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Marchés émergents : poursuite de la surperformance ?
Les marchés émergents ont réalisé les meilleures performances du premier semestre 2017. Nous conservons notre surpondération – établie de longue date – des actions et de la dette en monnaie locale des marchés émergents et analysons les risques à venir.
Article publié dans Bilan le 30 août 2017
Stéphane Monier Responsable des investissements
Les marchés émergents (ME) ont le vent en poupe. L’indice MSCI EM a progressé de 18,6% au premier semestre1, la dette des ME en monnaie locale a dégagé un rendement de 8,8%2 et, pour la première fois depuis des années, tous les pays BRIC3 ont enregistré une croissance simultanée4.
En 2017, de nombreux marchés sont sortis de l’ornière, la reprise de la croissance mondiale et des bénéfices des entreprises, la faiblesse du dollar américain, les conditions monétaires accommodantes et la faible volatilité dopant les perspectives. La croissance des ME ayant repris, les pressions sur les prix sont restées généralement contenues, même au Brésil, en Russie, en Inde et en Indonésie, autant de marchés frappés par une forte inflation.
La croissance des ME s’inscrit sur le long terme en raison de facteurs démographiques favorables et du stade précoce de leur reprise. Ils affichent une croissance environ deux fois supérieure à celle des marchés développés, un écart appelé à se creuser jusqu’en 20205. Les indices PMI des directeurs d’achats des ME se situent en territoire expansionniste6, et l’indice Citi EM Surprise atteint des sommets inégalés depuis plusieurs années. La croissance bénéficiaire des entreprises des ME a été conforme aux prévisions – élevées – des analystes, les titans Baidu, Tencent, Alibaba et Samsung enregistrant des gains de cours saisissants. La dette des ME en monnaie locale présente aujourd'hui des écarts de rendement d’environ 400 points de base par rapport à la dette souveraine américaine, soit plus de deux fois le différentiel de rendement offert dix ans en arrière. Après les replis marqués des devises émergentes ces dernières années, nous estimons qu’elles sont sous-évaluées de 20% en moyenne par rapport à leur juste valeur sur une base de parité de pouvoir d’achat7.
Le second semestre 2017 s’annonce plus éprouvant. Les soutiens de la croissance – valorisations bon marché et conditions financières favorables – reculent. Les actions émergentes s’échangent à 13,4 fois les estimations de bénéfices 2017 – contre dix fois au début de la décennie8 – un corollaire du reflux de l’argent vers les fonds des ME. Les mesures de crise prises par les banques centrales touchent à leur fin, avec des taux appelés à être revus à la hausse sur une grande partie du globe. Fin juin, les rendements obligataires et les devises du monde entier ont vivement réagi aux discours des représentants des banques centrales américaine, européenne et britannique, annonciateurs du resserrement à venir. Nous nous attendons à une réduction du bilan et à un tour de vis monétaire supplémentaire de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed) cette année. La Banque centrale européenne devrait pour sa part faire une annonce concernant la diminution des rachats d’actifs fin 2017. Cela pourrait se traduire par une volatilité temporaire sur les ME.
A des degrés différents, les ME importent le resserrement de la Fed par le biais de leurs taux de change. Mais l’impact sur la croissance devrait être contenu. Si le dollar s’est nettement renforcé avant que la Fed ne relève ses taux fin 2016, les actions et les obligations des ME ont gagné du terrain. De plus, les taux de change variables de nombreux ME aident à prévenir les crises monétaires et de la dette.
Une autre incertitude porte sur la faiblesse des cours du pétrole et les perspectives des matières premières. Certes, de nombreux ME sont des exportateurs de pétrole, mais d’autres, en Asie, en sont des importateurs et la baisse des cours soutient leur croissance/balance courante. La faiblesse des prix des matières premières n’est pas parvenue, depuis le début de 2017, à entamer leur performance. Selon nous, le cours du pétrole évoluera entre 45 et 60 USD/baril ces douze prochains mois, un niveau qui ne devrait pas menacer la croissance des ME.
Quid de la Chine ? Si le pays fera sans doute face à un ajustement sévère du crédit à moyen ou long terme, nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de s’inquiéter dans l’immédiat. La menace déflationniste est retombée. Les autorités ont pris des mesures pour combattre l’endettement des marchés financiers et disposent de leviers fiscaux et monétaires puissants pour atteindre une croissance économique solide, soutenue par USD 3’000 milliards de réserves de change . Parallèlement, le protectionnisme commercial tant mis en avant par le Président Donald Trump ne s’est pas matérialisé, tandis que la Chine s’efforce de faire aboutir le Partenariat économique régional global, ainsi que le programme inédit d’infrastructure et d’investissement «One Belt, One Road» qui doit relier la Chine à l’Asie centrale, la Russie, l’Europe et l’Afrique.
1 En monnaie locale. Source : Bloomberg
2 Rendement des iShares JP Morgan EM Local Currency Bond ETF
3 Brésil, Russie, Inde et Chine
4 Chiffres de croissance du T1, sources nationales
5 Sources : FMI août 2016, calculs/projections Lombard Odier
6 Sources : Goldman Sachs, sources nationales, Bloomberg, au 13 juillet 2017
7 Sources : Datastream, Bloomberg, JP Morgan, calculs Lombard Odier
8 Source : Bloomberg, 14 juillet 2017
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