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La soutenabilité – au cœur d’une gérance soutenable efficace
Article publié dans le rapport de KPMG, édition de juin 2020, « Clarity on Sustainable Finance – Delivering impact without compromise » (en anglais uniquement)
Entretien de Patrick Odier avec Yvan Mermod, Partner, Financial Services et Bruno Beça, Senior Manager, Financial Services
Lors du sommet « Building Bridges Summit & Week » qui s’est tenu l’an dernier, la finance soutenable a largement été consacrée comme une opportunité pour le secteur financier suisse. A quels défis se heurte la saisie de cette opportunité ?
A mon sens, il y a quatre défis à relever. Le premier est la vocation même de Building Bridges : favoriser le dialogue entre les parties prenantes sans lesquelles il sera difficile de trouver des solutions pérennes. Une multitude d’entre elles ont une contribution valable à apporter, notamment les instances de réglementation, la société civile, l’industrie et la finance. Il est important de dialoguer avec chacune d’entre elles pour comprendre les différents points de vue.
Le deuxième défi porte également sur la communication : pour que les choses se fassent, il faut parler la même langue. Si l’on adopte une taxonomie, des priorités et des agendas communs pour déterminer les fondements d’une activité soutenable, on pourra atteindre les objectifs plus rapidement.
Le troisième défi consiste à trouver le juste équilibre entre encourager le changement et astreindre au changement. Par exemple, certains pays ont mis en place des mesures contraignantes telles que des taxes carbones. Les incitations, quant à elles, peuvent être utiles pour cibler des types d’investisseurs particuliers, comme les investisseurs institutionnels ou les institutions de prévoyance. Le message est clair : investir dans certains domaines offre des avantages et de la flexibilité. Les incitations peuvent aussi être fiscales, donnant envie d’investir plus activement dans des investissements et des produits soutenables.
Tous ces éléments culminent dans le quatrième défi, qui est sans doute le plus important : comment allouer les capitaux d’une manière judicieuse. Parce que le capital est l’un des quatre moteurs essentiels – avec la réglementation, la technologie et la consommation – de la rapidité et la portée de la transition soutenable. A titre d’exemple, la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris nécessitera USD 5000 milliards d’investissements par an jusqu’en 2030 selon nos estimations. Bien que ce chiffre ne dépasse que de 17% le montant qui pourrait être nécessaire avant de prendre en compte les exigences climatiques et autres exigences de soutenabilité, le capital doit également être redirigé vers des opportunités d’investissement très différentes, comme les énergies renouvelables et l’électrification de notre économie.
Quelle place la Suisse occupe-t-elle à l’échelle internationale ? Pourrait-elle y voir une chance de revitaliser son secteur bancaire privé ?
La Suisse est bien placée pour contribuer à faire avancer le débat car elle peut s’appuyer sur son pôle de compétences hors pair. Sa situation est unique en son genre : une quarantaine d’organisations internationales ont leur siège à Genève et le pays accueille pas moins de 600 ONG, le secteur financier y est solidement implanté, l’industrie est à l’avant-garde, les autorités politiques sont ouvertes aux discussions et le processus démocratique encourage le débat. Une position que vient renforcer la nature même de notre économie, qui fait la part belle à la technologie et à la recherche.
La Suisse est également l’un des principaux centres financiers du monde. 27% des richesses transfrontalières de la planète y sont gérées. Le pays peut ainsi jouer un rôle de premier plan dans la définition de l’agenda international dans des domaines clés tels que l’évolution permanente des meilleures pratiques en matière d’investissements, ainsi que les données, la transparence et les comptes rendus ayant trait à la soutenabilité. En leur qualité de gestionnaires fiduciaires, les gérants suisses sont tout à fait conscients de la nécessité de gérer les risques et de dénicher des opportunités. Nous pouvons utiliser ces compétences pour que notre clientèle et les autres parties prenantes comprennent que la soutenabilité est décisive pour créer les richesses de demain.
En parlant de modèles d’affaires, les banques telles que la vôtre ont-elles un rôle à jouer pour encourager les entreprises à changer ?
Absolument. En tant que fiduciaires, il est de notre devoir d’être des intendants du capital que nous gérons au nom de nos clients. Il est essentiel d’engager un dialogue avec les entreprises pour leur faire part de nos attentes concernant la pérennité de leurs pratiques commerciales et de leur modèle d’affaires. Mais ce dialogue nous permet également de prendre des décisions d’investissement plus éclairées en demandant aux entreprises de divulguer des informations importantes et pertinentes pour investir. Et il nous permet d’engager un dialogue porteur de changements, dans lequel nous expliquons les avantages économiques à retirer pour les entreprises qui décident d’améliorer leurs pratiques ou d’adopter des modèles d’affaires plus soutenables. Ce dialogue est essentiel à notre capacité de protéger et d’accroître la valeur des actifs de nos clients au fil du temps, à la fois pour atténuer l’exposition au risque et pour saisir les nouvelles opportunités d’investissement qui se présentent. Il fait partie intégrante du processus d’investissement et de la réalisation des objectifs financiers des clients sur le long terme.
Il est intéressant de noter que les plus grands acteurs mondiaux de la gestion d’actifs se trouvent souvent dans une situation paradoxale. Ils sont investis passivement dans des indices basés sur la capitalisation boursière, mais des sociétés aux antipodes de celles que nous plébiscitons sont également incluses dans bon nombre de ces indices. La capacité de ces acteurs à atteindre leurs objectifs peut ainsi être remise en cause. D’autant plus qu’ils peuvent contribuer au risque systémique en envoyant un mauvais signal à ces entreprises et en entravant notre capacité, en tant que communauté d’investisseurs, à mobiliser notre capital et notre influence pour accélérer la transition vers une économie plus soutenable. De toute évidence, la gérance joue un rôle encore plus crucial pour les actifs investis passivement. C’est leur principal instrument pour faire face aux risques et saisir les opportunités découlant de la révolution de la soutenabilité, une révolution qui impactera l’ensemble des secteurs, des entreprises et des classes d’actifs. Néanmoins, jusqu’à présent, les gestionnaires passifs n’ont pas assuré cette gérance durable de manière suffisamment efficace. Or cette gérance est vitale car il en va des risques systémiques, comme le changement climatique.
Je juge essentiel d’intégrer une analyse solide corroborée scientifiquement dans le processus d’investissement. Mais il me semble aussi important d’échanger en permanence avec les entreprises afin d’étayer cette analyse et de pouvoir identifier tout le potentiel de croissance ou les avantages concurrentiels d’une entreprise. Ce sont des facteurs critiques dans toute décision d’investissement à long terme.
Qu’est-ce qui a poussé Lombard Odier à développer une offre de services financiers soutenables, et à le faire de manière autonome ?
L’époque où nous pouvions clairement séparer l’investissement de la responsabilité sociale est bel et bien révolue. Nous sommes convaincus que la transition vers une économie faiblement carbonée et durable est déjà en train de remodeler le tissu économique. Nous le constatons au travers des attentes et des préférences qui évoluent chez les consommateurs et de la baisse rapide des coûts des nouvelles technologies, telles que l’éolien, le solaire, les véhicules électriques et les batteries. Sur le plan réglementaire, le paysage change aussi rapidement. Un nombre croissant de pays, d’Etats et de villes se sont engagés à ramener leurs émissions à zéro.
Ces dynamiques ouvrent déjà un large éventail de possibilités d’investissement, mais donnent aussi lieu à d’importants risques physiques, transitoires et de responsabilité. Notre rôle d’investisseurs est de gérer ces risques au nom de nos clients et de les aider à tirer parti des hausses potentielles. Nous ne pourrons y parvenir en faisant cavaliers seuls, d’autant que nos clients sont de plus en plus nombreux à appeler de leurs vœux une intégration de la soutenabilité dans la gestion de leurs actifs. Il y a encore six ou sept ans de cela, à peine 5% des clients avaient des questions ou manifestaient un intérêt pour les thèmes liés à la soutenabilité. Aujourd’hui, cette proportion avoisine 95%.
Au cours des deux dernières décennies, nous avons développé une approche robuste, exclusive et étayée par des données scientifiques pour analyser les risques et les opportunités clés que recèlent la transition et pour améliorer notre compréhension de la rentabilité attendue. Nous sommes donc mieux armés pour calibrer les risques et les attentes de rendement tout au long de cette transition.
Nous avons également noué des alliances avec des partenaires que nous considérons comme des leaders hautement innovants dans leur domaine, notamment sur des créneaux comme l’impact investing et les obligations vertes. Nous avons ainsi conclu un partenariat exclusif avec Generation Asset Management, qui a duré 12 ans. Nous collaborons également avec Affirmative Investment Managers (AIM), une société basée à Londres spécialisée dans les obligations vertes. Son équipe a joué un rôle de pionnier lorsque ces titres ont vu le jour.
Aujourd’hui, la durabilité est au cœur même de nos activités, de nos portefeuilles et de nos priorités de recherche. Parce que nous avons été des pionniers dans ce domaine, nous pensons aujourd’hui être en position de force pour aligner les portefeuilles sur la transition, et nous sommes convaincus que cela donnera lieu aux meilleures opportunités d’investissement pour nos clients sur le long terme.
Qu’en est-il des responsabilités incombant à Lombard Odier ? Qu’est-ce qui a motivé le changement au sein de votre banque ?
La soutenabilité a toujours été une préoccupation majeure pour Lombard Odier. Nous savons bien que la réalisation des objectifs de nos clients, de nos employés, des communautés et de l’environnement dans lesquels nous opérons, et notre propre soutenabilité en tant qu’entreprise sont intimement liés. Depuis les années 1990, nous avons contribué au développement de nouveaux concepts tels que Blue Orchard, devenu l’un des principaux acteurs du microcrédit, et la Fondation Ethos, un acteur clé de l’investissement socialement responsable pour les investisseurs institutionnels.
Il est nécessaire de changer la façon dont les modèles économiques et les modèles d’affaires sont mis en œuvre. Nous le savons. Les clients, les investisseurs et les entreprises dans lesquelles nous investissons attendent de nous que nous joignions le geste à la parole. C’est pourquoi nous sommes fiers d’être certifiés B Corp, par exemple. Ce label, devenu une norme internationale de premier plan, démontre notre alignement sur les objectifs du développement durable. Il est un élément important dans nos relations avec les clients, mais aussi dans la sensibilisation de notre personnel. Notre capacité à attirer et à retenir les bons talents est essentielle pour continuer à innover et à proposer des solutions avant-gardistes à nos clients. La construction de notre nouveau siège mondial s’inscrit aussi dans le droit fil de cette philosophie : les nouveaux locaux sont exemplaires en termes d’empreinte environnementale, améliorent la productivité et la qualité de vie de nos employés, et favorisent de meilleures interactions avec les collectivités locales.
Quelle approche appliquer concrètement pour que ces changements s’opèrent ?
Nous devons investir dans la soutenabilité. Nous avons développé une philosophie d’investissement tenant compte des principaux défis et tendances qui façonnent déjà notre économie et notre société. Pour que ces résultats soient transposés dans les portefeuilles, nous devons investir massivement dans notre personnel, nos processus, nos produits et notre capacité à comprendre et à interpréter la transition. Mais surtout, nous devons reconnaître la nécessité d’investir dans une main-d’œuvre diversifiée, qui reflète la nature multiforme et complexe des défis liés à la durabilité. L’idée est notamment de faire appel à des personnes ayant des compétences dans un périmètre plus large que le secteur financier, notamment dans les domaines de la science des données, de la géo-ingénierie, de l’analyse du cycle de vie, de la gouvernance d’entreprise, de la communication et de l’élaboration des politiques, par exemple.
Cette conjugaison d’expertise étendue, d’un processus basé sur l’analyse fondamentale et de notre approche collaborative de la prise de décision en matière d’investissements est essentielle pour développer un cadre analytique solide et pour comprendre les répercussions descendantes et ascendantes de la transition sur les régions, les secteurs, les entreprises et les classes d’actifs. Tout cela sous-tend le calibrage des risques et de la rentabilité attendus dans nos portefeuilles.
Selon vous, pourquoi les entreprises ont-elles tout intérêt à adhérer à la finance soutenable ?
Nous pensons que notre modèle de croissance actuel présente des défaillances fondamentales et qu’il ne résistera probablement pas longtemps à l’épreuve du temps. Notre approche actuelle de la production et de la consommation est gaspilleuse, redondante, inéquitable et sale – nous la qualifions d’économie « WILD » (« Wasteful, Idle, Lopsided and Dirty »). Pour assurer la viabilité de notre système et de notre mode de vie, nous devons repenser fondamentalement notre façon de vivre, de produire, d’agir et d’investir. Pour nous, la finalité de cette transformation est de consacrer un modèle économique circulaire, allégé, inclusif et propre – que nous appelons économie « CLIC » (de l’anglais « Circular, Lean, Inclusive and Clean »). Pour passer à ce modèle « CLIC », les entreprises doivent revoir leurs modèles et pratiques commerciales, ce qui implique de découpler la croissance de son impact et de son modèle d’affaires négatifs, afin d’évaluer si ces derniers sont adaptés à une économie plus durable, à émissions nettes nulles et peu gaspilleuse. Au final, les entreprises qui ne savent pas s’adapter risquent tout simplement de disparaître complètement des radars car elles perdront des clients et leurs produits et/ou services seront supplantés par ceux de concurrents plus innovants sur le marché. Elles auront également du mal à être compétitives dans un monde endommagé par le carbone, où les émissions de ce gaz doivent de plus en plus être réduites. Il leur sera plus difficile d’attirer et de retenir le capital humain et financier.
Nous cherchons à identifier les entreprises qui comprennent l’impact profond de la transition sur l’ensemble de la chaîne de valeur et qui réalisent des progrès substantiels pour faire face aux risques et saisir les opportunités. Ces entreprises tireront parti des opportunités d’une croissance soutenable et d’un avantage concurrentiel, avec à la clé des rendements financiers durables pour nos clients et des changements économiques, environnementaux et sociaux positifs à long terme.
Information Importante
Le présent document de marketing a été préparé par Banque Lombard Odier & Cie SA (ci-après « Lombard Odier »).
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