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L'heure de vérité pour les hedge funds
Stéphane Monier Chief Investment Officer Lombard Odier Private Bank |
Piotr Kaczor, L'Agefi 13 février 2018
Le contexte de normalisation des taux est favorable à l’industrie. D’autant que l’évolution des processus associe plus efficacement humains et machines.
L'indice des hedge funds HFRX Global1 perdait à peu près 2,3% ce mois-ci au 8 février. Moyennant un recul légèrement supérieur, de -2,6% pour les stratégies Equity Long/Short2 alors que les fonds Macro3 n'ont pas su non plus bénéficier de cette situation avec une contre-performance de- 3,6%. Des chiffres qui correspondent grosso modo aux hausses enregistrées en janvier. Interview de Stéphane Monier, responsable des investissements (CIO) de la Banque Lombard Odier SA.
L'évolution en février ne doit-elle pas être perçue comme une réaction technique avant tout ?
On assimile la réaction de février en effet à une réaction technique4 car décorrélée des fondamentaux. Ces derniers traduisent une évolution qui me paraît normale dans cette phase du cycle et que nous avions anticipée. Sous le prétexte que la remontée de l'inflation n'aurait pas été anticipée, notamment sur les salaires, le marché a d'abord corrigé au niveau obligataire pour se répercuter sur les actions. Et comme le marché s'est fait peur, les obligations ont à nouveau entamé un mouvement d'appréciation.
Dans un commentaire sur les marchés, vous faites état de tendances positives pour le secteur des hedge funds?
Nous pensons que la période actuelle fait sonner l'heure de vérité pour les hedge funds. De 2014 à 2016, leur performance a été positive mais relativement modeste, ne justifiant pas, du point de vue de l'investisseur, les frais élevés que ceux-ci imputaient à leurs investissements. Entretemps, l'amélioration des processus d'investissements et des conditions faites aux investisseurs a donné lieu à une performance honorable des hedge funds en 20175, avec des afflux nets de fonds positifs pour la première fois depuis des années.
Nous sommes passés d'un environnement de forte croissance et de taux très faibles - que nos amis américains désignent par Boucles d'Or (Goldilocks) - à un environnement de croissance encore forte, que peu de gens mettent en doute, mais avec une inflation en progression même si elle reste prévisible en fonction du cycle économique.
Dans ce contexte, les stratégies actives6 et les hedge funds peuvent tirer parti positivement de ces éléments de volatilité pour créer une performance décorrélée7 des autres classes d'actifs. Etant donné que la classe d'actifs obligataire a atteint des niveaux de rendement tellement faibles qu'elle ne peut plus jouer son rôle d'amortisseur dans un portefeuille traditionnel en cas de correction du marché des actions. Même si le coussin obligataire est un peu plus étoffé aux Etats-Unis qu'en Europe.
Qu'est-ce qui a changé dans les processus d'investissements des hedge funds?
Les processus ont beaucoup évolué cette année pour incorporer les développements du big data, du machine learning et de l'intelligence artificielle. Lors de la plus grande conférence qui vient de réunir les grands gérants du secteur en Floride, une forme de consensus intéressant s'est dégagée parmi eux consistant à reconnaître que s'il n'est plus vraiment possible de gérer des hedge funds sans outils informatiques, c'est la combinaison homme machine qui va permettre de générer des performances supérieures. Le sentiment prévaut que sur les tendances à très court terme, les ordinateurs et les machines sont plus compétents que l'être humain pour gagner de l'argent sur les marchés financiers. Mais l'être humain est supérieur dans la perception de changements structurels majeurs. De ce fait les meilleures stratégies sont celles qui combinent êtres humains et machines.
Quelles sont les stratégies en mesure de réaliser de meilleures performances?
Il faut choisir des stratégies qui ne présentent pas un biais d'exposition aux marchés systématiquement positif8 (soit avec un bêta plutôt proche de zéro9). Il convient dès lors de privilégier des stratégies de type Global Macro10, Market Neutral11, Long/Short et Event Driven12. Et ce, en mettant l'accent sur des équipes de gestion expérimentées dans ce type d'environnement et qui peuvent s'appuyer sur des structures de recherche en mesure d'analyser les expositions historiques et les comportements durant les crises passées. Il faut, notamment, ne pas négliger l'infrastructure utilisée pour gérer les portefeuilles et leurs risques, avoir bien fait non seulement la due diligence sur l'équipe d'investissement mais aussi celle relative aux aspects opérationnels.
Quelles approches alternatives préconisez-vous?
Les stratégies événementielles Event Driven ou Relative Value peuvent aussi être recommandées dans ce contexte. Certes les approches Event Driven, généralement peu liquides, peuvent être perturbées par des événements à court terme. Il peut en aller de même, en temps de crise, pour les stratégies Relative Value13, en particulier sur le crédit (obligations d'entreprises ou de sociétés financières).
Ce sont probablement les stratégies qui nous paraissent les moins opportunes aujourd'hui. En effet, les gérants pourraient ne pas disposer de la liquidité requise. En revanche, il est aussi vrai que les mini-crises du type de celle vécue la semaine dernière, créent des opportunités pour ce type d'exposition puisque, à certains moments donnés, les gérants actifs qui n'ont pas épuisé leur budget de risque peuvent tirer profit des dislocations du marché et du nouveau contexte de volatilité.
Les gérants alternatifs surpris par la réforme fiscale de Trump
Quelle est l'allocation de Lombard Odier aux hege funds?
Dans une stratégie de profil conservateur, nous surpondérons légèrement, de 2%, l'allocation aux hedge funds depuis 2017.
Vous soulignez le renversement possible des flux vers les actions de dividendes comme substituts des obligations?
Nécessairement. Si les taux remontent, l'émulation entre les obligations et les actions à haut dividende va s'accentuer alors que, jusqu'ici, les obligations gouvernementales trouvaient difficilement leur rôle dans un portefeuille au vu de la rémunération supérieure des dividendes d'entreprises qui, de surcroît, offrent un environnement de croissance. Maintenant, est-ce que la remontée des taux sera suffisante pour mettre en danger les actions de dividendes, je ne le pense pas. D'autant qu'en matière de remontée des taux d'intérêt, une bonne partie du chemin a déjà été effectuée en regard de nos anticipations. Mon point de vue peut changer mais aujourd'hui, une valeur de 3% sur le bon du Trésor à 10 ans aux Etats-Unis paraît assez juste en termes de valeur d'équilibre, à 2,85% actuellement, même si elle peut être dépassée en cas d'exagération de marché.
Le niveau actuel des taux est donc suffisant pour donner lieu à une plus grande dispersion des résultats d'entreprises et, partant, favoriser le travail des gérants de hedge fund?
La grande inconnue dans le cycle économique actuel réside dans l'impact de la réforme fiscale. Si vous demandez aux gérants de hedge funds quelle a été la plus grande surprise en 2017, ceux-ci mentionnent le fait que l'administration Trump soit parvenue à faire passer sa réforme fiscale. Sur une économie en bonne santé, cette réforme revient un peu à mettre de l'huile sur le feu. Dans un contexte de plein emploi aux Etats-Unis, cet assouplissement fiscal supplémentaire suscite des craintes de montée de l'inflation. D'où la surprise suscitée par les signes d'inflation vendredi voici une semaine, pour la première fois depuis très longtemps. Même si, pour ce qui nous concerne, nous considérons que ces signes ne sont pas exagérés mais prévisibles. Il n'en reste pas moins qu'il faut continuer à surveiller l'évolution de l'inflation salariale et générale aux Etats-Unis.
Investir dans des hedge funds n'est pas nécessairement adapté à tous les types d'investisseurs. Avant de ce faire, il est recommandé de solliciter les conseils d'un professionnel.
1 Publié par Hedge Fund Research Inc, cet indice est considéré comme un des indices de référence de l'industrie des hedge funds. Il mesure la performance de l'ensemble des principales stratégies alternatives.
2 Stratégies dont le but est d'exploiter les inefficiences sur les marchés en établissant des positions longues (acheteuses) sur des actions cotées considérées sous-évaluées et des positions short (ventes à découvert) sur les actions cotées jugées surévaluées tout en réduisant l'exposition directe aux marchés des actions.
3 Stratégies qui exploitent les tendances globales macroéconomiques et qui prennent des positions au travers d'instruments liquides dans les marchés des changes, des indices actions et des principaux instruments obligataires gouvernementaux ainsi que des matières premières.
4 Renversement de tendance, souvent passager et de faible intensité, lié à des facteurs techniques comme la pression due aux positions vendeuses ou acheteuses ou encore le volume traité.
5 L'indice HFRX Global a enregistré une performance de 5.99% en 2017 (USD). Source : Bloomberg. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
6 Stratégies d'investissement qui consistent à prendre des décisions actives sur la base d'une analyse le plus souvent fondamentale afin de maximiser la performance du portefeuille et de ses actifs.
7 Une performance qui n'évolue pas de concert avec celle des autres classes d'actifs.
8 En d'autres termes, des stratégies qui ne sont pas exposées aux marchés et dont l'évolution de la performance n'est pas corrélée avec les fluctuations des marchés.
9 Soit avec une sensibilité au marché proche de zéro.
10 Stratégies qui exploitent les tendances globales macroéconomiques et qui prennent des positions au travers d'instruments liquides dans les marchés des changes, des indices actions, des principaux instruments obligataires gouvernementaux et des matières premières.
11 Stratégies qui combinent des positions longues (acheteuses) et short (ventes à découvert) tout en limitant l'exposition au marché avec un bêta proche de zéro.
12 Ensemble de stratégies qui prennent des positions sur des titres de compagnies qui connaissent des évènements importants et des situations spéciales ayant trait à la vie de ces entreprises (fusions et acquisitions, restructurations de capital, etc.).
13 Stratégies dont le but est d'exploiter les différentiels de prix entre différents instruments financiers avec un lien fort entre eux.
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