pour que l’on puisse parler de retour à la normalité.
Qu’est-ce donc que la normalité ?
Selon nos économistes, un taux d’inflation de 2 à 3% correspond à une normalisation.
Nous devrons donc nous accommoder de l’inflation dans les années à venir ?
Les banques centrales ont été assez claires à ce sujet. Elles ont dû faire un choix entre la croissance et la lutte contre l’inflation. Elles ont choisi de lutter contre l’inflation. Nous nous attendons à ce que la Fed poursuive dans cette voie et relève ses taux aux alentours de 5%. La BCE se rapprochera de la barre des 3%. Les deux banques centrales maintiendront ces niveaux tout au long de l’année. Les marchés s’attendent plutôt à ce que les taux d’intérêt continuent d’augmenter avant d’être lentement ajustés à la baisse, d’ici la fin de l’année. Nous ne sommes pas de cet avis.
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Quels scénarios envisagez-vous pour 2023 et 2024 ?
Nous nous attendons tout d’abord à un premier semestre 2023 difficile, avec de légères phases de récession dans les grandes économies, comme les Etats-Unis et l’Europe. Une fois ces phases passées, l’année 2024 devrait commencer sous un jour plus favorable et le scénario d’un atterrissage en douceur est probable.
Dans vos perspectives d’investissement de novembre 2022, vous prévoyez toutefois un marché haussier pour le second semestre 2023. Comment concilier les deux ?
Les marchés boursiers anticipent toujours une grande partie de la reprise économique. Par conséquent, le second semestre pourrait effectivement constituer une opportunité intéressante pour entrer sur le marché, dans la mesure où l’on s’attend maintenant à une année 2024 vigoureuse pour l’économie.
Dans quels secteurs précis les investisseurs devraient-ils se positionner ?
Les marchés émergents présentent un potentiel, tant pour les actions que pour les obligations. Le moment est favorable pour investir en Chine, en particulier. En effet, la situation macroéconomique s’améliore, les taux d’intérêt sont bas et la population dispose d’une épargne importante après les nombreux confinements, ce qui stimule la consommation régionale. Au niveau des entreprises, les valorisations sont intéressantes et les marges sont faibles. L’ensemble de ces facteurs crée un environnement d’investissement très attractif.
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Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
Les principaux dangers seraient une récession mondiale, un atterrissage brutal de l’économie et des risques géopolitiques. Mais comme je l’ai dit, nous nous attendons à une récession modérée en Europe et aux Etats-Unis.
Outre la Chine, quels marchés émergents privilégiez-vous ?
En termes de régions, l’Inde se démarque. Actuellement, elle est encore sous-représentée dans les indices mondiaux. Toutefois, au vu des données macroéconomiques et des valorisations, elle mérite de figurer sur la liste des valeurs à surveiller.
Où les investisseurs sont-ils mieux positionnés, en Europe ou aux Etats-Unis ?
Le dollar américain devrait continuer à se déprécier par rapport à l’euro, car la BCE devrait intensifier sa lutte contre l’inflation. Tout dépend ensuite de la classe d’actifs. En ce qui concerne les actions, nous misons, comme je l’ai dit, sur les styles valeur (« value ») et qualité, ce qui signifie que nous privilégions les titres européens. S’agissant du crédit, nous privilégions les obligations libellées en euros, car les risques de défaillance y sont actuellement moins élevés. Enfin, nous estimons que les bons du trésor américain à dix ans offrent une meilleure protection que les Bunds pour se prémunir contre un scénario d’atterrissage brutal.
Quels sont les principaux risques géopolitiques ?
Le monde se divise en deux grands blocs et cette situation comporte des risques de plus en plus imprévisibles. Il y a une dizaine d’années, il semblait que la démocratie allait s’imposer progressivement comme la forme de gouvernement de l’avenir. Or, c’est le contraire qui se produit aujourd’hui. On assiste par ailleurs à une démondialisation frappante. Mais il ne faut pas construire un portefeuille uniquement en fonction de ces considérations. Lorsque les gestionnaires d’actifs et les banques évoquent la démondialisation, ils conseillent souvent aux investisseurs de se positionner en conséquence afin d’en tirer profit. Mais la démondialisation peut impliquer, par exemple, de retirer sa production des pays en développement pour la transférer dans son propre pays.
Est-il éthique que les investisseurs et les entreprises se retirent des régions économiquement faibles ?
Ethique n’est peut-être pas le bon mot. Il y avait une très forte mondialisation, maintenant nous avons une régionalisation.
Cette évolution est-elle saine ou non ?
Eh bien, si l’on regarde par exemple le secteur de l’énergie en Europe, il s’est quand même passé quelque chose avec la régionalisation. Regardez à quel rythme le secteur des panneaux solaires s’est développé en Espagne. Ces pays sont ainsi moins dépendants de leurs fournisseurs d’énergie actuels. La crise de l’énergie a constitué, en quelque sorte, un catalyseur sain de développement.
Tout le monde parle de crise énergétique. Y en a-t-il vraiment eu une ?
Jusqu’à présent, l’Europe a plutôt bien géré la crise énergétique, grâce à quatre facteurs : le temps chaud, le stockage de l’électricité, l’amélioration des infrastructures et les économies de consommation. L’Europe a su agir vite, et bien des choses ont évolué rapidement.
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Passons maintenant à autre chose. Quel est votre positionnement sur les marchés privés ?
Les marchés privés sont passés de « nice to have » à « must have ». Cela s’explique par leurs avantages en termes de diversification. Aux Etats-Unis, 60% des bénéfices des entreprises sont réalisés par des sociétés détenues en privé, et de moins en moins sont cotées. A cela s’ajoute le fait qu’une grande partie de la création de valeur dans les entreprises se fait sur les marchés privés et non sur les marchés publics. Nous pensons que le marché secondaire sera intéressant en 2023. En 2022, il a attiré des fonds substantiels.
Y compris dans le domaine de la soutenabilité ?
Les marchés privés jouent actuellement un rôle important pour tous les secteurs innovants, qu’il s’agisse de la technologie, de la santé ou même de La Révolution de la Soutenabilité. Cette dynamique devrait durer encore un certain temps.
Qu’entendez-vous exactement par Révolution de la Soutenabilité ?
Le monde est désormais à l’aube d’une révolution de la soutenabilité qui offre d’excellentes opportunités d’investissement pour nos clients. Cette révolution a pris une ampleur comme nous n’en n’avons pas connue depuis des décennies. Pour saisir ces opportunités, il convient d’identifier les entreprises qui ont des pratiques commerciales soutenables et qui ont une longueur d’avance en matière de transition économique.
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C’est également ce que disent les autres. En quoi Lombard Odier se distingue-t-elle dans ce domaine ?
Nous nous appuyons sur une longue tradition dans le domaine de la soutenabilité et nous avons développé notre savoir-faire au fil des années. Nous employons actuellement plus de quarante personnes dans le domaine de la recherche sur la soutenabilité et nous développons continuellement nos partenariats stratégiques, avec l’Université d’Oxford notamment.
Pouvez-vous donner un exemple d’investissement ?
Nous nous concentrons sur trois modifications essentielles du système : l’énergie, la terre et les océans, ainsi que les matériaux. Dans le domaine des matériaux, nous avons par exemple lancé un fonds de private equity axé sur la circularité du plastique. Il est composé de placements dans des entreprises qui travaillent notamment sur les biomatériaux ou qui développent des systèmes permettant de garder les plastiques plus longtemps dans la chaîne de valeur, ou encore qui se concentrent sur les technologies de tri et de recyclage.
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Est-ce surtout cet engagement fort en faveur de la soutenabilité qui vous distingue des autres banques privées ?
Ce qui nous distingue, et nos clients le constatent également, c’est que la soutenabilité est une conviction profonde d’investissement, unanimement partagée par la direction de notre Groupe, et que nous continuons à investir fortement dans notre savoir-faire.
La direction suit elle ces stratégies pour sa fortune personnelle ?
La soutenabilité est au cœur de notre philosophie d’investissement et nos Associés sont convaincus par nos stratégies.
Vous avez été nommé Associé-gérant il y un an. Quel bilan tirez-vous de ces douze mois ?
C’est précisément dans les années difficiles que les organisations qui sont bien positionnées et qui disposent d’une culture d’entreprise saine et forte peuvent se distinguer. Personnellement, j’ai vécu une année passionnante et je suis très fier de notre équipe. A l’avenir, nous nous concentrerons sur les thèmes de la soutenabilité et des marchés privés.
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