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Investir dans un monde fracturé : monnaies, valeurs refuges et actifs alternatifs
« Comment investir dans un monde fracturé ? »
Telle est la question qu’a posée Nannette Hechler-Fayd’herbe, Head of Investment Strategy, Sustainability and Research et CIO de la région EMEA chez Lombard Odier, lors d’un événement exceptionnel marquant le premier anniversaire du bureau de Verbier de Lombard Odier.
Animée par Stéphane Pedraja, Associé de Lombard Odier et Directeur des bureaux de Lausanne, Vevey, Fribourg et Verbier, la soirée a réuni des invités et des intervenants de premier plan de divers domaines, dont la finance, le journalisme et l’horlogerie de luxe suisse. L’histoire y a été un sujet récurrent, et notamment le fait que les enseignements de l’histoire peuvent aider les investisseurs à s’orienter dans un monde en proie à des divisions géopolitiques émergentes et croissantes.
Tirer des enseignements de l’histoire
Nannette Hechler-Fayd’herbe a débuté son exposé en affirmant : « Le message clé est que le monde est effectivement fracturé. Mais cela ne date pas des guerres en Ukraine et au Proche-Orient. La fracture actuelle remonte à la guerre tarifaire lancée il y a sept ans par Donald Trump, alors président des États-Unis. »
Elle estime que ces clivages ont été accentués par des conflits et des tensions croissantes dans le monde entier, notamment entre Taïwan et la Chine continentale ou entre les deux Corées. Selon elle, l’histoire nous apprend que « si la confiance disparaît entre deux pays, le commerce international en est la première victime. Chaque partie restreint rapidement ses échanges aux nations amies, tant pour les biens que pour les flux financiers. Un monde fracturé a de profondes répercussions sur l’économie et les investissements. »
Elle relève que depuis la présidence américaine de Donald Trump, le commerce international a connu une profonde mutation. Les importations des États-Unis se sont détournées de la Chine (passant de 22% à seulement 15% des importations), pour se reporter vers des alliés tels que le Canada, le Mexique et l’Union européenne. Par extension, les pays plus petits se voient de plus en plus contraints à choisir entre les deux plus grandes économies du monde, accentuant la division géopolitique.
Malgré l’émergence récente de plusieurs guerres et les tensions croissantes entre les superpuissances, Nannette Hechler-Fayd’herbe a dans une certaine mesure rassuré les investisseurs. Faisant référence à une analyse effectuée par Dario Caldara et Matteo Iacoviello, deux membres du Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve américain, elle a précisé que les turbulences actuelles incitent certes à la prudence, mais les risques géopolitiques sont encore « sous contrôle » si on les compare à ceux des cent dernières années. Avec un tel recul, on constate que de nombreux événements de guerre ouverte ou de guerre froide, y compris les conflits mondiaux et les attaques du 11 septembre 2001 à New York, ont confronté les sociétés et les économies à des situations beaucoup plus périlleuses.
Du risque à l’opportunité – des parallèles entre les disciplines
Jean-Philippe Jutzi, journaliste, ancien conseiller diplomatique et président de l’association Histoires de Verbier, a choisi la ville de Verbier pour illustrer le fait que les divisions géopolitiques les plus graves créent certes des risques, mais peuvent aussi offrir de nouvelles opportunités. Ce dernier a expliqué que pendant les années 1940, alors que le conflit mondial entravait la liberté de mouvement, la ville de Verbier a connu un formidable essor comme destination des vacanciers suisses. Depuis, des investissements avisés dans l’immobilier et l’infrastructure ont permis à Verbier de devenir l’une des stations les plus exclusives du monde.
Jean-Claude Biver, président de l’entreprise suisse de montres de luxe Biver Watches et ancien CEO de TAG Heuer et de Hublot, a cité un exemple encore plus ancien où des clivages politiques ont créé une opportunité financière inattendue. En effet, le secteur horloger suisse est né lorsque les huguenots français ont fui la persécution religieuse contre le protestantisme au XVIe siècle. Des réfugiés huguenots se sont établis dans le Jura, au nord-ouest de la Suisse, et où, forts de leur expertise horlogère, ont rapidement fait appel à la main-d’œuvre locale pour fabriquer parmi les premiers bracelets-montres et les premières montres à gousset du monde. Née des conflits et de la persécution, l’horlogerie suisse, comme la ville de Verbier, est ensuite devenue leader dans son domaine.
S’adressant aux investisseurs souhaitant s’adapter au contexte d’aujourd’hui, Nannette Hechler-Fayd’herbe a ajouté que les risques géopolitiques actuels avaient aussi fait émerger de nouvelles opportunités. Les monnaies « refuges », traditionnellement prisées en temps de crise, en ont bénéficié, mais aussi les actifs alternatifs comme les matières premières et les hedge funds. Elle a insisté sur le fait que la flexibilité est cruciale quand les investisseurs sont confrontés à un monde incertain.
Ce que cela implique pour les investisseurs aujourd’hui
Tant que les risques géopolitiques resteront élevés, les monnaies refuges continueront à se renforcer, a affirmé Nannette Hechler-Fayd’herbe. Bien que le dollar américain puisse « subir des fluctuations au cours des trois à douze prochains mois, nous prévoyons que sa vigueur persistera. Le franc suisse, ‘super-monnaie’ sur le plan mondial, a cédé un peu de terrain depuis ses derniers records, mais sans perdre sa robustesse fondamentale ».
Typiquement, a-t-elle poursuivi, « les fractures mondiales vont de pair avec un choc d’inflation. Mais heureusement pour nous, dans ce monde fracturé et déchiré par les conflits, cette inflation est en train de refluer. »
Soulignant que de nombreuses banques centrales avaient appliqué des taux d’intérêt élevés pour lutter contre l’inflation, Nannette Hechler-Fayd’herbe a ajouté que dans la perspective d’une baisse des taux largement anticipée par les marchés, « les investisseurs devaient aussi miser sur les obligations pour tirer parti des taux actuels ».
Elle a précisé qu’après le récent rebond boursier, mené par les États-Unis, « en 2024, il conviendra de rester exposé aux actions, mais à un niveau stratégique, sans exposition excessive. Tirez parti de l’équilibre offert par des allocations aux liquidités et aux obligations, et misez sur des actifs alternatifs comme les hedge funds ».
Se projeter à plus long terme
Pour conclure, Nannette Hechler-Fayd’herbe a évoqué un autre enseignement à tirer de l’histoire. « La politique a toujours eu un impact majeur sur l’économie, a-t-elle précisé. C’est une année très importante sur le plan électoral. Cela donne lieu à de nombreuses sources de volatilité. Les taux d’intérêt reflèteront ces incertitudes à l’avenir ».
« En particulier, les élections présidentielles aux États-Unis ont souvent un impact considérable sur les investissements. Que se passera-t-il en cas de victoire de Donald Trump ? Peut-être qu’il y aura davantage de droits de douane, ou même une nouvelle guerre tarifaire. Peut-être que les impôts baisseront ou que la politique d’immigration sera plus agressive. L’inflation salariale pourrait rebondir sur le marché du travail américain. Le soutien des États-Unis à l’OTAN ou à l’Ukraine pourrait être remis en cause. Les dispositions de la loi américaine sur la réduction de l’inflation (NDLR : Inflation Reduction Act) pourraient même être menacées ».
Stéphane Pedraja, organisateur de la soirée, a souligné l’importance de la politique. Selon lui, pour les investisseurs, « le monde politique joue un rôle clé. Une bonne entente entre les entreprises et la sphère politique est indispensable. Notre présence à Verbier repose sur la marque suisse qui conjugue flexibilité internationale et proximité avec nos clients et avec le monde politique. Les relations personnelles et la confiance constituent le fondement de nos convictions en gestion de fortune ».
Alors que Lombard Odier fête un an de présence à Verbier, elle jouit de plus de 225 ans d’expérience dans la gestion privée, pouvant ainsi tirer des enseignements du passé pour repenser le monde qui l’entoure. Dans un contexte caractérisé par des fractures existantes et grandissantes, où la croissance mondiale ralentit, le changement climatique s’aggrave et les menaces de conflits restent élevées, nous restons proches de nos clients et les aidons à faire face aux incertitudes actuelles en leur offrant de nouvelles perspectives d’investissement.
Bien que la géopolitique reste au premier plan, nous sommes convaincus que la transition vers une économie durable et respectueuse de la nature engendre, pour les investisseurs, le principal risque à long terme et la plus grande opportunité. Nous estimons que les investissements durables sont indispensables, et non plus seulement souhaitables, pour préserver et protéger le patrimoine de nos clients, génération après génération. En renforçant notre présence à Verbier, nous veillons à ce que nous banquiers restent proches de leurs clients et des décideurs qui façonnent le paysage de l’investissement.
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