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La vigueur de l’euro devrait encore durer
Plusieurs facteurs économiques expliquent l'appréciation de la monnaie unique, particulièrement face au franc suisse et au dollar. Analyse de l'impact potentiel de cet essor.
Article publié dans Bilan le 16 août 2017
Par Samy Chaar, Chef économiste, Lombard Odier
La période estivale a jusqu’ici réservé peu de surprise. La reprise mondiale se poursuit à bon rythme et les signes d’inflation demeurent timides. Sur les marchés des changes, cependant, l’été s’avère moins indolent – la faute au raffermissement marqué de l’euro.
L’avancée de la monnaie unique face au franc suisse a été impressionnante, avec une appréciation de près de 7.5% depuis le début de l’année. Les fondamentaux de la devise helvétique restent solides, avec des excédents des balances budgétaire et extérieure ainsi qu’une inflation modérée. Dès lors, comment expliquer son affaiblissement face à l’euro ?
Dans un contexte de réduction des risques politiques en Europe et de changement futur d’orientation de la Banque centrale européenne (BCE), le besoin de recourir au statut de valeur refuge du franc suisse se trouve atténué. De plus, la croissance économique en Suisse est aujourd’hui plus faible qu’en zone euro, offrant une prime à la croissance à la monnaie unique.
Cependant, l’hypertrophie de la balance courante, ainsi que les énormes réserves de la Banque nationale suisse, devraient limiter le risque d’un recul trop marqué du franc suisse. La paire euro/franc suisse devrait, selon nous, se maintenir dans une fourchette comprise entre 1,12 et 1,17 au cours des prochains mois.
L’envol de l’euro contre le dollar est plus spectaculaire encore, à plus de 10% pour la même période. De ce fait, l’appréciation de la monnaie unique questionne inévitablement la pérennité de la reprise économique dans la zone euro.
A ce stade, trois points méritent d’être soulignés. Tout d’abord, la fermeté de la devise européenne doit être évaluée par rapport à l’ensemble de ses partenaires commerciaux. La paire euro/dollar est sans aucun doute plus scrutée par les acteurs du marché. Mais en termes effectifs, mesure beaucoup plus éloquente d’un point de vue économique, l’appréciation de l’euro a été moitié moindre : l’indice de la BCE calculé contre les monnaies des 19 principaux partenaires commerciaux de la zone euro affichait une progression de 5,3% à fin juillet.
De plus, alors que les exportations nettes ont été un important moteur jusqu’en 2013, la croissance économique de la zone euro a depuis été essentiellement tirée par la demande intérieure. Cela ne signifie pas qu’une forte appréciation du taux de change ne serait pas à même de freiner la croissance en pesant sur les exportations. Mais cela suggère que le ralentissement sera relativement modeste et certainement pas de nature à engendrer une récession.
Enfin, les déterminants de la croissance ne se limitent pas à la vigueur de la devise mais comprennent les conditions financières dans leur ensemble. Pour l’heure, les taux d’intérêt se maintiennent à des niveaux relativement bas et la forte propension au risque se traduit par des écarts de crédit serrés et des valorisations boursières solides. Un virage abrupt de la BCE pourrait, en théorie, rompre cet équilibre mais, compte tenu des attentes actuelles en matière d’inflation et de la fonction de réaction dont a fait preuve la BCE au cours des dernières années, un changement progressif de la politique monétaire devrait permettre d’éviter un durcissement excessif des conditions financières.
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